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COMPLÈTES

charles, de Secondat, baron depla Brède et

DE MONTESQUIEU,

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CHEZ LEFEVRE, LIBRAIRE,

RUE DE L'ÉPERON, No 6.

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LENOX LIBRARY

NEW YORK

VIE

DE

MONTESQUIEU.

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La vie de Montesquieu est presque ignorée. Tout parle de son génie, et tout se tait sur sa personne : il s'en est même peu fallu que les traits de son visage ne parvinssent pas à notre connoissance. Quelques détails généalogiques et quelques anecdotes peu frappantes, voilà ce qui compose pour nous toute l'histoire de ce grand homme, doni un demi-siècle seulement nous sépare, et dont les écrits doivent éclairer tous les âges. Mais le peu que nous savons de lui explique pourquoi nous n'en savons pas davantage. Après avoir voyagé comme Pythagore, il pensa, comme lui, qu'il falloit adorer l'écho, c'est-à-dire, chercher la solitude. Plusieurs années de sa jeunesse furent employées à visiter les contrées étrangères; le reste de sa vie fut consacré à la composition de ses immortels. ouvrages; et c'est loin de Paris, dans sa retraite de la Brède, qu'il évoquoit le génie qui lui révéla les causes de l'agrandissement et de la décadence de l'empire romain, et lui découvrit ensuite les fondements des institutions politiques et civiles de tous les pays et de tous les siècles. Venoit-il dans la capitale pour se délasser de ses travaux, il se répandoit peu dans le monde, ne fréquentoit qu'un petit nombre de socié

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tés, et d'ailleurs communiquoit plutôt avec les grands qu'avec les gens de lettres, qui seuls prennent soin de consigner leurs souvenirs dans des ouvrages, et de les transmettre ainsi à la postérité. Cependant cette curiosité du public, qui s'attache avidement à tout ce qui concerne la vie et la personne des hommes célèbres, demeurera-t-elle toujours entièrement frustrée à l'égard d'un des hommes les plus dignes de l'exciter? J'ai espéré qu'il ne me seroit pas impossible de la satisfaire, du moins en partie. Deux philosophes dignes d'apprécier l'auteur de l'Esprit des Lois, Maupertuis et d'Alembert, ont composé son éloge; mais ils ont moins parlé de l'homme que de l'écrivain, et d'ailleurs la dignité obligée du panégyrique ne leur eût guère permis l'emploi de ces traits simples et familiers qui expriment då véritable physionomie d'un personnage, lors même que leur mémoire les eût offerts à leur pinceau. Tous les autres ouvrages où il est fait mention de Montesquieu me fournissoient encore moins de secours. Au silence des écrits et de la tradition, j'ai cru pouvoir suppléer par le témoignage de Montesquieu lui-même ; et ce témoignage, je l'ai trouvé exprimé principalement dans le recueil de Lettres familieres, publié douze ans après sa mort par l'abbé de Guasco sorte de monument que l'éditeur, à qui ces lettres étoient adressées pour la plupart, éleva sans doute à sa propre gloire, plus qu'à celle de son illustre ami, et où, dans le temps, on crut voir plus de vanité que de discrétion. Montesquieu, dans ce commerce, où son abandon naturel étoit peut-être augmenté par l'idée de sa supériorité, révéloit ses plus intimes pensées, laissoit échapper les traits d'humeur ou de ca

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ractère les plus naïfs, en un mot se peignoit lui-même avec toute la liberté, toute la franchise d'un homme qui ne croit se montrer qu'aux regards de l'amitié. Ces traits épars, j'ai essayé de les rapprocher, de les fondre et d'en former un portrait qui, s'il ne devoit pas offrir l'image entière du modèle, pût en reproduire au moins quelques parties avec fidélité.

CHARLES DE SECONDAT, BARON de la Brède et de MONTESQUIEU, naquit au château de la Brède, près de Bordeaux, le 18 janvier 1689.

Je ne parlerai ni de sa famille, dont tous les titres s'évanouissent devant sa gloire, ni de son enfance, qui n'offrit rien d'extraordinaire.

Quoique fils d'un homme qui s'étoit distingué au service, il fut destiné de bonne heure à la magistrature. Il avoit un once paternel, président à mortier au parlement de Bordeaux, oracle et modèle de sa compagnie, également honoré pour ses vertus et pour ses talents. Cet oncle, qui désiroit conserver dans sa famille le nouveau genre d'illustration qu'il y avoit introduit, eut le malheur de perdre son fils unique; alors il transporta sur son neveu tous ses projets, toutes ses espérances, et il résolut de lui laisser ses biens avec sa charge. Montesquieu, malgré la vivacité de son âge et de son caractère, s'enfonça dans l'étude aride et fastidieuse de la jurisprudence: il amassoit, probablement sans y songer, des matériaux pour son grand monument de l'Esprit des Lois, en faisant un extrait raisonné des énormes et nombreux volumes qui com(posent le Corps du droit civil.

On fait remonter à ce temps l'origine des Lettres persanes; on prétend savoir de Montesquieu lui-même

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