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leur ascendant finît avec ces agréments; mais, dans pays chauds, ils ne se trouvent que dans les commencements, et jamais dans le cours de leur vie.

Ainsi la loi qui ne permet qu'une femme, se rapporte plus au physique du climat de l'Europe qu'au physique du climat de l'Asie. C'est une des raisons qui a fait que le mahométisme a trouvé tant de facilité à s'établir en Asie, et tant de difficulté à s'étendre en Europe; que le christianisme s'est maintenu en Europe, et a été détruit en Asie, et qu'enfin les mahométans font tant de progrès à la Chine, et les chrétiens si peu. Les raisons humaines sont toujours subordonnées à cette cause suprême, qui fait tout ce qu'elle veut, et se sert de tout ce qu'elle

veut.

Quelques raisons particulières à Valentinien (1) lui firent permettre la polygamie dans l'empire. Cette loi violente pour nos climats fut ôtée (2) par Théodose, Arcadius et Honorius.

CHAPITRE III.

Que la pluralité des femmes dépend beaucoup de

leur entretien.

QUOIQUE dans les pays où la polygamie est une fois établie, le grand nombre des femmes dépende

(1) Voyez Jornandès, de regno et tempor. succes., et les historiens ecclésiastiques.

(2) Voyez la loi vII, au code de judæis et cælicolis, et la Novelle XVIII, Chapitre v.

beaucoup des richesses du mari, cependant on ne peut pas dire que ce soient les richesses qui fassent établir dans un état la polygamie : la pauvreté peut faire le même effet, comme je le dirai en parlant des sauvages.

La polygamie est moins un luxe que l'occasion d'un grand luxe chez des nations puissantes. Dans les climats chauds, on a moins de besoins (1): il en coûte moins pour entretenir une femme et des enfants. On y peut donc avoir un plus grand nombre de femmes.

CHAPITRE IV.

De la polygamie; ses diverses circonstances.

SUIVANT les calculs que l'on fait en divers endroits de l'Europe, il y naît plus de garçons que de filles (2): au contraire, les relations de l'Asie (3) et de l'Afrique (4) nous disent qu'il y naît beaucoup plus de filles que de garçons. La loi d'une seule femme en

(1) A Ceylan, un homme vit pour dix sous par mois; on n'y mange que du riz et du poisson. (Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la Compagnie des Indes, tome 11, partie 1.)

(2) M. Arbutnot trouve qu'en Angleterre le nombre des garçons excède celui des filles : on a eu tort d'en conclure que ce fût la même chose dans tous les climats.

(3) Voyez Kempfer, qui nous rapporte un dénombrement de Méaco, où l'on trouve 182,072 mâles, et 223,573 femelles. (4) Voyez le Voyage de Guinée de M. Smith, partie 11, sur le pays d'Anté.

Europe, et celle qui en permet plusieurs en Asie et en Afrique, ont donc un certain rapport au climat.

Dans les climats froids de l'Asie, il naît, comme en Europe, plus de garçons que de filles. C'est, disent les Lamas (1), la raison de la loi qui, chez eux, permet à une femme d'avoir plusieurs maris. (2)

Mais je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de pays où la disproportion soit assez grande pour qu'elle exige qu'on y introduise la loi de plusieurs femmes, ou la loi de plusieurs maris. Cela veut dire seulement que la pluralité des femmes, ou même la pluralité des hommes, s'éloigne moins de la nature dans de certains pays que dans d'autres.

si ce que

J'avoue que, les relations nous disent étoit vrai, qu'à Bantam (3) il y a dix femmes pour un homme, ce seroit un cas bien particulier de la polygamie.

Dans tout ceci je ne justifie pas les usages, mais j'en rends les raisons.

(1) Duhalde, Mémoires de la Chine, tome iv, page 46. (2) Albuzéir-el-Hassen, un des deux Mahométans Arabes qui allèrent aux Indes et à la Chine au neuvième siècle, prend cet usage pour une prostitution. C'est que rien ne choquoit tant les idées mahométanes.

(3) Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la Compagnie des Indes, tome 1.

CHAPITRE V.

Raison d'une loi du Malabar.

SUR la côte du Malabar, dans la caste des Naïres (1), les hommes ne peuvent avoir qu'une femme, et une femme au contraire peut avoir plusieurs maris. Je crois qu'on peut découvrir l'origine de cette coutume. Les Naïres sont la caste des nobles, qui sont les soldats de toutes ces nations. En Europe, on empêche les soldats de se marier. Dans le Malabar, où le climat exige davantage, on s'est contenté de leur rendre le mariage aussi peu embarrassant qu'il est possible: on a donné une femme à plusieurs hommes; ce qui diminue d'autant l'attachement pour une famille et les soins du ménage, et laisse à ces gens l'esprit militaire.

CHAPITRE VI.

De la polygamie en elle-même.

A regarder la polygamie en général, indépendamment des circonstances qui peuvent la faire un peu tolérer, elle n'est point utile au genre humain, ni à aucun des deux sexes, soit à celui qui abuse,

(1) Voyage de François Pirard, Chap. xxvII. Lettres édifiantes, troisième et dixième recueil, sur le Malléami dans la côte du Malabar. Cela est regardé comme un abus de la profession militaire : et, comme dit Pirard, une femme de la caste des bramines n'épouseroit jamais plusieurs maris.

soit à celui dont on abuse. Elle n'est pas non plus utile aux enfants, et un de ses grands inconvénients est que le père et la mère ne peuvent avoir la même affection pour leurs enfants : un père ne peut pas aimer vingt enfants comme une mère en aime deux. C'est bien pis quand une femme a plusieurs maris; car pour lors l'amour paternel ne tient plus qu'à cette opinion, qu'un père peut croire, s'il veut, ou les autres peuvent croire que de certains enfants lui appartiennent.

que

On dit que le roi de Maroc a dans son sérail des femmes blanches, des femmes noires, des femmes jaunes. Le malheureux ! à peine a-t-il besoin d'une couleur.

La possession de beaucoup de femmes ne prévient pas toujours les désirs (1) pour celle d'un autre : il en est de la luxure comme de l'avarice; elle augmente sa soif par l'acquisition des trésors.

Du temps de Justinien, plusieurs philosophes, gênés par le christianisme, se retirèrent en Perse auprès de Cosroès. Ce qui les frappa le plus, dit Agathias (2), ce fut que la polygamie étoit permise à des gens qui ne s'abstenoient pas même de l'adultère.

La pluralité des femmes ( qui le diroit!) mène à cet amour que la nature désavoue c'est qu'une

(1) C'est ce qui fait que l'on cache avec tant de soin les femmes en Orient.

(2) De la vie et des actions de Justinien, p. 403.

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