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Le septième, de monsieur de la Chambre (1), Que les François sont les plus capables de tous les peuples de la perfection de l'Eloquence;

Le huitième, de monsieur Porchères-Laugier, A la louange de l'Académie, de son protecteur et de ceux qui la composoient;

Le neuvième, de monsieur de Gomberville, Que, lorsqu'un siècle a produit un excellent héros, il s'est trouvé des personnes capables de le louer;

Le dixième est de monsieur de l'Estoile (2), De l'excellence de la poésie et de la rareté des parfaits poëtes, où entre autres choses il déclame fort agréablement contre la servitude de la rime, et se venge de tout le mal qu'elle lui a jamais fait souffrir;

L'onzième est de monsieur Bardin, Du style philosophique, où il prétend montrer que la philosophie, suivant les divers sujets, est capable de toutes les sortes d'éloquence; que surtout elle n'a pas besoin des termes

(1) Marie Cureau de la Chambre, médecin ordinaire du Roi Louis XIV, l'un des prédécesseurs de Lavater dans la science physiognomonique. On sait qu'il était souvent consulté par Louis XIV dans le choix que ce dernier faisait des personnes. On peut citer de lui ses Caractères des Passions, 5 vol. in-4o; l'Art de connaître les hommes, Amsterdam, 1660-1666, in-12; Sa Correspondance secrète avec Louis XIV, mentionnée dans le tome 4 des Pièces intéressantes el peu connues de M. de La Place. Ce savant, également versé dans l'étude de la littérature, était né au Mans en 1594; il mourut en 1669.

(2) Claude de l'Estoile, successeur de Saussay et de la Boissinière, qui travaillait aux pièces de théâtre du Cardinal, a fait pour son compte la Belle Esclave, tragi-comédie représentée et imprimée à Paris en 1643, in-4o; l'Intrigue des Filoux, comédie, ibid., 1648, in-4°. On trouve encore des poésies diverses, imprimées dans le Recueil des Poètes français, 1692, 5 vol.

barbares dont on l'embarrasse dans les écoles; et pour en donner un exemple, il explique, en un langage fort pur et fort naturel, deux propositions fort subtiles de métaphysique qu'il y a quelque chose qui est plus que tout et quelque chose qui est moins que rien. Par la première il entend Dieu, et par la seconde le péché. Il prononça ce discours, qui est fort beau, huit jours avant sa mort(1);

Le douzième est de monsieur de Racan (2), Contre les Sciences, qui a été imprimé depuis peu avec quelquesunés de ses poésies. Etant absent, il l'envoya de chez lui à l'Académie; la lecture en fut faite par monsieur de Serizay ;

Le treizième est de monsieur de Porchères-Laugier, Des différences et des conformitez qui sont entre l'amour et l'amitié;

Le quatorzième, de monsieur Chapelain, Contre l'Amour, où, par des raisons ingénieuses dont le fonds n'est pas sans solidité, il tâche d'ôter à cette passion la divinité que les poëtes lui ont attribuée;

Le quinzième, de monsieur des Marests, De l'Amour des esprits, où il entreprend de faire voir que, si l'amour dont monsieur Chapelain a parlé doit être blâme et méprisé, celui-ci est non-seulement estimable, mais encore a quelque chose de divin;

(1) Bardin mourut en 1637; il se noya en voulant sauver M. d'Humières, son ancien élève.

(2) On sait que le poète Racan, qui, dit-on, ne put jamais apprendre son Confiteor, tant il avait d'aversion pour la langue latine, avait pris le parti de se glorifier de son ignorance. Coustelier a publié à Paris, en 1724, une édition des œuvres de Råcan en 2 volumes in-12; mais les Mémoires de l'auteur sur la vie de Malherbe ne se trouvent pas dans cette édition. Racan (Honorat de Beuil, marquis de), était né en 1589 à la Roche-Racan en Touraine; il mourut en 1670.

Le seizième est de monsieur de Boissat, De l'Amour des corps, où, par des raisons physiques prises des sympathies et des antipathies et de la conduite du monde, il veut faire voir que l'amour des corps n'est pas moins divin que celui des esprits;

Le dix-septième fut envoyé par feu monsieur de Méziriac (1) et lu dans l'assemblée par monsieur de Vaugelas; il est intitulé De la Traduction. En ce discours, l'auteur, qui étoit estimé très savant aux belleslettres, et surtout en la langue grecque, après avoir loué l'esprit, le travail et le style d'Amyot en sa version de Plutarque, et, comme il semble, avec assez d'ingénuité, prétend montrer qu'en divers passages qu'il a remarquez, jusques au nombre de deux mille, ce grand traducteur a fait des fautes très grossières de diverses sortes, dont il donne plusieurs exemples. J'ai appris que tout le reste de ses remarques (2), avec sa nouvelle traduction de Plutarque, sont entre les mains de madame de Méziriac sa veuve, et en état d'être bientôt publiées; alors on jugera mieux si ce qu'il prétend est vrai ou nọn; mais quand il le seroit même, je ne sais si cet exemple doit plus rebuter qu'encourager ceux qui s'adonnent à le traduire; car si d'un côté c'est une chose

(1) Méziriac (Claude-Gaspar Bachet, sieur de), un des plus savants hommes de son temps, né à Bourg en Bresse en 1581, mort en 1638. Il a laissé un certain nombre d'ouvrages de poésies, de mathématiques et plusieurs traductions. Parmi ces dernières on estime surtout une édition des Epitres d'Ovide, traduites en vers français, à cause des commentaires fort curieux dont elle est enrichie. Bourg en Bresse, Teinturier, 1626, in -8°. (2) Il n'en a paru jusqu'à présent et vraisemblablement il n'en paroîtra que le peu qui s'en trouve dans le Plutarque de M. Dacier. (Note de l'abbé d'Olivet.)

déplorable qu'un aussi excellent homme qu'Amyot, après tout le temps et toute la peine que chacun sait qu'il employa à cet ouvrage, n'ait pu s'empêcher de faillir en deux mille endroits, c'est de l'autre une grande consolation que, malgré ces deux mille fautes, par un plus grand nombre de lieux où il a heureusement rencontré, il n'ait pas laissé de s'acquérir une réputation immortelle. Mais je reviens aux discours (1) prononcez dans l'Académie. Les trois derniers, pour aller jusqu'au nombre de vingt, sont:

Celui de monsieur Colletet (2), De l'Imitation des Anciens;

(1) Des vingt discours dont monsieur Pellisson nous apprend ici les sujets, il n'y en a eu que cinq d'imprimez, savoir: ceux de Godeau, la Chambre, Racan, Méziriac et Colletet; mais on a encore des copies de plusieurs autres. Quoique ces discours aient été faits à la bâte et que la pluspart ne renferment pas beaucoup d'érudition, je ne sais pourtant si les curieux n'en verroient pas avec plaisir le recueil. (Note de l'abbé d'Olivet.)

(2) Colletet (Guillaume), qu'il ne faut pas confondre avec François Colletet, son fils, était avocat au conseil. Il put se dire tour à tour le protégé du cardinal de Richelieu, du chancelier Séguier, de l'archevêque de Paris, de Harlay, et mourut dans la plus complète détresse. On trouve sur ce littérateur, et à son sujet sur les mœurs littéraires de l'époque, dans les Menagiana, t. Ior, p. 29 et 30, les détails suivants qui ne manquent pas d'intérêt : « O l'admirable tempérament que celuy du complaisant monsieur Colletet! On ne l'a jamais vu en colère, et en quelqu'état qu'on le rencontrât on eût gagé qu'il étoit content et aussi heureux même que Sylla, qui se vantoit de coucher toutes les nuits avec la Fortune.

>> Dans ses poésies on trouve : « J'ay des maisons aux champs, j'ay des maisons en ville, mais ces maisons devoient être in partibus infidelium. » Il étoit naturellement voluptueux, et pour le tenter il ne falloit être ni belle ní jeune. Comme il ne vouloit

Celui de monsieur l'abbé de Cérisy, Contre la pluralité des Langues ;

Et celui de monsieur de Porchères-d'Arbaud, De l'amour des Sciences.

Ces discours étoient prononcez de huit en huit jours, si ce n'étoit quand ceux qui les devoient faire avoient une excuse légitime ou qu'il survenoit quelque autre sorte d'empêchement. On les donnoit à examiner à deux ou trois académiciens commis par l'assemblée, qui lui en faisoient un rapport exact; mais parce que

point être un scandale pour son voisinage et qu'il ne pouvoit vivre sans quelque servante, il épousoit celle qu'il avoit prise. Nous allions manger bien souvent chez lui à condition que chacun y feroit porter son pain, son plat et deux bouteilles de Champagne ou de Bourgogne; il ne fournissoit qu'une vieille table de pierre sur laquelle Ronsard et ses amis avoient fait d'assez bons repas; et comme le présent nous occupoit seul, l'avenir et le passé n'entroient jamais en ligne de compte. Claudine (*), avec quelques vers qu'elle chantoit, y choquoit son verre avec le premier qu'elle entreprenoit, et son cher époux, monsieur Colletet, récitoit dans les intermèdes du repas quelques sonnets de sa façon ou quelques fragmens de nos vieux poètes que l'on ne trouve point dans les livres. C'est assurément grand dommage que l'Histoire des Poëtes (**) qu'il avoit faite ait été perdue, car il en avoit connu quelques-uns. Ceux qui se proposoient de travailler à son inventaire m'ont assuré qu'il leur en avoit épargné la peine, et qu'il n'avoit laissé à monsieur son fils que le nom de Colletet pour tout héritage. » On sait comment cet héritage, tout mince qu'il étoit, perdit encore de sa valeur sous la plume de Boileau. Guillaume Colletet était né à Paris en 1598 et mourut en 1650.

(*) Sa troisième femme, qu'il eût voulu faire passer pour un prodige de beauté et de génie, et pour laquelle il composoit sous son nom des vers qu'elle récitoit ainsi dans ces petits festins.

(**) Cet ouvrage, de tous ceux que l'auteur a composés celui qui peut nous intéresser davantage, a été retrouvé. Il appartient à M. Barbier.

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