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l'emploi le plus parfait de la pensée, c'est-àdire, de l'entendement et de la volonté. La raison, en effet, consiste à bien diriger son attention; à faire des comparaisons justes; des raisonnemens exacts; à bien régler ses désirs; à préférer toujours le mieux; et enfin, à faire un bon usage de sa liberté *.

Ces noms, une fois imposés à des facultés qui nous sont parfaitement connues, il ne nous sera pas difficile de faire des définitions. Ainsi :

1o. L'entendement est la réunion, de l'attention, de la comparaison, et du raisonnement: 2o. La volonté est la réunion, du désir, de la préférence, et de la liberté :

3o. La pensée est la réunion, de l'entendement, et de la volonté :

4°. La raison est le bon emploi de la pensée; c'est-à-dire, de l'entendement et de la volonté; c'est-à-dire, de l'attention, de la comparaison,

* Il est vrai que ces mots, entendement, volonté, pensée, raison, se prennent souvent dans d'autres acceptions. J'aurai le soin de les faire connaître à mesure que le besoin s'en fera sentir.

du raisonnement, du désir, de la préférence, et de la liberté :

Et, en renversant les membres de toutes ces définitions, vous aurez :

1o. La réunion de l'attention, de la comparaison, et du raisonnement, s'appelle entende

ment:

2o. La réunion du désir, de la préférence, et de la liberté, s'appelle volonté :

3o. La réunion de l'entendement et de la volonté, s'appelle pensée:

4°. Le bon emploi de la pensée, s'appelle raison.

Raison, pensée, volonté, entendement, ne sont donc que des expressions commodes pour le discours, et pour faciliter l'action de l'esprit. Entendement, par exemple, n'est qu'une expression abrégée des trois mots, attention, comparaison,raisonnement. Et, l'on serait dans une étrange illusion, si l'on allait s'imaginer, qu'outre ces trois facultés que nous tenons de l'auteur de notre nature, et qui nous suffisent pour nous élever à toutes sortes de connaissances 2 nous avons encore une quatrième faculté, l'entendement, et, qu'en créant un mot, on a changé la nature de l'âme. L'entendement, séparé de trois facultés dont il résulte, n'est rien,

La volonté, qui ne serait, ni désir, ni préférence, ni liberté, n'est rien. La pensée, qui ne serait, ni entendement, ni volonté, n'est rien: comme un tout, considéré hors de toutes ses parties, n'est rien, absolument rien.

Si donc on regardait les mots, raison, pensée, volonté, entendement, comme les noms d'autant de facultés individuelles, et distinctes des six facultés que nous avons reconnues, l'esprit, abusé par des mots qui ne seraient que des mots, aurait beau déployer toute l'activité du génie de Platon, ou d'Aristote, il ne pourrait que s'épuiser en combinaisons stériles, ou chimériques. Placé hors des choses, et hors des idées, il courrait vainement après les réalités : il ne saisirait que des ombres.

Aussi, les auteurs qui se sont laissés entraîner par ce penchant que nous avons de tout réaliser, se sont-ils égarés dans des discours inintelligibles.

Écoutons le langage des métaphysiciens, lorsqu'ils parlent de l'entendement et de la volonté : l'entendement, est un miroir qui réfléchit les idées: la volonté, est une force aveugle qui est guidée par l'entendement, qui est éclairée par l'entendement, etc.

J'observe d'abord sur cette dernière locution, que si, en effet, la volonté est aveugle, rien ne peut l'éclairer; et qu'ainsi, la métaphore ne présente pas de sens. A la manière dont on parle de l'entendement et de la volonté, on les regarde certainement comme des êtres distincts de l'âme, et de toutes les facultés réelles qui lui appartiennent. Mais, que signifient, au fond, ces manières de parler, sous lesquelles se perd toute lumière? Elles signifient, que l'âme ne peut désirer, et vouloir, qu'autant qu'elle a quelqu'idée, quelque connaissance. C'est l'ancien adage: ignoti nulla cupido. Cela est clair ; tout le monde l'entend: au lieu que, personne ne comprend, ni ne peut comprendre, comment l'entendement sert de guide à la volonté.

1

Ceci rappelle la fable de l'Amour conduit par la Folie. L'entendement, considéré par sa faculté la plus brillante, c'est l'imagination, Malque lebranche appelait la folle du logis: et, comme la volonté est amour, la métaphore des métaphysiciens, se trouve l'allégorie des poëtes.

L'homme est naturellement porté à tout animer, à tout personnifier, à mettre quelque chose d'humain, jusque dans les objets qui ont le moins de rapport à sa nature.

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TREIZIÈME LEÇON.

Suite des définitions.

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Je vais parler encore des définitions. Je n'en pas dit tout ce qu'il fallait en dire, ni tout ce que je voulais en dire; et je ne me flatte pas, en ajoutant de nouvelles réflexions à celles que je vous ai communiquées, d'épuiser un sujet si fécond en résultats pratiques. Les définitions, en expliquant la signification des mots, doivent déterminer les idées; et, quand nous savons déterminer nos idées, si nous savions encore les combiner, et lier entr'elles celles qui ont de l'analogie, nous saurions tout ce que peuvent nous apprendre, la métaphysique, et la logique. Car, la métaphysique ne remonte à l'origine de nos connaissances, que pour nous donner des idées exactes et sûres; et, l'art de rapprocher ces premières idées, pour en faire sortir de nouvelles idées, forme la science du raisonnement. Se faire des idées justes, et les bien ordonner; voilà, en deux mots, toute la philosophie.

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