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bre passage sur son territoire aux troupes armées d'une puissance belligérante sans compromettre sa neutralité, si elle est prête à l'accorder pareillement aux troupes armées de l'autre belligérant. « Le passage innocent », dit Vattel, « est dù à toutes les nations avec lesquelles un Etat vit en paix, et ce devoir s'étend aux troupes comme aux particuliers. Mais c'est au maître du territoire de juger si le passage est innocent, et il est très difficile que celui d'une armée le soit entièrement. »« Il faut observer », dit Lord Stowell, que le droit de refuser le passage, mème sur terre, est supposé dépendre plus des inconvénients qui pourraient en résulter pour l'Etat neutre que de l'injustice qui serait commise à l'égard de la tierce partie intéressée à obtenir la permission. » Grotius et Vattel s'accordent à reconnaître qu'il n'y a ni sujet de plainte ni cause de guerre contre l'Etat neutre intermédiaire, s'il accorde le passage aux troupes d'un belligérant, quoique l'État qu'on peut atteindre ainsi puisse en éprouver des inconvénients; car le droit du refus se base sur les inconvénients que le passage pourrait occasionner à l'Etat neutre lui-même. Puisque donc le passage des troupes et surtout d'une armée entière. n'est nullement une chose indifférente,celui qui veut passer dans un pays neutre avec des troupes, doit en demander la permission au souverain. Entrer sur son territoire sans son consentement, c'est violer ses droits de haut domaine, en vertu desquels nul ne peut disposer de ce territoire pour quelque usage que ce soit, sans sa permission expresse ou tacite. Or on ne peut présumer une permission tacite pour l'entrée d'un corps de troupes, puisque cette entrée peut

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1 Qui transitum cum exercitu per terras suas petenti concedit, ei, contra quem eodem opus habet, injuriam minime facit. Wolf, 68. § 589. 2 Liv. III, Ch. VII, § 119.

The twee Gebrææders, 3. Ch. Rob. p. 353.

* De jure belli et pacis. Liv. II, Ch. II, § 13.

Kent's Commentaries on american law. T. I. p. 119.

6 Qui cum exercitu per terras alterius gentis iter facere vult, transitum petere debet. Wolf, Jus gentium § 688.

avoir les suites les plus sérieuses. Si le souverain neutre a de bonnes raisons de refuser le passage, il n'est point obligé de l'accorder, le passage dans ce cas n'étant plus innocent'. Cependant, relativement au passage des vaisseaux armés d'une puissance belligérante sur ce qu'on appelle quelquefois le territoire maritime d'une nation neutre, c'est-à-dire sur les parties de la mer qui baignent ses côtes jusqu'à la distance d'une lieue maritime, et sur lesquelles elle exerce une juridiction, qui lui est propre, concurremment avec la juridiction maritime commune aux nations, le cas est différent. Une nation peut défendre aux flottes armées d'une puissance belligérante d'entrer dans ses ports, dans ses havres, dans ses estuaires et dans aucune de ses eaux intérieures ; mais elle ne peut légitimement leur défendre de passer parles mers qui baignent ses côtes, quoiqu'elle ait une juridiction de fait sur ces mers, attendu que le passage des navires sur ces eaux extérieures, que ces navires soient armés en guerre ou frétés pour le commerce, est également innocent par rapport à la nation dont les côtes sont baignées par ces eaux ; car ce passage ne lui cause aucun dommage. « Il est à remarquer », dit Lord Stowell, « que le passage des navires sur les parties territoriales de la mer ou des eaux extérieures est une chose de laquelle on se garde moins que du passage des armées sur terre ; il y a pour cela des raisons qui sautent aux yeux. Une armée, même lorsque la plus stricte discipline y est en vigueur, peut à peine passer dans un pays sans causer les plus grands inconvénients aux habitants : les routes sont défoncées; le prix des provisions augmente; les malades sont logés chez les particuliers, et il se répand une

1 Droit des gens. Liv. III, Ch. VII, § 119-121.

2 Grotius est d'opinion qu'un Etat neutre peut refuser le passage à une armée belligérante, si elle fait une guerre injuste, si elle entraîne à sa suite des ennemis de l'Etat neutre ; autrement le droit de l'Etat neutre se borne à régler le passage des troupes belligérantes et à se faire donner des otages en garantie de leur bonne conduite.

inquiétude et une terreur générales, tandis qu'on ne peut ni s'apercevoir ni se ressentir du passage de deux ou de trois navires, même d'une flotte sur des eaux extérieures. C'est pour cette raison que l'acte de passer innocemment sur ces parties d'eau sans y commettre de violences n'est pas considéré comme une violation du territoire appartenant à un Etat neutre; d'ordinaire on ne demande pas de permission; ces eaux sont regardées comme étant le grand chemin commun des nations, bien qu'elles aient le caractère de territoire, à ce point de vue que tout exercice effectif d'hostilités est prohibé dans toute leur étendue. 1

219. Un État neutre, en vertu de son droit de haut domaine sur tout ce qui se trouve dans ses limites territoriales, peut imposer les conditions qu'il lui plaît aux navires belligérants, qui entrent sur son territoire. Le fait qu'un navire appartient à un citoyen ou à un sujet d'un État belligérant ne dépouille pas le capitaine et l'équipage du droit de réclamer d'une nation neutre les prérogatives ordinaires de l'hospitalité en cas de danger immédiat, afin de se mettre à l'abri des périls de la mer, ou en cas de détresse pressante causée par les maladies ou le manque d'eau ou de vivres. Les navires marchands en général sont reçus dans les ports des États neutres, sans qu'il soit fait de distinction entre ceux qui sont la propriété de sujets de puissances belligérantes et ceux qui appartiennent à des sujets de puissances neutres; mais, relativement à des navires armés, dont le capitaine tient une commission de guerre d'une puissance belligérante, et surtout relativement aux navires appartenant à des particuliers et naviguant sous lettres de marque, la pratique de l'hospitalité par les États neutres se restreint, dans la plupart des cas, à leur fournir des objets de nécessité urgente. L'hospitalité, dans ces limites, peut être regardé

1 The Twee Gebræders, 3. Ch. Rob. p. 352. Bynkershoek, Quæst. jur. publ. Liv. I, Ch. VIII.

comme un devoir commun d'humanité ; mais c'est un acte de courtoisie, à la discrétion de l'État neutre, que de laisser la libre pratique à un navire armé d'une puissance belligérante, ou de permettre à son équipage de débarquer à terre. De plus, l'État neutre est libre, sans enfreindre les devoirs de l'humanité, d'exiger que tout navire armé appartenant à un belligérant continue son voyage dès qu'il a été satisfait à ses besoins pressants. Il n'est point rare qu'une puissance neutre fasse connaître publiquement les conditions auxquelles les navires armés des puissances belligérantes seront admis dans ses ports, et qu'elle leur interdise l'entrée de quelques-uns, par exemple de ses ports militaires. Ainsi, pendant la guerre de 1854 entre les trois puissances alliées et la Russie, le gouvernement de Suède et Norvège publia une note circulaire à l'effet de faire savoir que, tandis qu'il accordait aux navires belligérants de guerre et de commerce la permission d'entrer dans ses ports, il se réservait la faculté d'interdire aux navires de guerre belligérants l'entrée de quelques-uns, savoir le port de Stockholm, en dedans de la forteresse de Maxholm; le port de Christiania, en dedans de la rade de Kaholm; le bassin intérieur du port militaire de Horten; les ports de Carlsten et de Carlscrone, en dedans des fortifications, et le port de Slito en Gothie, en dedans des batteries d'Eneholm. Exerçant un droit analogue de haut domaine sur son territoire, le Danemark, le 2 avril 1854, publia une note circulaire dans le même sens, par laquelle il se réservait le droit d'interdire aux navires belligérants de guerre et de transport l'entrée du port de Christiansoe. 1

220.- Un État neutre, en permettant à des navires de guerre belligérants d'entrer dans ses eaux territoriales, est tenu, si cela est en son pouvoir, de rendre sûr leur séjour

1 Circulaire du ministre danois des affaires étrangères, du 20 avril 1854, dans Sammlung Officieller Actenstücke in Bezug auf Schiffahrt und Handel in Kriegszeiten Hambourg. 1854.

dans ces eaux, de même qu'il veille à la sécurité du passage qu'il accorde à leurs troupes par terre. C'est pour lui une obligation de bonne foi de rendre sûr, autant qu'il dépend de lui, leur passage sur son territoire; 1 autrement permettre aux navires d'un belligérant d'entrer dans ses havres ou ses ports, ce serait les attirer dans un piège. Par conséquent il est du devoir de l'État neutre de ne pas permettre qu'un navire de guerre belligérant, qu'il a laissé entrer dans ses eaux intérieures, soit attaqué par un navire de guerre ennemi qui pourrait y entrer ensuite, et en même temps d'empêcher que le navire arrivé le premier profite de sa position pour attaquer le dernier venu. De plus, l'État neutre, en vertu de son droit de souveraineté sur toutes les personnes et toutes les choses qui se trouvent sur son territoire, a la faculté de retenir un navire de guerre belligérant qui est entré dans un de ses ports après un autre navire appartenant à un ennemi, de manière à assurer que ce dernier ne souffre aucun dommage pour être entré dans le port d'une puissance neutre. A ce sujet il est devenu d'usage constant chez les puissances européennes d'exiger de tout navire de guerre belligérant qu'il laisse s'écouler un intervalle de vingt-quatre heures au moins avant de pouvoir sortir d'un port neutre pour poursuivre un navire ennemi, qui a quitté le port depuis son arrivée; et cet usage a été adopté comme une règle du droit des gens par les États du continent américain. 3 Cette règle a été en outre insérée dans les dispositions de divers traités régissant les rapports des nations chrétiennes de l'Europe et de l'Amérique avec les puissances mahométanes de l'Afrique. Nous avons un exemple frappant de la

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Transeuntibus transitus præstandus est tutus. Wolf, § 704. * Vattel, Liv. III, Ch. VII. § 131.

Lettres de

Instructions aux collecteurs des douanes, 4 août 1793. Jefferson à M. Genet,8 et 17 juin 1793.-Kent's Commentaries, 1, p. 123. Traité entre les Etats-Unis et le Maroc, 25 janvier 1787. Martens, Recueil, IV, p. 247. - Etats-Unis et Tripoli, 4 novembre 1796, ibid. p. Etats-Unis et Tunis, 28 août 1797, ibid. p. 405. Ortolan, Règles internationales. T. II, p. 249.

299.

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