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montre moins chaleureux. Mais le ton de cet éminent historien n'est pas ordinairement celui de l'enthousiasme.

Il est difficile de citer sérieusement la biographie du duc de Morny par Frédéric Loliée. En revanche, signalons l'excellent ouvrage du baron André de Maricourt sur Mme de Souza, et les très utiles volumes du comte Fleury et de Louis Sonolet sur la Société du Second Empire.

Parmi les ouvrages que nous avons consultés avec le plus de fruit, relevons: Les dessous du Coup d'Etat, de du Casse; Petite histoire de la revue de fin d'année, par Robert Dreyfus; La créance Jecker et les emprunts mexicains, Elévation et chute de l'empereur Maximilien, par le comte de Kératry; les ouvrages du Dr Cabanès; Histoire du Second Empire, de Taxile Delord; Lettres à une Inconnue et Lettres à Panizzi, de Prosper Mérimée, etc... mais surtout l'inépuisable et savoureux Moniteur, journal officiel de l'Empire, comme il avait été celui de Louis-Philippe, et autres collections de journaux, tels que Les Débats, notamment, Le Nain jaune, Le Figaro et La Vie Parisienne, dont on ne feuillette pas assez les premiers numéros.

Disons un mot des Mémoires. Nous en avons lu d'innombrables, avec un ennui presque toujours sans limites. Ce fut la seule partie cruelle de notre tâche. Nous ne savons pourquoi il y a je ne sais quoi de flatteur et de distingué à proclamer qu'on « adore les Mémoires ». Évidemment, l'on y trouve de temps à autre une perle — mais au milieu de quelle poussière!

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Huit fois sur dix - du moins sous le Second Empire Mémoires, Souvenirs et Journaux sont rédigés par des personnes qui ne savent ni écrire, ni conter, ni dépeindre. Résultat : platitude extrême, et langueur. Entre tous les mémoriaux dont nous avons dû prendre si mélancoliquement connaissance, les plus fades sont probablement ceux du maréchal de Castellane, et nous nous avouons tout à fait incapables d'expliquer pourquoi l'on a coutume de citer ordinairement ce maréchal — excellent et loyal soldat, par ailleurs d'un air coquin et amusé.

Nommons donc du moins les plus importants de ces Mémoires, dont la lecture nous parut si laborieuse : Notes et souvenirs de Mme Jules Baroche; Journal du maréchal de Castellane; Souvenirs du général comte Fleury; Chronique de la duchesse de Dino; Journal du comte Rodolphe Apponyi; Journal des Goncourt; Confessions d'Arsène Houssaye; Mémoires du duc de

Persigny; Un Anglais à Paris; Souvenirs d'un bourgeois de Paris, du Dr Véron, etc.

Heureusement, il y a des compensations: rien de plus amusant, en effet, ou intelligent, ou les deux à la fois, que les Mémoires du comte d'Alton Shée, par exemple, les Souvenirs de Gustave Claudin, les Souvenirs de Granier de Cassagnac, les admirables Choses vues de Victor Hugo, et même les Mémoires de Villemessant, et même encore, s'il faut tout dire, les Mémoires du comte Horace de Viel-Castel, quoique ce dernier ne cesse de pester sans trêve ni mesure, ce qui devient niais à la fin, et ne puisse pour ainsi dire pas ne point mentir (Nous sommes en état de démontrer qu'il se trouvait atteint de la plus incurable maladie du mensonge). Enfin, comment ne pas citer en conclusion le grand témoin émouvant entre tous, le peintre frémissant auquel nous devons le plus beau portrait de Morny qu'on ait fait et qu'on fera sans doute jamais Alphonse Daudet? Dans ce puissant roman, Le Nabab, et un recueil de notes, de souvenirs, Etudes et Paysages, le demifrère de l'Empereur vit éternellement.

Il nous faut, en terminant, revenir sur les très importants et intéressants, et quelquefois passionnants papiers dont Mme la duchesse et M. le duc de Morny ont bien voulu nous permettre de faire usage. La série des lettres adressées par Napoléon III à son demi-frère mériterait d'être publiée; souhaitons que le public soit bientôt admis à les lire : ce sont de savoureux et bien précieux documents.

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Nous en dirons autant de ce récit du Coup d'État, ou plutôt des préliminaires du Coup d'État, récit rédigé par Morny luimême, et qui se trouve également dans les archives de la famille. Quiconque en prendra connaissance si, comme nous l'espérons, on se résout à le publier - ne fera qu'admirer une fois de plus la rare intelligence et l'énergie du véritable inventeur et animateur du 2 décembre. Nous ne pouvions malheureusement, dans un ouvrage comme celui-ci, nous perdre parmi les détails infinis de cette « opération de police», ainsi qu'on a dit — en ajoutant, pour faire tableau d'histoire, « un peu rude ».

Signalons aux investigations des chercheurs un petit problème dont nous nous voyons dans l'impossibilité matérielle de fournir la solution.

Il existe, dans les papiers Morny, deux lettres extrêmement curieuses, dont voici d'abord la genèse, ou plus simplement, l'occasion. Un journal de Bruxelles, l'Indépendance belge, avait publié un article, dont on n'a conservé qu'une partie, dans laquelle, avec une merveilleuse perfidie, le journaliste écrivait : que M. de Morny ailait sans doute obtenir bientôt droit à l'appellation d'Altesse impériale, que la cour des Tuileries se trouvait divisée en deux camps, les Bonaparte d'une part, les Beauharnais de l'autre, etc.

A la suite de ce papier, Morny écrivit à l'impératrice (et non pas directement à l'Empereur, ce qui prouve à quel point il est inexact de lui prêter, comme on l'a fait trop souvent, de mauvais sentiments envers la souveraine) pour lui exprimer son affectueux embarras et son profond chagrin de voir courir publiquement de tels bruits. Il demande ce qu'il doit faire, ajoutant qu'il est prêt à tout afin d'effacer jusqu'à la trace et jusqu'au prétexte de ces méchancetés; qu'il s'éloignera, si l'on veut, qu'il accomplira quelque voyage en Italie: bref, qu'on dispose entièrement de lui. Et la lettre est très douce, pleine d'une amitié respectueuse et vive, manifestement sincère.

L'impératrice répondit par une autre lettre, non moins amicale et tranquille, pleine de délicatesse, dont Morny dut se sentir pleinement rassuré qu'il se tienne en repos, tout cela n'est rien, l'on a toute confiance en lui, il ne faut pas s'occuper de ces sottises-là.

Nous avons tenu en main ces deux lettres, qui font pareillement honneur à leurs deux auteurs.... Seulement, voilà : ni l'une, ni l'autre ne sont datées. Et l'extrait de l'Indépendance belge, point davantage. Il faudrait donc, pour le retrouver, aller lire à Bruxelles tous les numéros de ce journal, depuis l'an 1852 jusqu'à l'an 1865. Certes, nous nous proposons de le faire, mais pas tout de suite.

Nous ne saurions, par conséquent, préciser à la suite de quels incidents s'éleva ce petit nuage de cour. D'après le classement des papiers dans les archives Morny, il semble que la lettre de Morny et la réponse de l'impératrice soient postérieures à 1860 : c'est tout ce que nous pouvons nous permettre d'indiquer.

Quelque érudit trouvera le mot de ce rébus : il y a des divertissements plus coupables et moins amusants.

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