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dissolution en entraîne toujours une autre. A la révolution qui arriva à Constantinople, lorsqu'on déposa le sultan Achmet, les relations disoient que le peuple ayant pillé la maison du chiaya, on n'y avoit pas trouvé une seule femme. On dit qu'à Alger (1) on est parvenu à ce point, qu'on n'en a pas dans la plupart des sérails.

CHAPITRE VII.

De l'égalité du traitement dans le cas de la pluralité des femmes.

De la loi de la pluralité des femmes suit celle de l'égalité du traitement. Mahomet, qui en permet quatre, veut que tout soit égal entre elles, nourriture, habits, devoir conjugal. Cette loi est aussi établie aux Maldives (2), où on peut épouser trois femmes.

La loi de Moïse (3) veut même que, si quelqu'un a marié son fils à une esclave, et qu'ensuite il épouse une femme libre, il ne lui ôte rien des vêtements, de la nourriture, et des devoirs. On pouvoit donner plus à la nouvelle épouse; mais il falloit que la prepas moins.

mière n'eût

(1) Laugier de Tassis, Histoire d'Alger.
(2) Voyage de François Pirard, Chap. XII.
(3) Exode, Chap. xxi, vers. 10 et 11.

CHAPITRE VIII.

De la séparation des femmes d'avec les hommes.

C'EST une conséquence de la polygamie, que, dans les nations voluptueuses et riches, on ait un très-grand nombre de femmes. Leur séparation d'avec les hommes, et leur clôture, suivent naturellement de ce grand nombre. L'ordre domestique le demande ainsi; un débiteur insolvable cherche à se mettre à couvert des poursuites de ses créanciers. Il y a de tels climats où le physique a une telle force, que la morale n'y peut presque rien. Laissez un homme avec une femme; les tentations seront des chutes, l'attaque sûre, la résistance nulle. Dans ces pays, au lieu de préceptes, il faut des verrous.

Un livre classique de la Chine regarde comme un prodige de vertu de se trouver seul dans un appartement reculé avec une femme sans lui faire violence. (1)

(1) Trouver à l'écart un trésor dont on soit le maître, ou une belle femme seule dans un appartement reculé; entendre la voix de son ennemi qui va périr si on ne le secourt: admirable pierre de touche. (Traduction d'un ouvrage chinois sur la morale dans le P. Duhalde, tom. 111, pag. 151.)

TOME I.

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CHAPITRE IX.

Liaison du gouvernement domestique avec le politique.

DANS une république, la condition des citoyens est bornée, égale, douce, modérée; tout s'y ressent de la liberté publique. L'empire sur les femmes n'y pourroit pas être si bien exercé ; et, lorsque le climat a demandé cet empire, le gouvernement d'un seul a été le plus convenable. Voilà une des raisons

qui a fait que le gouvernement populaire a toujours

été difficile à établir en Orient.

Au contraire, la servitude des femmes est trèsconforme au génie du gouvernement despotique, qui aime à abuser de tout. Aussi a-t-on vu dans tous les temps, en Asie, marcher d'un pas égal la servitude domestique et le gouvernement despotique.

Dans un gouvernement où l'on demande surtout la tranquillité, et où la subordination extrême s'appelle la paix, il faut enfermer les femmes ; leurs intrigues seroient fatales au mari. Un gouvernement qui n'a pas le temps d'examiner la conduite des sujets la tient pour suspecte, par cela seul qu'elle paroît et qu'elle se fait sentir.

Supposons un moment que la légèreté d'esprit et les indiscrétions, les goûts et les dégoûts de nos femmes, leurs passions grandes et petites, se trouvassent transportées dans un gouvernement d'Orient, dans l'activité et dans cette liberté où elles sont parmi

nous, quel est le père de famille qui pourroit être un moment tranquille? Partout des gens suspects, partout des ennemis; l'état seroit ébranlé, on verroit couler des flots de sang.

CHAPITRE X.

Principe de la morale de l'Orient.

DANS le cas de la multiplicité des femmes, plus la famille cesse d'être une, plus les lois doivent réunir à un centre ces parties détachées ; et plus les intérêts sont divers, plus il est bon que les lois les ramènent à un intérêt.

Cela se fait surtout par la clôture. Les femmes ne doivent pas seulement être séparées des hommes par la clôture de la maison, mais elles en doivent encore être séparées dans cette même clôture, en sorte qu'elles y fassent comme une famille particulière dans la famille. De là dérive, pour les femmes, toute la pratique de la morale, la pudeur, la chasteté, la retenue, le silence, la paix, la dépendance, le respect, l'amour, enfin une direction générale de sentiments à la chose du monde la meilleure par sa nature, qui est l'attachement unique à sa famille.

Les femmes ont naturellement à remplir tant de devoirs qui leur sont propres, qu'on ne peut assez les séparer de tout ce qui pourroit leur donner d'autres idées, de tout ce qu'on traite d'amusements, et de tout ce qu'on appelle des affaires.

On trouve des mœurs plus pures dans les divers états d'Orient, à proportion que la clôture des femmes y est plus exacte. Dans les grands états, il y a nécessairement des grands seigneurs. Plus ils ont de grands moyens, plus ils sont en état de tenir les femmes dans une exacte clôture, et de les empêcher de rentrer dans la société. C'est pour cela que, dans les empires du Turc, de Perse, du Mogol, de la Chine et du Japon, les mœurs des femmes sont admirables.

On ne peut pas dire la même chose des Indes

que le nombre infini d'îles et la situation du terrain ont divisées en une infinité de petits états, que le grand nombre des causes que je n'ai pas le temps de rapporter ici rendent despotiques.

que

Là, il n'y a que des misérables qui pillent, et des misérables qui sont pillés. Ceux qu'on appelle des grands n'ont que de très-petits moyens; ceux l'on appelle des gens riches n'ont guère que leur subsistance. La clôture des femmes n'y peut être aussi exacte; l'on n'y peut pas prendre d'aussi grandes précautions pour les contenir; la corruption dans leurs mœurs y est inconcevable.

C'est là qu'on voit jusqu'à quel point les vices du climat, laissés dans une grande liberté, peuvent porter le désordre. C'est là que la nature a une force, et la pudeur une foiblesse qu'on ne peut comprendre. A Patane (1), la lubricité des femmes est

(1) Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la Compagnie des Indes, tome 11, part. II, page 196.

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