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Quoi qu'il en soit, il n'existe aucune preuve certaine de leur authenticité. On les trouve dans les Bibliothèques des Pères et dans les éditions complètes des œuvres de Clément, où l'on a recueilli aussi divers fragmens qui nous ont été conservés par des écrivains plus modernes.

II. Doctrine de Clément.

Quiconque lit avec attention les œuvres de Clément, ne pourra s'empêcher de reconnaître avec admiration à quel point il a compris les besoins de son temps. Une position hostile à l'égard de la science grecque tout entière, telle que l'avaient prise Tatien et d'autres, ne pouvait servir en rien, soit aux progrès du Christianisme, soit à son développement intérieur. Au lieu de fouler aux pieds cette science, il valait beaucoup mieux s'élancer par un essor vigoureux au-dessus de la philosophie grecque, et loin de prétendre lui enlever tout ce qu'elle avait de réellement bon, faire tourner au contraire les résultats obtenus par le génie de l'homme, à l'avantage de l'Évangile. Par ce moyen, la route du Christianisme était aplanie aux Grecs instruits, et le Christianisme lui-même acquérait une nouvelle puissance sur les esprits et une position faite pour imprimer le respect. C'est à Clément que l'on doit cet avantage; il eut le grand mérite d'avoir le premier insisté sur la nécessité d'une instruction solide chez les chrétiens, et d'avoir fait tous ses efforts pour introduire parmi eux l'étude de la philosophie, afin de mettre le Christianisme en état de se défendre victorieusement contre les attaques des savans païens. Dans ces soins, il ne dépassa pas les bornes convenables; et afin de conserver à l'élément chrétien la dignité qui lui est propre, il posa toujours la foi comme base fondamentale de toute étude. Occupé de l'idée d'une gnosis chrétienne ou philosophie religieuse, il sut bien apprécier tous les phénomènes que son siècle lui

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présentait sous ce rapport, et se maintenir contre les opinions contraires, sans pour cela viser à un juste milieu privé de consistance.

Dans l'ensemble, là où toutes les directions se réunissent et se pénètrent réciproquement, Clément reste toujours maître de son sujet. Cela se manifeste, non seulement dans ses idées sur la foi et sur les rapports de la foi avec la science, mais encore dans plusieurs sujets pratiques, tels que le mariage, la virginité, le martyre, etc. Quelle que soit la vigueur avec laquelle il combat les hérétiques, il n'en reconnaît pas moins ce qu'il y a de bien en eux : Clément est doué d'un coup d'œil extraordinairement pénétrant, et il est rempli d'esprit ; son style est à la hauteur de ses grandes pensées, et il sur-passe en érudition presque tous les Pères de l'Eglise. Il est à regretter que, dans son principal ouvrage, les Stromates, il ait adopté, avec intention, une manière décousue.

Il y aurait vraiment lieu de s'étonner que Clément, qui connaissait si bien la véritable manière d'interpréter, se soit laissé entraîner si fort dans le mysticisme, si nous ne savions pas que c'était le goût régnant de l'époque auquel lui aussi a voulu se plier, pour faire voir qu'il en était capable comme d'autres. Il en tirait l'avantage de plaire encore à ceux qui aimaient les allégories. Mais toutes les fois que, pour réfuter les gnostiques, il devenait nécessaire de s'attacher au sens littéral, il interprète toujours d'après les règles grammaticales et historiques.

Indépendamment de ces rapports généraux, les écrits de Clément ont encore une grande importance pour l'apologétique chrétienne et catholique. Nous rappellerons seulement à ce sujet les notices intéressantes qu'ils contiennent par rapport au canon.

Dans tous ses ouvrages, et particulièrement dans les Stromates, il en appelle souvent aux livres de l'Ancien Testament pour appuyer ses raisonnemens, et il se trouve même

parfois dans la nécessité de défendre l'antiquité, l'authenticité et l'autorité des livres canoniques contre les objections des païens et les attaques des hérétiques. A cette occasion, ce qui est d'une haute importance pour nous, il cite non seulement les livres protocanoniques, mais encore les deutéro-canoniques, tels que le livre de la Sapience, l'Ecclésiastique et les livres des Macchabées. Nous ne prétendons pourtant pas soutenir qu'il ait reconnu à ces derniers une autorité canonique (19).

Les livres du Nouveau Testament ne sont pas allégués moins fréquemment; tous y sont cités, presque sans exception. Il aime surtout à se servir de l'épître aux Hébreux, dont il défend l'authenticité contre les hérétiques, ainsi que celle des trois épîtres pastorales de saint Paul (20). Il fait en outre un récit très remarquable de l'origine de l'Évangile selon saint Marc, et d'après Eusèbe il avait aussi commenté les autres livres deutéro-canoniques du Nouveau Testament dans ses Adumbrationes (21).

Les conclusions que l'on pourrait tirer de là en faveur du canon catholique, perdent cependant un peu de leur poids, en ce que Clément se sert aussi d'autres livres non canoniques et même apocryphes, comme par exemple de l'épître de Barnabé, de celle de saint Clément de Rome, du Pasteur d'Hermas, et puis encore des évangiles de Matthias, des Égyptiens, des Hébreux, de la Prédication de saint Pierre, etc. Mais en réponse on peut observer que, quoique les disciples des apôtres que nous venons de nommer lui paraissent sans contredit des témoins irréprochables, rien n'annonce qu'il leur ait accordé la même autorité qu'aux écrivains canoni

(19) Strom., V, p. 703. Cf. Nic. le Nourry, Apparatus ad Bibl. maxim. vett. PP., etc. I, p. 663 sq. p. 904 sqq.

(20) Euseb., h. e., VI, 14. Strom. VI, 8, p. 771. (21) Euseb., I. c. Cassiodore. Divin. lect., c. 8.

ques. Celle de Barnabé notamment paraît si peu incontestable aux yeux de Clément, qu'il ne manque pas, chaque fois qu'il la cite, d'établir de nouveau son caractère de collaborateur des apôtres et d'un de leurs soixante-dix disciples.

L'usage qu'il fait des apocryphes est encore plus facile à expliquer. C'eux-ci n'étaient une autorité que pour l'une où l'autre hérésie qui s'y était rattachée. Clément s'en sert done, dans son but même, comme de tout autre écrivain profane, sans leur accorder une autorité plus grande qu'ils ne le méritaient par leur origine équivoque. Il s'exprime à cet égard d'une manière très positive. En citant (Strom. III, 13) contre le gnostique Jules Cassien un passage de l'évangile des Égyptiens, qui était reçu par eux, il dit dans sa réfutation : En premier lieu, cette décision de Jésus-Christ ne se trouve pas dans les quatre Évangiles qui nous ont été transmis, mais on la lit dans l'évangile des Égyptiens (22). › Après avoir rapporté ces paroles, il nous paraît inutile de rechercher encore si Clément accordait à des ouvrages de cette catégorie une autorité égale aux Évangiles catholiques.

Quel est donc le rapport réciproque du canon et de l'Église? Alors, comme aujourd'hui, l'expérience de tous les instans enseignait que le canon ne pouvait se passer de l'autorité protectrice de l'Église ; on en trouvait la preuve dans la légèreté et l'arbitraire avec lesquels les hérétiques le traitaient. Selon leur besoin ou leur caprice, ils excluaient du canon tel ou tel livre de l'Ancien ou du Nouveau Testament. "Alors même que les hérétiques veulent bien admettre les ◄ livres des prophètes, tantôt ils ne les veulent pas tous, • tantôt ils ne les prennent pas dans leur entier, ni ⚫ de la manière que la liaison et l'ensemble de la prophétie l'exigent; ils cherchent au contraire quelques expressions

(22) Strom., III, 13, p. 833.

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équivoques, les interprètent selon leurs idées, en suppri⚫ment un mot d'un côté, un mot de l'autre, ne s'occupent • pas du sens des expressions, mais seulement du son tel qu'il se présente (23). » — « « De même que de méchans écoliers ferment la porte de l'école pour empêcher leur • maître d'y entrer, ainsi ces hérétiques tiennent les pro⚫ phètes loin de leur Église, parce qu'ils ont peur d'eux et ⚫ rougissent en leur présence (24). » Quelle était donc l'autorité supérieure qui défendait l'autorité des livres prophétiques et apostoliques contre de si rudes attaques, si ce n'est celle de l'Eglise catholique avec sa règle de foi ?

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Examinons maintenant ce même rapport sous le point de vue opposé. Protégée par l'Église, dans son autorité comme dans son intégrité, l'Écriture sainte déploie toute sa puissance. Elle est, selon Clément, la voix de Dieu et la règle certaine d'après laquelle il faut décider toutes les questions qui concernent le dogme.« Pour principe de notre doctrine, "nous avons le Seigneur qui, par les prophètes, l'Évangile • et les saints apôtres, a été, depuis le commencement jus• qu'à la fin, l'origine de toute connaissance. Si l'on voulait chercher ce principe ailleurs, il cesserait d'être un principe. C'est pourquoi celui qui est dans la foi mérite qu'à ⚫ son tour on le croie, lorsqu'il s'appuie sur l'Écriture et la parole du Seigneur, qui travaille par lui au salut du genre . humain. La foi nous sert de règle pour décider toutes les questions de ce genre.Mais les choses qui sont encore en ques«tion ne peuvent devenir des motifs de décision, parce que la « vérité objective leur manque encore. D'après cela, si nous « nous attachons par la foi à un principe impossible à pré

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voir, nous tirons nécessairement de ce principe les preuves ⚫ du principe lui-même, et la voix du Seigneur nous ensei"gne la vérité. Nous ne voulons pas de décision humaine;

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(23) Strom., VII, 16, p. 891. — (24) Įbid., p. 893,

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