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SCENE III.

APPIUS, ICILE, VIRGINIE, CAMILLE, PISON,

GARDES.

APPIUS à Icile.

DErober

Erobez-vous au coup qui vous menace,

Icile, par vos foins meritez votre grace.

fà Virginie) Madame, fongez-y, vous fçavez mon deffein,

Il me faut dés ce soir fon fang ou votre main,
Je fors pour un moment; Gardes, qu'on fe retire.

SCENE

I V.

ICILE, VIRGINIE,

CAMILLE.

VIRGINIE.

Velfors de nous flater, voicy le jour affreux

Ous avez entendu ce qu'il vient de nous dire.

Où l'on va pour jamais nous feparer tous deux. De notre heureux Hymen l'efperance eft perdue Je ne puis qu'un moment jouïr de votre vue;

Et vous n'ignorez pas à quel funefte prix
Ce dernier entretien vient de m'être permis.

ICILE.

Je fçay que contre nous on met tout en usage,
Même pour effayer d'ebranler mon courage,
On a fait en paffant étaler à mes yeux

De mon trépas certain l'apareil odieux,

Et les triftes apprets des tourmens redoutables, Dont la rigueur des loix punit les grands coupables:

Mais parmi ces objets, mon cœur, fans s'émouvoir,
N'a fongé feulement qu'au plaifir de vous voir.
Madame, qu'il m'eft doux de vous parler encore,
De pouvoir attendrir la beauté que j'adore,
Et de voir une fois au moins avant ma mort,
Vos yeux donner des pleurs à mon funefte fort!
Car ne prefumez pas que mon ame étonnée
Vienne vous confeiller un honteux hymenée.
Si le lâche Appius étoit digne de vous,
J'oferois vous prier d'en faire votre Epoux;
Je vous immolerois mon amour & ma vie ;
Je ferois trop heureux de vous avoir.servie,
Et d'avoir en mourant pu mettre entre vos mains
La fuprême puiffance, & le fort des Romains.
Ne penfez pas auffi que je vienne, Madame,
Pour vous folliciter en faveur de ma flame,
Votre bonté pour moy feroit tomber fur vous
La fureur d'un Rival tout-puiffant & jaloux.
Sauvez-vous.

VIRGINIE.

Arrêtez ; en ce malheur extrême, Je prétens deformais me confeiller moy-même; Je voy ce qu'il faut faire, & ne balance plus, Yos confeils & yos foins font icy fuper Aus;

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VIRGINIE,

ma

Je çay par où finir vos maux & ma mifere,
Et dés ce même jour.........

ICILE.

Quoy que voulez-vous faire ?.

Par où pretendez-vous nous pouvoir secourir ?
Qu'avez-vous retolu, Madame ?

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Le fort nous force à perir l'un & l'autre, Mais fouffrez que ma mort précede au moins la vôtre;

Je le veux, votre cœur ne doit point l'envier,
Le plus foible des deux doit mourir le premier ;
J'ay du courage affez pour m'immoler moy mês

me,

Et n'en ay point pour voir expirer ce que j'aime,
ICILE.

Ah renoncez, Madame, à ce cruel deffein.
J'en fremis...

VIRGINIE.

Vous tremblez, & vous êtes Romain!
ICILE.

Ouy , je tremble fans doute, & je vous le confeffe,
Mais mon cœur s'applaudit d'avoir cette foibleffe.
Je verrois vos beaux yeux fe fermer pour jamais ?
Ah, plutôt...

VIRGINIE.

Le trépas fait mes plus doux fouhaits Mourons, puifqu'il le faut, genereux & fidelles,

Emportons au tombeau nos ardeurs mutuelles ;
Servons de noble exemple aux fiecles à venir,
D'une foy que la mort n'aura pû des-unir;
Remportons du Tyran une entiere victoire,
Mourons, & me laiffant partager votre gloire,
Faifons que l'univers déplore notre mort,
Et forçons le Tyran d'envier notre fort.

ICILE.

Non, Madame, vivez... Mais le Tyran s'appro che,

C'en eft fait, de ma mort l'inftant fatal eft proche,
Le fuplice m'attend au fortir de ce lieu,

L'appareil est tout prêt, & pour jamais, adieu,
Je ne vous verray plus... Mais je vous prie encore,
C'eft le dernier fouhait d'un coeur qui vous adore,
De vouloir...

SCENE V.

APPIUS, ICILE, VIRGINIE, CAMILLE, FABIAN, PISON, GARDES.

APPIUS.

QUel fuccez aura votre entretien t

Qu'avez-vous refolu? parlez, Icile.

ICILE.

APPIUS.

Rien.

C'est donc-là tout l'effet d'une telle entrevu?

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C'est ainsi que pour moy vous l'avez resoluë ?
J'ay crû que par vos foins je recevrois la foy.

ICILE.

Je n'ay pas feulement daigné penfer à toy.
Comment t'es-tu flatté que pour fauver ma vie
Je viendrois pour tes feux parler à Virginie ?
J'ay dû mieux employer un tems fi pretieux,
Qu'à fervir d'un Tyran les deffeins odieux.
APPIUS.

Ah, perfide! ta mort, mais une mort cruelle,
Punira de ton cœur l'audace criminelle;
Rien ne te peut fauver, c'en eft fait.

ICILE.

Hafte-toy, La mort n'a rien d'affreux ny de trifte pour moy: Mais que dis-je ? ma mort encor plus que ma vie De ton amour jaloux excitera l'envie,

Je mourray plaint, heureux, & fans être trahi; Tu vivras criminel, malheureux, & haï.

VIRGINIE.

Ceffe de te flatter; en vain ta tyrannie
S'attache à feparer Icile & Virginie ;

En vain d'un feu fi beau tu veux rompre le cours, L'amour plus fort que toy nous rejoindra toujours.

APPIUS.

Ouy, vous ferez unis... mais c'est vous faire gra

ce,

Il faut bien autrement confondre votre audace.
Vous voulez m'irriter; un trépas éclatant
Et le fuprême bien que votre amour attend:

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