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quel il était convenu que « aucune des parties ne devra fournir aux ennemis de l'autre des soldats, des armes, des munitions de guerre ou d'autres marchandises prohibées, ou de l'argent, des provisions ou des vivres, par mer ou par terre; que tous les navires, armes, munitions de guerre et marchandises prohibées, ainsi que l'argent et les provisions, appartenant à qui que ce soit, qui seront fournis contrairement à la teneur de cet article, seront confisqués ; et que toutes les parties qui contreviendront à cet article seront jugées ennemies des deux pays et punies comme telles dans le pays où elles seront capturées; toutefois, relativement à la spécification de ce qui sera considéré comme marchandises prohibées ou comme contrebande, des commissaires se prononceront en la matière en temps convenable, sans préjudice cependant des dispositions de l'article même. » La première observation que suggère la lecture de l'article qui précède, c'est que l'argent et les vivres ne sont pas énumérés parmi les marchandises considérées comme prohibées ou comme contrebande, quoiqu'il soit convenu qu'aucune des parties ne devra en fournir aux ennemis de l'autre. Cette dérogation à ce qui se faisait précedemment fut très probablement le résultat de l'influence du Grand Pensionnaire De Witt; car au commencement de la même année 1 il avait émis l'opinion que le droit commun des gens ne défendait pas aux neutres de porter du blé à un pays belligérant. De Witt était partisan de la doctrine: « navires libres, marchandises libres », et à cette époque il poursuivait avec la France des négociations qui avaient pour but d'obtenir diverses modifications du code des prises français de nature à en mitiger la sévérité. La France, de son côté, ainsi qu'il ressort des négociations de sir Henri Nevile en 1599, montrait depuis quelque temps de la répugnance à

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1 Une lettre dans ce sens, datée du 14 juin 1654, est citée dans une note de Vattel, Droit des gens, Liv. III, Ch. 7, § 112.

2 Lettres et négociations de Jean de Witt, T. I, 3 Windwood's Memorials, vol. I, p. 23.

p. 108.

considérer le blé comme une marchandise dont l'importation dans les ports d'un belligérant par les marchands neutres devait être interdite absolument en temps de guerre. Il n'est donc pas surprenant de voir la France prendre, parmi les puissances européennes, l'initiative d'adopter une règle moins rigoureuse que celle dont les négociateurs hollandais et anglais étaient convenus dans le traité de Southampton de 1625, lorsqu'ils déclaraient être de contrebande les vivres en général sous le titre de « munitions de bouche. » Par suite nous voyons se conclure, à Paris, le 10 mai 1655, entre Louis XIV et les Villes Hanséatiques un traité de commerce, dans lequel est inséré un catalogue de la contrebande de guerre, où les vivres ne figurent pas. Ce catalogue mérite d'être mentionné, car c'est sur son modèle, sauf l'omission des cordages et de la toile à voiles, que presque tous les traités postérieurs au sujet de la contrebande de guerre au XVIIe siècle ont été rédigés :

Art. XI. Lesquelles marchandises de contrebande sont entendues être munitions de guerre, armes à feu, sçavoir: canons, mousquets, mortiers, bombes, pétards, grenades, saucisses, cercles, affûts, fourchettes, bandoulières, poudre, mesches, salpestre et toutes autres sortes d'armes, comme picques, espées, morions, casques, cuirasses, hallebardes, javelots et autres armes servant à la guerre, ensemble des chevaux, des cordages et des toiles noyales qui ne puissent servir qu'à faire voiles; pourront néanmoins porter des bleds et grains de toutes sortes, légumes, et autres choses servant à la vie, si ce n'est que les villes et places où ils les transporteront fussent attaquées par Sa Majesté et que volontairement ils les y transportassent sans y être forcéz par les ennemis de Sa Majesté et se servant par violence de leurs vaisseaux trouvez dedans leurs ports ou ailleurs; auquel cas pourront les commandans des vaisseaux de Sa Majesté retenir lesdits grains et autres choses servans à la vie, en payant leur juste valeur suivant l'estimation qui en sera faite, sinon et à faute d'estimation et de payement en deniers

comptans, les sujets des dites Villes Hanséatiques pourront se retirer librement avec leurs vaisseaux et marchandises, si ce n'est qu'elles fussent de la qualité de celles spécifiées cy-dessus pour être de contrebande. 1

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131. La France, s'étant ainsi assuré l'acquiescement d'une des grandes puissances maritimes à l'adoucissement de la règle rigoureuse qui qualifiait les vivres de contrebande de guerre, conclut avec l'Espagne un arrangement concernant le même sujet, par le traité des Pyrénées de 1659, qui est très souvent cité par les publicistes comme fournissant la règle à l'aide de laquelle il est possible de déterminer ce qui est contrebande de guerre, du consentement général des nations européennes. On peut dire, sans contredit, qu'il n'existe parmi les nations de l'Europe aucune contestation sur le point de considérer les marchandises énumérées dans l'article XII de ce traité comme étant toutes des marchandises dont le transport en pays ennemi par des marchands neutres doive être interdit:

Art. XII. En ce genre de marchandises de contrebande s'entend seulement estre comprises toutes sortes d'armes à feu et autres assortissemens d'icelles, comme canons, mousquets, mortiers, pétards, bombes, grenades, saucisses, cercles poissez, affusts, fourchettes, bandolières, poudres, mesches, salpestre, balles, picques, espées, morions, casques, cuirasses, hallebardes, javelines, chevaux, selles de cheval, fourreaux de pistolets, baudriers, et autres assortissemens servans à l'usage de la guerre.

L'article suivant du même traité, qui exclut les vivres de la liste de la contrebande de guerre, peut être considéré comme ayant reçu le consentement de toutes les nations de l'Europe, en tant, du moins, qu'il reconnaît le droit d'une puissance belligérante de confisquer les marchandises qui y sont énumérées, si elles sont portées dans un port bloqué.

1 Dumont, Traités, T. VI, P. II, p. 103.

Art. XIII. Ne seront compris en ce genre de marchandises de contrebande les fromens, bleds et autres grains, légumes, huiles, vin, sel, ny généralement tout ce qui appartient à la nourriture et sustentation de la vie ; mais demeureront libres, comme toutes autres marchandises et denrées non comprises en l'article précédent ; et en sera le transport permis, mesme aux lieux ennemis de la couronne d'Espagne, sauf en Portugal, comme il a été dit, et aux villes et places assiégées, bloquées ou investies. '

132. Les Hollandais ne tardèrent pas à suivre l'exemple des Villes Hanséatiques et de l'Espagne, et en 1662 ils conclurent, à Paris, avec Louis XIV un traité, par lequel ils convinrent de limiter le catalogue de la contrebande de guerre aux articles énumérés dans le traité des Pyrénées. Par contre, l'Angleterre et la Suède se tinrent à l'écart, attendu que, par un traité conclu à Whitehall le 21 octobre 1661, elles s'étaient accordées pour maintenir la règle la plus rigoureuse. Les dispositions de l'article XI de ce traité étaient conçues comme suit :

Cautum tantummodo sit interim ne merces ullæ vocatæ contrabandæ, et specialiter nec pecunia nec commeatus, nec arma, bombarda cum suis igniariis et aliis ad ea pertinentibus, ignes missiles, pulvis tormentarius, fomites, alias lunten, globi, cuspides, enses, lanceæ, hastæ, bipennes, tormenta, tubi catapultarii, vulgo mortaria, inductiles sclopi, vulgo petarda, glandes igniariæ missiles, vulgo granadæ, furcæ sclopetariæ, bandaliers, salpetræ, sclopeti, globuli seu pilæ quæ sclopetis jaculantur, cassides, galex, thoraces loricatæ, vulgo cuirasses, et similia armaturæ genera, milites, equi, omnia ad instruendos equos necessaria, sclopethecæ, balthei et quæcunque alia bellica instrumenta, uti nec naves bellica et præsidiariæ hostiles suppeditandæ devehantur ad alterius hostes, sine periculo, quod prædæ cedant absque spe restitu

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tionis. Neque confederatorum alteruter sinat ut suorum cujusquam operá hostes aut perduelles alterins utantur, navesque vendantur, commodentur, ullo ve modo usui sint alterius hostibus aut perduellibus, ad ejus incommodum aut detrimentum; alterutri autem confæderatorum ejusve populo subditive cum alterius hostibus commercium habere, iisque merces quascunque (de quibus supra exceptum non est) advehere licebit, idque, sine ullo impedimento, nisi iis in portubus, locisque qui ab altero obsidentnr; quod si acciderit, vel obsessoribus bona sua divendere vel ad alium quemvis portum non obsessum libere se conferre permissum

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Quoi qu'il en soit, on doit faire observer que, tandis que ces deux puissances convenaient de considérer l'argent, les vivres et les navires comme des articles prohibés, et adhéraient ainsi à la pratique la plus rigoureuse relativement à la contrebande de guerre, elles proposaient d'adopter une règle plus mitigée à l'égard des chargements transportés à des villes assiégées ou bloquées, puisqu'elles étaient d'avis que ces chargements, dans le cas où ils seraient capturés en se rendant dans ces villes, au lieu d'être passibles de confiscation, ne devaient être qu'assujettis à la préemption de la part des capteurs. Les dispositions de ce traité furent renouvelées entre la Suède et la Grande-Bretagne dans d'autres traités de commerce conclus respectivement en 1664, en 1665 et en 1666. Cependant la Suède, le 16 juillet 1667, conclut à La Haye avec les Provinces-Unies un traité, aux termes duquel, pour mettre fin à toutes les controverses sur la question de savoir quelles marchandises devaient être regardées comme contrebande de guerre, les deux nations convenaient d'adopter le catalogue, que nous avons déjà dit avoir été inséré par la France dans ses traités avec l'Es

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1 Dumont, Traités, T. VI, P. II, p. 385.

2 Les traités de 1664 et de 1665 sont mentionnés dans le premier article du traité de 1666. Dumont, Traités, T. VI, P. III, p. 83.

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