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lesquels les marchands de la Ligue Hanséatique, ainsi que ceux d'autres pays, avaient été empêchés de la même manière par diverses puissances européennes de faire du commerce avec l'ennemi, et qu'il y avait des précédents du fait de la Ligue Hanséatique elle-même, qui, se trouvant engagée dans une guerre, avait imposé des conditions analogues aux sujets des États neutres. 1

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Il paraîtrait, d'après la teneur d'une très ancienne ordonnance française (1543) qu'au XVI° siècle le roi de France prétendait à exercer le droit d'empêcher le transport de munitions de guerre au pays ennemi dans les navires neutres, sans avoir égard à aucune obligation, prise par traité de la part de ces neutres, de s'abstenir d'un pareil commerce; car il autorise expressément ses sujets à s'emparer de ces munitions de guerre et à les amener dans ses ports pour y être adjugées comme prise aux capteurs : « Mais pourront nozdits alliez et confédérez faire leur traficque par mer dedans navires qui soient de leur obéissance et sujection et par leurs gens et subjets, sans y accueillir nos ennemis et adversaires; lesquels biens et marchandises ainsi chargées ils pourront conduire et mener où bon leur semblera, pourveu que ce ne soyent munitions de guerre dont ils voulsissent fortifier nozditz ennemis; auquel cas nous avons permis et permettons à nos dits subjects les prendre et amener à nos ports et havres, et les dites munitions retenir selon l'estimation raisonnable, qui en sera faite par nostre dit admiral ou son lieutenant. »

1 Cette réponse est citée in extenso dans une lettre du 2 juillet 1599, adressée par M. le secrétaire Cecil à sir Henry Nevile, ambassadeur d'Angleterre à Paris, lettre qui se trouve dans les Mémoires de Windwood, vol. 1, p. 57. Elle mérite d'ètre lue, car elle renferme un exposé complet de la manière dont l'Angleterre envisageait le droit en pareilles matières, et son texte montre combien le sens en a été faussé par plusieurs écrivains, qui l'ont représentée comme une tentative de réduire l'Espagne par la famine. Consulter Causes célèbres du droit des gens, par le baron Charles de Martens, II, p. 334.

Lebeau, Code des prises, T. I, p. 17.

125.

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L'usage établi de l'Europe au milieu du XVI siècle semble avoir été que les puissances belligérantes interdisaient à tous les marchands de porter des munitions de guerre à bord des navires ou sur les territoires de leurs ennemis et confisquaient tous les navires chargés de munitions de ce genre, s'ils étaient pris sur la haute mer dans le cours de leur trajet pour se rendre au pays ennemi. Albéric Gentil, en commentant la légitimité de la capture d'un navire anglais pris par des croiseurs sardes et maltais, lorsqu'il se dirigeait vers Constantinople avec un chargement de marchandises diverses, parmi lesquelles se trouvaient quelques barils de poudre, et qui était en jugement. devant une Cour de l'Amirauté espagnole, fait observer que << la capture était justiciable de par le droit civil, le droit canon et le droit des gens, ainsi que de par les conventions existant entre l'Angleterre et l'Espagne. » En effet le droit civil tenait pour crime passif de la peine capitale la fourniture aux Barbares d'huile, de vin ou de toute munition de guerre. Le droit canon défendait également à tous les chrétiens de fournir des munitions de guerre aux Sarrasins. D'autre part, la pratique suivie par l'Angleterre à l'égard des marchands des Villes Hanséatiques, à qui elle ne permettait pas de porter des provisions à l'Espagne, témoignait en faveur du droit des gens, tandis que le traité de 1604, conclu entre Philippe III d'Espagne, l'archiduc Albert et son épouse Isabelle, et Jacques I d'Angleterre, obligeait chacune des parties contractantes à ne pas fournir ou à ne pas consentir à laisser ses sujets fournir aux ennemis. des autres des soldats, des provisions, de l'argent, des instruments ou des munitions de guerre, ou des secours de

1 Hispanicæ advocationes, L. I, Ch. 20.

* Cod. Liv. IV, Tit XLI. Quæ res exportari non debeant, C. 1 et 2. Concil. Lateran. III, anno 1179 (Alexander III). Decretal. Greg. IX, L. V, Tit. VI, C. 12, anno 1190. Concil. Lateran. IV, anno 1215 (Innocent. III). Extravag. Joann. XXII, Tit. VIII (anno 1316). Bulla Cœnæ Domini, C. 7.

• Albericus Gentilis, De jure belli, Liv. I, Ch. 21.

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guerre de quelque espèce que ce soit. La plupart des auteurs font remonter à la Confédération des Villes Hanséatiques l'origine des prohibitions édictées par les belligérants contre le commerce des neutres avec l'ennemi; et après que le sujet de la contrebande de guerre eut été formellement réglé par des accords internationaux, les Villes Hanséatiques furent, parmi les puissances maritimes, les premières à conclure des conventions avec les autres puissances.

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126. Certains écrivains ont prétendu que la partie du droit afférente à la contrebande de guerre repose entièrement sur des conventions, et qu'il n'existe point de droit commun des gens en pareilles matières. «En l'absence de traités », dit Klüber, «< le droit naturel des gens, qui établit la liberté de commerce complète, est en vigueur, et toute marchandise doit être présumée libre. » Heffter combat, avec juste raison, cette manière de voir comme étant en contradiction avec la vérité historique, et fait observer que les déclarations des Confédérations armées des puissances de la Baltique en 1782 et en 1800 ne renferment rien à l'appui de cette théorie; au contraire, ces puissances n'étaient pas opposées au principe de la «< contrebande de guerre »>, mais seulement à son application arbitraire; et elles recommandaient une entente commune entre les nations relativement aux détails. Si l'on peut invoquer les faits de l'histoire pour

Item quod neutra partium præstabit nec præstari per aliquos suos vassallos, subditos incolasve consentiet auxilium, favorem vel consilium directe nec per indirectum, tam per terram quam per mare et aquas dulces, nec subministrabit nec subministrari consentiet per dictos vassallos, incolasve et subditos regnorum suorum, milites, commeatus, pecunias, instrumenta bellica, munitiones, vel aliquodvis aliud auxilium ad bellum confovendum hostibus, inimicis ac rebellibus alterius partis, cujuscunque generis sint, tam invadentibus regna, patrias ac dominia alterius quam se subtrahentibus ab obedientia et dominio alterius. Dumont, Traités, T. V, part. II, p. 32.

2 Lebeau, Code des prises, T. I, p. 15. Jouffroy, Droit maritime, p. 3. Klüber, Droit des gens, § 288. Heffter, § 158, p. 305, éd. 1857,

note 4.

éclairer la controverse, ils nous apprennent que les nations de l'Europe, au XVIe siècle, prétendaient avoir le droit de capturer sur la haute mer jure belli les navires et les marchandises des puissances neutres qui se rendaient dans des ports ennemis, pour l'une ou l'autre de ces raisons:' soit parce que ce commerce était en contravention à quelque engagement de traité avec la puissance neutre, par lequel celle-ci s'était obligée à ne pas prêter aide ou à ne pas consentir que ses sujets prêtassent aide à l'ennemi du belligérant, soit parce que le belligérant avait interdit ce commerce par un avis expressément adressé au neutre pour lui notifier que dans les circonstances particulières de la guerre certains articles ne pouvaient être considérés comme de simples marchandises, étant des choses demandées par l'ennemi pour le mettre en état d'entretenir les hostilités. Il avait été d'usage depuis une époque très reculée d'insérer dans les traités une clause par laquelle l'une et l'autre des parties contractantes s'engageaient à ne point prêter aide à leurs ennemis respectifs. Ainsi, dans un des plus anciens traités entre la France et l'Angleterre (1303), il est stipulé: « Item. Accordé est que l'un ne receptera ne soustendra ne confortera, ne sera confort ne ayde aux ennemis de l'autre; ne souffera qu'ils aient confort, secours ne ayde, soit de gens d'armes, ou de vitailles ou d'autres choses queles qu'eles soient, de ses terres ne de son poiar. » Mais, même dans ces cas, il s'élevait des discussions sur la signification du mot ayde, qui était employé dans les traités, sur la question de savoir s'il s'étendait ou ne s'étendait pas à certaines marchandises qui étaient l'objet du transport ordinaire aux autres pays. Ainsi, dans les discussions entre sir Ralph Sadler, envoyé du roi Henri VIII, et le gouvernement écossais, en 1543, relativement à la séquestration de plusieurs

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1 Pactis enim Principes sæpe id egerunt in casum belli, sæpe etiam edictis contra quoscunque, flagrante jam bello. Bynkershoek, Quæst. jur. publ. Liv. I, Ch. 10.

* Rymer, Fœdera, T. II, p. 927.

navires écossais par le gouvernement anglais, on prétendit, au nom de la couronne d'Angleterre, que comme ces navires portaient des vivres dans les ports de France, c'était une infraction au traité, parce que les Écossais s'étaient obligés à ne prêter aide d'aucune sorte aux ennemis de l'Angleterre. A quoi le gouvernement écossais répondit qu'à bord des dits navires il n'y avait pas d'autre chargement que du poisson, qui était un article ordinaire de commerce entre les deux pays en temps de paix, et qu'on ne pouvait comprendre, d'après les traités, que des marchands, sujets de l'un ou de l'autre royaume, ne pussent faire leur commerce accoutumé de marchandises qu'ils avaient coutume de transporter en d'autres pays. L'envoyé anglais répliqua que « le poisson ne pouvait être considéré que comme des vivres, et que son chargement à bord des dits navires pour être transporté en France, pays qui était en hostilité déclarée avec l'Angleterre, constituait un certain genre d'aide prêtée aux ennemis de l'Angleterre, et par conséquent une légitime et juste cause d'arrêter les dits navires. » Voilà pour ce qui concerne les engagements par traités relativement à la restriction de la liberté du commerce neutre en temps de guerre. D'autre part, Albéric Gentil' attache une grande importance au fait que la reine Élisabeth avait notifié à la Confédération Hanséatique, avant de capturer ses navires, la défense de porter des provisions en Espagne ; et de Thou rapporte que les Protestants répondirent aux Portugais, qui se plaignaient que 25 navires portugais, chargés de blé à destination de l'Espagne, avaient été capturés : « Jure belli lales spoliari naves, quippe rem edictis et constitutionibus regiis prohibitam esse. » Le droit d'une puissance belligérante de prohiber par avis ou proclamation le commerce des neutres avec les pays ennemis était maintenu en pratique d'une façon si absolue que nous voyons les États-Généraux

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Sir Ralph Sadler's Letters and negotiations in Scotland, p. 381. 2 Hispanicæ advocationes, Liv. I, Ch. 20, p. 92. 3 Loccenius, De jure maritimo, Liv. I, Ch. 9.

Thuani historia, L. 64.

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