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teur s'était proposé d'examiner et de réfuter l'une après l'autre les fausses prophéties que les montanistes répandaient dans le public, et de prouver le mensonge de l'inspiration divine qu'ils prétendaient avoir reçue, par leur conduite peu chrétienne et souvent même criminelle. Il y reproche à Montanus d'avoir, par ses enseignemens, rompu des mariages, imposé arbitrairement des jeûnes, montré la plus basse avidité; il lui dit que ses prophétesses, suivant l'exemple de leur maître, se faisaient payer leurs prédictions par de l'or ou des parures, et que tout cela était diamétralement opposé à l'Evangile. Dans les deux derniers fragmens, il accuse deux autres chefs de cette secte de s'abandonner à des vices qui leur avaient déjà attiré des châtimens de la part de l'autorité, et il demande si ce sont là les fruits du Saint-Esprit qui les inspire.

Le style de ces morceaux est animé, le langage en est vigoureux, et l'ouvrage paraît avoir été écrit avec force et amertume.

CAIUS.

Sous le règne des empereurs Sévère et Caracalla, Caïus se distingua entre le clergé romain par son érudition et son éloquence. Il avait été disciple de saint Irénée (1) et était venu à Rome sous le pape Zéphyrin (2); là il fut ordonné prêtre, et si le récit de Photius est exact, il fut aussi sacré évêque in partibus (3). Il est probable que sa vie se prolongea jusqu'à la fin du règne de Caracalla, en 217.

(1) Voyez la préface des actes du martyre de saint Polycarpe. (2) Hieron, catal., c. 59.

(3) Phot. cod. 48. Tourer sov Taïov æpeoCumeçor pası gegernodai aus

. Il s'occupa principalement de controverse avec les hérétiques, contre lesquels il lutta en paroles et par écrit. Parmi ses ouvrages on comptait :

1° Disputatio adversus Proclum. Ce Proclus était l'organe le plus savant de son siècle et le principal appui des montanistes. Tertullien lui-même le respectait. Caïus, pour le convaincre de son erreur, tint avec lui à Rome un colloque public, qu'il mit plus tard par écrit. Il avait été sans doute composé en grec, puisque Eusèbe en cite plusieurs fragmens, fort bien faits; aussi sa perte est-elle fort à regretter pour l'histoire (4).

2° Parvus Labyrinthus. Eusèbe cite quelques passages d'un écrit contre Artémon, mais sans indiquer le nom soit du livre, soit de l'auteur (5). Théodoret connaissait, sous le titre ci-dessus, un ouvrage qui s'occupait d'Artémon et de Théodote; mais l'auteur lui en était aussi inconnu qu'à Eusèbe; il remarque seulement que quelques personnes l'attribuaient, bien que certainement à tort, à Origène (6). Photius enfin atteste que l'opinion publique nommait Caïus pour auteur de la Disputatio adversus Proclum (7). Par toutes ces raisons, nous croyons pouvoir, avec quelque vraisemblance, tenir notre Caïus pour l'auteur de cet écrit, malheureusement perdu comme le précédent (8).

κατα Ρωμὴν ἐκκλησίας, χειροτονηθηναι δὲ αὐτον των ἐθνων ἐπισκοπον. Eusèbe, h. e., II, 25, lui donne la qualification un peu vague de ἐκκλησιαστικόν άνδρα. Voyez à ce sujet Le Moyne: Not. in varia Sacra. Tom. II, p. 937 sqq.

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(4) Hieron. catal., 1. c. Gajus sub Zephyrino, Romanæ urbis episcopo, sub Antonino Severi filio, disputationem adversus Proculum, Montani sectatorem, valde insignem habuit, arguens eum temeritatis super nova prophetia defendenda. Euseb., h. e., II, 25; VI, 20; III, 28, 31.

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(5) Euseb., h. e., V, 28. (6) Theodoret. Hæret. Fab., II, 5, ainsi que Nicephor., h. é., IV, 20.- (7) Phot. cod. 48.-(8) Les Fragmens d'Eusèbe, 1. c.

3o D'après Théodoret, il avait aussi combattu Cérinthe dans un écrit; mais il n'est pas probable qu'il faille entendre par là un livre spécial, mais plutôt les passages de son colloque avec Proclus, où Caïus attaque la doctrine de Cérinthe sur le millénaire et sur son Apocalypse (9). Photius lui attribue encore le livre de Universo ou de causa Universi, que nous avons déjà appris à connaître comme une production de saint Hippolyte. Enfin, dans ces derniers temps, et depuis Muratori, on a paru croire généralement qu'il était l'auteur d'un fragment anonyme, découvert dans la bibliothèque ambroisienne de Milan, et qui renferme une liste des livres canoniques, environ de la fin du deuxième siècle. Le principal fondement de cette hypothèse est l'accord de ce fragment avec saint Irénée, saint Hippolyte et Caïus, pour rejeter l'épître aux Hébreux (10). Mais il faut avouer que cette marque est un peu trop générale, et, d'un autre côté, la confusion qui y règne et les inexactitudes que l'on y trouve ne sont pas de nature à faire honneur à notre savant prêtre; aussi ne partageons-nous pas l'opinion de Muratori à cet égard.

Du reste, les fragmens qu'Eusèbe nous a conservés, quelque peu considérables qu'ils soient, ne sont pas sans intérêt. Nous y voyons que Caïus, quoique disciple de saint Irénée, était un ennemi déclaré du chiliasme, que les montanistes avaient adopté avec plusieurs autres erreurs. Les notices fournies par le Parvus labyrinthus sont plus remarquables encore. Les artémonites, unitaires de la seconde classe, qui niaient la véritable divinité de Jésus-Christ, dans le sens de Paul de Samosate, soutenaient dès lors, pour rendre leur système plausible, que la foi de l'Eglise romaine, qui était demeurée intacte jusqu'au pape Victor, avait été altérée sous Zéphyrin. Caius leur oppose l'autorité des anciens Pères et

(9) Theodoret. Hæret. Fab. II, 3. Cf. Euseb., 1. c. —(10) Muratori Antiqq. Ital. med. æv. Tom. III, p. 831 sq. —(11) Hieron. I. c.

la conduite du pape Victor à l'égard de Théodose le corroyeur. Le tableau du caractère de ces hérétiques nous fait connaître la tournure de leur esprit et la tendance de leur système. Ils étudient, dit-il, Euclide, Aristote et Galien avec zèle et enthousiasme; mais ils laissent de côté les saintes Écritures. Si l'on oppose à leurs opinions des passages de l'Écriture, ils commencent par examiner le passage en question pour voir s'il faut le prendre conjonctivement ou disjonctivement, afin d'en torturer le sens par une formule de syllogisme jusqu'à ce qu'il cadre avec leurs idées ; si cela n'est pas possible, ils changent violemment le texte ou en rejettent tout-à-fait l'autorité. « Ils ne peuvent pourtant ◄ pas ignorer eux-mêmes jusqu'où va leur audace. Car de

deux choses l'une: ou ils ne croient pas que les divines ◄ Écritures aient été inspirées par le Saint-Esprit, et alors - ce sont des incrédules; ou bien ils se regardent comme plus sages que le Saint-Esprit, et dans ce cas que sont-ils, si ce n'est des possédés du démon? etc. Ce qui précède confirme ce que nous avons dit plus haut du fondement de cette doctrine.

On trouve les fragmens chez Galland, t. II, p. 204.

ASTERIUS URBANUS.

Eusèbe, en faisant l'histoire des discussions montanistes (1), parle d'un ouvrage assez étendu et assez approfondi en trois livres; mais il oublie d'en nommer l'auteur. Saint

(1) Euseb., h. e., V, 16.

Jérôme en attribue le mérite tantôt à Rhodon, tantôt à Apollonius, tandis que Rufin et Nicéphore en gratifient Claude Apollinaire (2); mais la chronologie ne permet de s'arrêter à aucune de ces suppositions, et aujourd'hui tous les savans sont d'accord pour le regarder comme l'œuvre d'Astérius Urbanus (3). Car dans l'endroit où Eusèbe parle de cet ouvrage, il dit : Και μη λεγέτω ἐν τῷ αὐτῷ λόγῳ, τῳ κατα Αστέριον Ουρβανον, το δια Μαξιμίλλης πνευμα. Il est évident que dans ce passage les mots ἐν τῷ.... Ουρβανον ont été intercalés dans le texte. Ils formaient probablement une note marginale, peutêtre même de la main d'Eusèbe lui-même, qui, ayant parlé peu auparavant de cet écrit, aura écrit en marge le nom de l'auteur, que les copistes auront plus tard fait passer dans le texte.

Quant à cet Astérius, nous n'en savons absolument que ce que nous apprennent les fragmens de son livre perdu pour nous. D'après eux, il était prêtre ou évêque (4). Dans un voyage qu'il fit, il avait visité Ancyre en Galatie, où il avait trouvé les églises dans une grande confusion par suite des intrigues des sectaires phrygiens, et pour y mettre ordre il avait prêché les fidèles plusieurs jours de suite avec le plus heureux succès. L'évêque Zoticus, d'Otrys en Phrygie, et les autres prêtres, l'ayant prié de leur laisser une copie de ses discours, il promit de les satisfaire à son retour. Ce fut là l'origine de cet ouvrage, qui parut vers 232, c'est-à-dire quatorze ans après la mort de Maximilla, ainsi qu'il y est dit

(2) Hieron. catal., c. 37, 40. - Rufin. interpretat. Euseb., V, 15. Niceph., h. e., IV, 33.

(3) Le père Valois, dans ses notes sur Eusèbe, 1. c., en a fait le premier l'observation, et Tillemont, Longuerue, Dodwell et Pearson se sont rangés de son avis.

(4) Il appelle l'évêque Zoticus d'Etrys vμm Cucepes, avec l'indi. cation de son diocèse.

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