Images de page
PDF
ePub

Le sieur de la Peyre, en l'année 1635, dédia à cette compagnie son livre de l'Eclaircissement des Temps, avec ce titre : A l'Eminente, qui a fait croire depuis à plusieurs qu'elle s'appeloit l'Académie Eminente. Il fut ordonné que messieurs de Gomberville et de Malleville iroient l'en remercier chez lui. Ce fut en ce livre que ce bon homme, qui avoit souvent des imaginations fort plaisantes, fit mettre le portrait du Cardinal en tailledouce, avec une couronne de rayons tout au tour, chacun desquels étoit marqué par le nom d'un académicien. Ce qui est de meilleur, c'est qu'entre ces académiciens il mit monsieur de Bautru-Chérelles, qui ne l'étoit pas; et celui qui a fait l'Etat de la France en l'année 1652, y ayant voulu insérer le rolle des académiciens, pour l'avoir peut-être pris de ce lieu, est tombé dans la même faute.

Le sieur Belot, avocat, dédia aussi à l'Académie, en ce temps-là, si je ne me trompe, un livre que je n'ai pu trouver, et dont il n'est point fait de mention dans les regîtres, intitulé: Apologie de la Langue latine, et c'est ce qui a donné occasion à ce bel endroit de la Requête des Dictionnaires :

La pauvre langue latiale

Alloit être troussée en måle
Si le bel avocat Belot, etc.

Monsieur Frénicle, ayant fait imprimer des Paraphrases sur quatre pseaumes, chez Camusat, le chargea par une lettre de présenter un exemplaire de son livre à chacun des académiciens; cela fut exécuté le 1er février 1638, et la compagnie.ordonna qu'il en seroit remercié de sa part par le même Camusat.

Le sieur de Les Fargues, Tolosain, maintenant avo

cat au conseil, fit premièrement présenter à l'Académie une Paraphrase du second pseaume, par Camusat, qui l'avoit imprimée, et depuis encore il fut introduit dans la compagnie assemblée pour lui présenter sa traduction des Controverses de Sénèque, qu'il lui dédioit. Il en fit distribuer un exemplaire à chaque académicien. L'épître liminaire fut lue en sa présence, et il en fut remercié par la bouche du directeur. C'est pour cette raison que, dans la même Requête des Dictionnaires, il est dit :

Et le Sénèque faisoit nargue

A votre candidat les Fargue.

En l'année 1641, le Père du Bosc, Cordelier, prédicateur du Roi, connu pour être l'auteur de l'Honnête Femme et de plusieurs autres ouvrages, après avoir fait imprimer un panégyrique du cardinal de Richelieu, se présenta à l'entrée d'une des conférences de l'Académie, et offrit un exemplaire de son livre à chacun de ceux qui s'y trouvèrent, dont il fut loué et remercié.

Le sieur le Taneur, ayant publié en l'année 1650 un Traité des quantitez incommensurables, avec la traduction du deuxième livre d'Euclide, y ajouta un fort beau discours à messieurs de l'Académie Françoise, sur le moyen d'expliquer les sciences en françois.

Ceux du corps ont souvent présenté à l'Académie leurs ouvrages, avant l'impression ou après. Par exemple, je trouve que, le 21 février 1639, monsieur Giry lui fit présenter par Camusat sa traduction des Harangues de Symmaque et de saint Ambroise sur l'autel de la Victoire, de quoi Camusat eut charge de le remercier. Monsieur de Racan, lorsqu'il eut composé ses Odes II SÉRIE, T. vi.

18

sacrées, qui ont été publiées l'année dernière 1651, les envoya à l'Académie pour lui en demander son avis, et lui écrivit la lettre qu'il a mise au-devant. L'Académie lui fit la réponse qu'il a fait imprimer au même lieu, sans lui en demander permission ni au secrétaire qui l'avoit écrite, et qui pourtant ne fait aucun tort à l'un ni à l'autre.

Mais, de tout ce qui a été écrit ou adressé à l'Académie, il n'y a rien dont la mémoire mérite mieux d'être conservée que des lettres de monsieur de Boissat, académicien, où il lui rendit un compte exact, et de ce qui lui arriva chez monsieur le duc de Lesdiguières, qui n'étoit alors que comte de Sault, et de l'accommodement qui fut fait entre eux par l'entremise de la noblesse de Dauphiné assemblée en corps.

Je n'ignore pas combien les choses de cette nature sont délicates et chatouilleuses parmi les François, et qu'il s'en pourra trouver qui me blâmeront d'avoir fait mention de celle-ci en un ouvrage où je n'avois pas dessein de diminuer la gloire de l'Académie, ni la réputation des particuliers qui la composent. Mais enfin je ne voís rien qui m'oblige à supprimer des événemens remarquables qui se rencontrent dans mon sujet, qui peuvent servir d'instruction et de préjugé en des occasions pareilles, qu'on publieroit peut-être un jour tout autrement qu'ils ne sont, et où, tout considéré, il n'y a aujourd'hui rien de fâcheux, ni pour cette illustre compagnie, qui n'avoit point de part à ce différent, ni pour monsieur de Boissat, gentilhomme, comme chacun sait, plein d'honneur et de mérite. J'en parlerai donc, et, qui plus est, sachant bien d'un côté qu'une matière si curieuse ne vous ennuiera pas, et, de l'autre, qu'en ces points d'honneur on pèse jusqu'aux moindres

syllabes, j'insérerai ici tout au long, non-seulement la copie de l'accommodement qui fut envoyée à l'Académie par monsieur de Boissat, mais aussi la lettre dont il l'accompagna et la réponse qu'elle y fit.

Que si je supprime la première lettre qu'il écrivit à cette compagnie, et qui contenoit une narration particulière de son malheur et des choses qui avoient précédé, c'est parce que j'ai appris qu'il tâche à la supprimer lui-même par un mouvement de véritable générosité, pour ne laisser aucune marque de ressentiment ni d'aigreur contre des personnes avec lesquelles il est tout-à-fait réconcilié, dont en mon particulier j'honore, comme je dois, la qualité et la naissance.

SECONDE LETTRE DE MONSIEUR DE BOISSAT, SANS DATE, AVEC CETTE SUSCRIPTION:

A Messieurs Messieurs de l'Académie de l'Eloquence, assemblez en corps.

[ocr errors]

« Messieurs,

>> Comme je vous rendis compte du malheur inouï qui m'arriva chez le lieutenant du Roi en Dauphiné, ainsi je vous fais part d'un accommodement encore plus inouï que la noblesse de cette province a désiré treize mois durant, et pour lequel elle s'est assemblée plus solemnellement qu'elle n'a de coutume en d'autres occasions. Ce moyen extraordinaire, que la Providence a suscité pour finir un malheur mes sentimens vouque loient rendre immortel, a pu me réduire à la paix, quand les opinions de mon maître, de mes amis et de mes parens m'y ont porté, et quand, après avoir envoyé

jusqu'à trois gentilshommes dans Grenoble, j'ai vu la voie des armes comme impossible par les soins les soins que tout le monde prend à la conservation des grands. Les principales raisons qui m'y ont obligé, outre la volonté de tous les miens, vous seront bien aisées à connoître, si vous vous souvenez, Messieurs, que la partie se doit et ne se peut dénier à son tout, que la noblesse prit dès le commencement cause en main pour moi, et que depuis, ayant désiré l'entière connoissance de l'affaire, ceux qui étoient mes ennemis l'ont eu pour partie et pour juge tout ensemble; qu'un corps de cent ou six vingt gentilshommes est un garant plus proportionné à mon honneur qu'un prince; que j'ai autant de cautions qu'il y avoit là de têtes assemblées; que, bien au-delà de réparer l'honneur d'un particulier, ils en peuvent former de nouvelles loix dans leur pays, pour ce qu'ils sont la source de l'honneur même; que c'est une chose inouïe dans la monarchie françoise qu'on ait fait si hautement satisfaire un gentilhomme, et enfin que celui qui leur commande à tous s'est soumis à eux d'une façon inconnue à tous les siècles. Voilà, Messieurs, les motifs qui m'ont obligé à vaincre ma propre résistance et à donner les mains à toute notre province. De vous dire maintenant de quelle sorte ils ont travaillé, cette copie, dont j'ai l'original signé, vous en fera foi, et vous montrera que ces vrais gentilshommes ont eu plus d'égard à mon innocence et à leur honneur qu'à toutes les grandeurs de la terre. Ce que j'y puis ajouter du mien est que, douze jours durant, on s'est assemblé soir el matin, avec une patience invincible, et que tout ce qui s'y est passé est grand, mémorable et sans exemple. Je crois, Messieurs, que, m'ayant toujours vu révérer parfaitement votre corps et chérir sur toutes choses

« PrécédentContinuer »