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toire, est présumée, mais n'est point constanté ; il y a plus, rien n'est plus facile que de justifier complétement le récit sous ce rapport. Les difficultés que présentent les langues tiennent en partie à l'opinion individuelle de ceux qui élèvent ces difficultés, ou bien elles sont d'une nature telle qu'on n'en peut rien conclure contre le passage en question. Sa suppres sion dans le texte hébraïque ne présente pas non plus un argument concluant; si l'on voulait y attacher une grande importance, il faudrait l'appliquer à plusieurs autres cas semblables, où la version des Septante diffère du texte original. Enfin il ne dissimule point à son ami que sa conduite à cet égard ne s'accorde point avec la soumission due à l'Eglise, et que ses principes pourraient, dans leur application, conduire à de grandes absurdités (86).

Nous possédons encore des fragmens de quatre autres lettres d'Origène. Dans l'une, il fait l'éloge de l'assiduité d'Ambroise et de son zèle pour la science, qui ne lui laisse de repos ni le jour ni la nuit. Dans une autre, il se justifie des reproches que loi attirait de tous côtés l'étude de la philosophie à laquelle il se livrait (87). Une troisième est adress sée à ses amis d'Alexandrie; il s'y défend contre les calom nies dont il est l'objet, et se plaint des falsifications que les hérétiques font subir à ses ouvrages (88). La quatrième, enfin, écrite à Grégoire le thaumaturge, son disciple, traite de l'usage que l'on peut faire de la philosophie grecque, pour l'interprétation de l'Écriture sainte et pour la théologie chrétienne, en général: Il y compare cette philosophie aux trésors précieux que les Israélites emportèrent à leur départ d'Égypte, et dont ils se servirent plus tard pour décorer leur sanctuaire. Mais en même temps il met en garde contre l'abus que l'on pourrait en faire, et il remarque qu'à

(86) Origen, epist. ad Afric., c. 4. (87) Euseb., h. e., VI, 19. (88) Hieron. L. II, 5, contr. Rufinum.

cet égard les hérétiques imitaient ces Israélites qui, dans le désert, employèrent ces trésors à faire leur veau d'or (89).

Quant aux lettres adressées au pape Fabien (90), à Bérylle, évêque de Bostra (91), à l'empereur Philippe et à son épouse Sévéra (92), à son disciple Tryphon (93), et plusieurs autres qui se rapportaient à la persécution de Décius (94), il n'en reste pas le moindre vestige.

II. Ouvrages apocryphes.

Après cette longue liste des productions authentiques du génie d'Origène, il nous reste à parler de quelques autres d'une origine plus récente et qui ont été publiées sous son

nom.

1. Dialogus de recta in Deum fide contra Marcionitas (95). L'auteur de cet ouvrage porte, à la vérité, le nom d'Adamantius, mais cela ne prouve rien, puisque le vrai nom d'Origène ne s'y rencontre nulle part; ce qui est d'autant plus important à remarquer, que Théodoret (96) compte réellement un Adamantius parmi les adversaires de Marcion. Le silence d'Eusèbe et de tous les autres anciens écrivains, est un argument de plus contre son authenticité; puis encore l'auteur parle d'un empereur dont les sentimens étaient contraires à ceux des monarques ses prédécesseurs, qui aimait les chrétiens et renversait les temples des idoles; ce qui ne s'accorde guère avec le temps où vivait Origène, mais plutôt avec la période chrétienne qui suivit. On trouve

(89) Philocal., c. 13. Toutes les lettres et les fragmens de lettres se trouvent chez de La Rue, t. I, p. 3 sq. - (90) Hieron. ep. 41 al. 65. —(91) Id., catal., c. 60. (92) Euseb., h. e., VI, 36. Hieron. catal.,

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(93) Hieron., ibid., c. 57. (94) Euseb., h. e,, VI, 28. –

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(95) Wetstein publia le premier cet ouvrage en grec et en latin à (96) Theod. Fab. hæret., I, 5, it. in Prooem. Cf.

Bâle, en 1674.
Phot. cod. 231.

aussi fréquemment dans cet ouvrage le mot ouoovalos, employé dans le sens fixé plus tard par le concile de Nicée ; enfin on n'y reconnaît nulle part le style d'Origène. Toutes les raisons intrinsèques et extrinsèques se réunissent donc contre son authenticité.

Du reste, cet ouvrage est fort utile; il est écrit avec beaucoup de pénétration, et les argumens des adversaires de l'auteur sont réfutés par des raisons péremptoires. Il se compose de cinq parties, dont les deux premières traitent de la doctrine d'un seul Dieu, créateur et rédempteur du monde, et de l'absurdité que présente le système de deux principes également suprêmes; la troisième partie démontre que l'origine du mal n'est point en Dieu, mais dans la volonté de la libre créature. Par suite de ce raisonnement, la quatrième partie combat l'erreur qui consiste à faire d'une matière éternelle la source du mal, et prouve le dogme de l'Incarnation du Verbe par la Vierge; la cinquième partie, enfin, défend le dogme de la résurrection.

2. Philosophumena. C'est là le titre d'un ouvrage qui avait pour but la réfutation de toutes les hérésies, et dont la partie qui nous reste ne forme que l'introduction (97). Mais Origène n'en est point l'auteur, quoi qu'en dise le frontispice. Cet auteur annonce, au contraire, qu'il est dans l'épiparia, c'est-à-dire qu'il jouit de la dignité épiscopale (98), ce qui n'était pas le cas d'Origène. Les autres motifs ont été exposés par de La Rue (99).

Cet écrit contient un résumé assez bien fait de l'histoire de la philosophie, notamment par rapport aux questions les

(97) La première édition a été publiée par J. Gronovius, Thesaur. Antiq. græc. Tom. IX, p. 237, sous le titre de: Fragmentum philosophumenon.

(98) Opp. Orig. Edit. Paris. Tom. I, p. 876. p. 872; tom. IV, Origenian., p. 327.

(99) Ibid., tom. I,

plus importantes de l'esprit humain, qui ont occupé, non seulement les Grecs, mais encore d'autres peuples moins civilisés. On y fait connaître les systèmes des épicuriens, des stoïciens, des platoniciens, etc., et l'on y parle aussi de l'opinion des brahmines, des druides, etc.; la connaissance approfondie des diverses écoles philosophiques que déploie l'auteur de cet écrit, a été sans doute un des principaux motifs qui l'ont fait attribuer à Origène.

3. Enfin, il existe encore, sous le nom d'Origène, deux commentaires différens sur le livre de Job. Le premier, en trois livres, ne va que jusqu'au troisième chapitre; le second, disposé plutôt sous forme de scholics, s'étend sur tout le livre canonique de ce nom. Le traducteur du premier (en admettant que le texte grec ait jamais existé) est inconnu. Celui du second est Perionius. Ni l'un ni l'autre n'offrent rien de commun avec la manière d'Origène, soit pour le style, soit pour la méthode d'interprétation, tandis qu'au contraire les allusions perpétuelles à des événemens plus récens trahissent à chaque ligne la main d'un auteur tout différent, qu'en comparaison du premier on peut encore à peine regarder comme catholique (100),

Il faut encore porter le même jugement sur quelques autres productions exégétiques, telles qu'un commentaire sur saint Marc, 10 homélies in diversos (101), des scholies sur l'Oraison dominicale, sur l'hymne Benedictus et sur le Magnificat. L'écrit de singularitate clericorum est dans le même

cas.

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Dans les diverses éditions d'Origène, ses Philocalia sont cités comme un ouvrage distinct. Mais ce n'est qu'un choix de morceaux tirés des écrits d'Origène par Basile-le-Grand et Grégoire de Nazianze, dans le temps de leur vie solitaire

(100) Huet. Origenian,, I. III, c. 2. (Edit. de La Rue,t. IV, p. 323 sq.) -~ (101) Dupin Biblioth., t. I, p. 207. Geillier, t. II, p. 697.)

et ascétique. Ce recueil a donc pour nous un grand intérêt, puisqu'il a servi à nous conserver plusieurs passages originaux.

III. Méthode d'interprétations allégoriques adoptée par Origène.

Si, dans les commentaires d'Origène sur l'Écriture sainte, la méthode allégorique n'est pas employée exclusivement, elle s'y retrouve du moins plus fréquemment qu'aucune autre, et elle doit être considérée comme une des particularités les plus remarquables de cet écrivain. Long-temps déjà avant Jésus-Christ, des philosophes païens avaient essayé de l'appliquer à l'explication de leurs poètes et de leurs mythes, alors que le réveil de la raison ne permit plus aux hommes de les admettre sans réserve, et qu'ils cherchaient une sagesse cachée sous cette enveloppe. Les Juifs qui habitaient Alexandrie y acquirent la connaissance de la philosophie grecque, à laquelle ils prirent goût, mais furent souvent bien embarrassés quand il fallut faire accorder leurs nouveaux systèmes avec la lettre de l'Ancien Testament, et répondre convenablement, aux objections que leur faisaient les païens. Ils se livrèrent, d'après cela, d'autant plus volon tiers à l'interprétation allégorique, que, grâce à elle, n'étaient pas obligés de renoncer entièrement à leur foi traditionnelle d'une révélation. Aristobule et Philon d'Alexandrie avaient déployé dans cette méthode un talent supérieur, Les Juifs se prêtèrent en conséquence assez facilement à cette manière d'interpréter qu'ils avaient reçue en quelque façon de leurs pères, et qui s'était acclimatée parmi eux, puisque tout le passé d'Israël était pris et considéré comme le type d'un avenir différent. Ce fut ainsi que Philon se forma une herméneutique qui lui fut particulière, et qui s'accorde généralement avec celle d'Origène, sauf quelques

ils

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