Images de page
PDF
ePub

encore venu. Un certain Nepos prit les chiliastes sous sa protection contre les allégoristes, et occasionna par ses écrits une grande fermentation en Égypte. Mais alors saint Denys d'Alexandrie, disciple d'Origène, combattit ce système avec une grande supériorité de talent, et finit par le bannir complétement d'Égypte. La même puissance et les mêmes progrès de la science chrétienne se montrèrent encore dans la lutte contre les antitrinitaires, où les défenseurs de la foi durent appeler à leur aide toute leur activité et toute leur adresse.

Les études exégétiques reçurent aussi une impression plus vive, et furent suivies sur une échelle plus vaste par l'école des catéchistes d'Alexandrie. Ce fut Origène qui déploya sous ce rapport le plus grand talent, et c'est aussi l'écrivain dont le plus grand nombre d'ouvrages sont parvenus jusqu'à nous. A côté de lui se place Hippolyte, auteur d'un commentaire sur les six jours de la Création, sur le livre del'Exode, sur plusieurs prophètes, sur les Proverbes, sur l'Ecclésiastique, sur le Cantique des cantiques, ainsi que sur les Evangiles de saint Matthieu et de saint Jean, et sur l'Apocalypse. Grégoire le Thaumaturge, Jules l'Africain, Purius, Méthodius et d'autres, se sont encore distingués, ceux-ci par des commentaires sur quelques livres entiers, ceux-là par des dissertations sur certains sujets particuliers, tels que l'histoire de Susanne, la généalogie de Jésus-Christ d'après saint Matthieu et saint Lue, etc. Quelques passages, tels que l'Oraison dominicale, ont été plusieurs fois expliqués avec esprit et sensibilité, par Tertullien, Origène et saint Cyprien. La méthode de l'interprétation demeura généralement allégorique, d'après des motifs que nous indiquerons plus bas; il ne manque toutefois pas d'écrits dans lesquels la méthode grammaticale et historique a été suivie avec le plus grand succès.

A mesure que, par suite de la marche triomphante du Christianisme, la foi acquérait une nouvelle force sur les es

prits, qu'elle perfectionnait la vie sous les rapports moraux et sociaux, et s'efforçait de lui imprimer sa propre forme, l'ascétisme et la discipline chrétienne furent attirés dans le cercle des réflexions et des dissertations littéraires. Les circonstances du temps en fournirent principalement l'occasion. Dans les intervalles de repos, la sévérité des mœurs s'était un peu affaiblie parmi les chrétiens; on remarqua plusieurs fois une tendance à retourner aux anciennes coutumes du paganisme, et les nombreuses apostasies qui eurent lieu sous la persécution de Décius, témoignèrent de l'affaiblissement de l'esprit chrétien. Tertullien fit les plus grands efforts pour arrêter cette tendance; il s'en occupa dans ses écrits de Spectaculis, de Pœnitentiâ, etc.; saint Cyprien composa dans le même esprit son ouvrage de Lapsis. C'est encore à ce sujet que se rapportent certains traités sur des vertus particulières de Patientia, de Castitate, etc., et surtout les excellens écrits sur la Virginité, de Tertullien, de Cyprien et de Méthodius; enfin plusieurs ouvrages pour exhorter au martyre. Ce genre d'écrits devint à cette époque aussi nombreux que l'avaient été auparavant les apologétiques destinés à faire cesser les persécutions.

:

Ce siècle est encore remarquable, en ce que, pendant son cours, parurent les premiers ouvrages ecclésiastiques, écrits en latin. A la vérité ils ne sont pas en grand nombre; mais, dès leurs premiers pas, ils se montrent plus dignes de leurs modèles grecs qu'on ne devait l'attendre d'une littérature commençante. Tertullien surtout, mais aussi saint Cyprien, Minutius Félix, Arnobe, Lactance, sont des noms d'un grand poids, ou du moins fort remarquables. Nous en parlerons dans l'ordre chronologique qu'ils ont occupé, et l'on verra alors qu'ils possèdent des qualités supérieures aux Grecs sous quelques rapports, et qui leur sont particulières.

CLÉMENT D'ALEXANDRIE.

La liste des écrivains ecclésiastiques du troisième siècle. s'ouvre par Titus Flavius Clément, surnommé d'Alexandrie. Les anciens eux-mêmes n'étaient pas d'accord sur le lieu de sa naissance, que les uns plaçaient en effet à Alexandrie, tandis que les autres le disaient originaire d'Athènes, et n'attribuaient le surnom qu'il avait reçu qu'au long séjour qu'il avait fait dans la première de ces villes (1). Ce qui paraît certain, c'est que ses parens furent païens, et qu'ils l'élevèrent dans la religion qu'ils professaient eux-mêmes. Toutefois, dès sa plus tendre jeunesse, il eut le bonheur de recevoir, dans les écoles savantes, une instruction solide et variée dans toutes les branches des connaissances grecques. Ses vastes études embrassèrent tout le domaine de la littérature, et l'on retrouve dans ses écrits des passages qui démontrent que les secrets des mystères grecs ne lui étaient pas non plus inconnus. Aussi tout ce que la philosophie de la Grèce était en état de lui offrir ne parvenait point à satisfaire son esprit, jusqu'à ce qu'enfin le Christianisme vînt apaiser l'ardente soif de connaissances qui le dévorait (2). A la vérité, on ne connaît pas au juste l'époque de sa conversion; mais il paraît qu'elle eut lieu de fort bonne heure. A compter de ce moment, il se livra à l'étude approfondie du Christianisme avec

(1) Epiphan. hær., XXXII, 6. — (2) Euseb. præp. evang. II, 3.

[ocr errors]

la même ardeur qu'il avait mise auparavant à celle de la littérature grecque. Il entreprit à cet effet de grands voyages dans l'Orient et dans l'Occident. Il raconte lui-même que dans l'Italie méridionale, dans la Grèce, la Syrie et la Palestine, il étudia sous les maîtres et les évêques les plus distingués, dont quelques uns étaient même les disciples des apôtres, pour s'instruire de la véritable tradition apostolique (3). Mais celui qui remplit son attente plus qu'aucun autre, et dont il parle avec la reconnaissance la mieux sentie, ce fut à Alexandrie qu'il le trouva, et ce maître fut Pantænus. Il reconnut en lui l'idéal qu'il s'était formé d'un professeur chrétien; il lui avoua son admiration sans bornes, et le décora du surnom de l'abeille du siècle,»« parce qu'il cueillait, disait-il, les «fleurs du champ prophétique et apostolique, et communiquait à l'esprit de ses auditeurs la véritable et pure con«< naissance qu'il en avait extraite (4).

[ocr errors]

Sous une direction si excellente, Clément se forma peu à peu jusqu'à devenir un docteur admiré de l'Eglise, que les plus illustres Pères du siècle suivant s'honorèrent de prendre pour modèle. Il fut ordonné, on ne sait pas précisément en quelle année, prêtre de l'Église d'Alexandrie, et, l'an 189, l'évêque Démétrius le nomma successeur de Pantinus, à la présidence de l'école des catéchistes. C'est à dater de ce moment que commence, à proprement dire, l'époque de son éclat comme docteur et comme écrivain. Sa vaste érudition, connaissance des moindres détails de la littérature grecque, connaissance dans laquelle personne ne pouvait se comparer à lui; son éducation philosophique et son éloquence entraî

sa

(3) Strom., I, 1, p. 322. ̓Αλλ' οἱ μεν την άλήξη της μακαρίας σωζονα τες διδασκαλίας παραδοσιν, εὐθις απο Πετρου τε και Ιακώβου, Ιωαννου το και Παύλον, των άγιων ἀπιστολών, παις παρα πατρὶς ἐκδεχομενος ὀλιγοι δὲ οἱ πατρασιν ἔμοιον ήκον δη ουν Θεῳ καὶ εἰς ἡμας τα προγενικά έκεινα και αποστολικά, α (4) L. c.

nante lui valurent le respect des païens mêmes; ils l'accueillirent, ils fréquentèrent ses écoles, et la plupart en sortaient chrétiens. Le plus célèbre de ses élèves fut Origène et saint Alexandre, plus tard évêque de Jérusalem (5). Il mettait la plus grande prudence dans ses enseignemens, afin d'attirer ceux qui étaient susceptibles de profiter de ses leçons et d'écarter les indignes, pour qui la connaissance des vérités eùt été un couteau dans la main d'un enfant; il nous donne à ce sujet lui-même des détails, et nous en trouvons du reste la preuve dans ses ouvrages (6),

Clément occupait depuis plus de douze ans cette place. à Alexandrie, lorsque, sous Septime Sévère, en 202, ung nouvelle persécution éclata contre les chrétiens (7), et vint chercher des victimes jusque dans cette ville. La renommée de Clément et les fonctions qu'il remplissait durent néces¬ sairement le désigner pour être au nombre des premiers. Comme il avait pour maxime de ne pas s'exposer volontairement au danger (8), il s'éloigna d'Alexandrie, mais nous ne savons pas précisément où il alla. Ce fut, selon toute apparence, à Flaviades en Cappadoce, dont un de ses anciens disciples, Alexandre, était évêque. Il y resta jusqu'à ce que cet ami eût été nommé, en 209, coadjuteur du vénérable Narcisse, évêque de Jérusalem, où Clément le suivit. Il ouvrit dans cette ville une école publique d'enseignement chrétien, édifia et confirma les fidèles, et étendit le domaine de l'Eglise par de nouvelles conversions. Nous en conservons un hondrable témoignage dans une lettre de recommandation qu'Alexandre donna à Clément, en l'envoyant en l'an 211 à' Antioche, pour assister à l'élection d'un évêque. « Je vous « adresse cette lettre, vénérable frère, est-il dit dans cet écrit, par le pieux prêtre Clément, homme vertueux et

1

[ocr errors]
[ocr errors]

(5) Euseb., h. e., VI. 14, 6.-(6) Sirom., I, 1, p. 324.-(7) Euseb., h. e., VI, 1, 3.(8) Strom., IV, 4, p. 574; VII, 11, p. 871.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »