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présenté au Cardinal et n'eût reçu son approbation (1). J'ai oui dire là-dessus qu'il n'aimoit point monsieur de Porchères-Laugier, le regardant comme un homme qui avoit eu de l'attachement avec ses plus grands ennemis ; qu'ainsi il fut très fâché de cette élection; qu'on lui offrit de la révoquer, et qu'il eut cette modération de se contenter d'un règlement pour l'avenir. Ce règlement a été observé jusques ici, tant pour lui que pour monsieur le chancelier, depuis qu'il est protecteur, sur la proposition qu'en fit monsieur de la Chambre, le 27 novembre 1646. Ce fut, si je ne me trompe, pour appaiser le Cardinal que monsieur de Porchères-Laugier se hâta de haranguer avant que son tour fût venu, à la place de monsieur de Serizay, et prit pour sujet de son discours les louanges de l'Académie et celles de son protecteur, comme vous avez vu ci-dessus.

Monsieur Habert de Montmor, maître des requêtes, et monsieur de la Chambre furent reçus un peu après et en même temps, et je vois que, le 2 janvier 1635, monsieur de la Chambre s'y trouva pour la première fois, et que monsieur de Cérisy, parlant pour monsieur de Montmor son cousin, remercia la compagnie de la grace qu'elle lui avoit faite en la séance dernière, et l'assura qu'il y viendroit prendre sa place dès qu'il seroit de retour d'un voyage qu'il étoit obligé de faire à Saint-Germain.

Ce fut ce même jour 2 janvier 1635 que l'on proposa

(1) De là est venue la nécessité de deux scrutins : le premier, pour déterminer à la pluralité des suffrages qui l'on proposera au protecteur; le second, pour élire, après que le protecteur a donné son agrément à celui qui a été proposé.

(Note de l'abbé d'Olivet.)

de faire des discours, et que l'on dressa pour cet effet un tableau des académiciens, dont je vous ai parlé cidessus. Ils voulurent y être rangez par sort, sans avoir aucun égard à la différence des conditions; et moi, je vous avertis aussi que, lorsqu'il m'arrive d'en nommer plusieurs ensemble dans cette relation, je les range de même par sort, c'est-à-dire suivant que leurs noms se présentent fortuitement à moi, sans qu'il en faille tirer nulle conséquence.

Ce tableau, qui étoit de trente-six personnes, ayant été montré à monsieur le garde-des-sceaux, maintenant chancelier de France, il fit dire à la compagnie par monsieur de Cérisy qu'il désiroit d'y être compris. On ordonna que son nom seroit écrit à la tête, comme je vous ai dit ailleurs, et que messieurs de Montmor, du Chastelet, Habert et les trois officiers iroient lui rendre graces très humbles de l'honneur qu'il faisoit à tout le corps. En cette occasion monsieur de Serisay, qui étoit le directeur, porta la parole, et on dit qu'il s'en acquitta merveilleusement bien. Sa harangue fut lue huit jours après dans l'assemblée; il fut dit qu'il en donneroit une copie qui seroit gardée entre les ouvrages académiques; mais, quelle qu'en soit la cause, ni cette harangue, ni plusieurs autres qu'il eut occasion de faire durant le long temps qu'il fut directeur, et dans lesquelles il satisfaisoit tout le monde au dernier point, ne se trouvent plus, et je n'en ai vu pas une entre les papiers qui m'ont été communiquez.

On reçut ensuite monsieur l'abbé de Chambon, frère de monsieur du Chastelet, et six mois après ou environ fut reçu monsieur Garnier (1). Il fut élu par billets qui

(1) Colomiés, dans sa Bibliothèque choisie, le nomme Auger

y au

furent tous en sa faveur, excepté trois. L'événement a montré que les trois qui vouloient l'exclure n'avoient point de tort; car je trouve dans les regîtres que le 14 du mois de mai suivant, sur la proposition qui en fut faite par le directeur de la part de monsieur le Cardinal, il fut déposé pour une mauvaise action, d'une commune voix et sans espérance d'être restitué. Il roit peut-être quelque inhumanité à s'arrêter davantage sur cette matière, puisqu'il vit encore, et, comme on dit, tout-à-fait dans la dévotion, bien que le livre intitulé Etat de la France en 1652 l'ait mis entre les académiciens morts. Il me suffira de vous dire, pour n'y revenir plus, que c'étoit un ecclésiastique natif, comme l'on m'a dit, du pays de Bresse, homme de bonne mine, de bon esprit, d'agréable conversation, qui avoit même du savoir et des belles-lettres. Pour s'établir à Paris il s'associa avec un libraire nommé Chapelain, et depuis avec un autre nommé Bouillerot; et comme il avoit été curieux de bons manuscrits, il en mit au jour quelquesuns qui étoient encore fort rares. Nous lui devons les Mémoires de la Reine Marguerite et ceux de monsieur de Villeroy, les Lettres du cardinal d'Ossat et celles de monsieur de Foix. Il faisoit imprimer et relier ces livres avec le plus grand soin qu'il étoit possible (1), en fai

de Mauléon, sieur de Granier, et Richèlet, dans son Recueil de Lettres françoises, nous apprend que cet académicien fut exclus pour ne s'être pas bien acquitté d'un dépôt qu'on lui avoit confié. (Note de l'abbé d'Olivet.)

(1) « La bibliomanie, comme s'exprime Bonaventure d'Argones, d'après Patru, était une des maladies de ce siècle; chacun, par un luxe curieux, studiosâ luxuriâ, a voulu avoir des livres et former de grands corps de bibliothèque : innumerabiles libros et bibliothecas, quarum dominus vix totâ vitâ suâ indices perlegit. IIe SÉRIE, T. VI.

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soit beaucoup de présens, étoit fort propre dans sa maison, fort civil et fort officieux envers les personnes d'esprit et les gens de lettres, qui pour cette raison se trouvoient volontiers chez lui, où il se faisoit comme une espèce d'académie. Toutes ces choses le mirent en réputation et le firent connoître, premièrement à monsieur le chancelier, qui lui donna pension, puis au Cardinal, qui trouva bon que monsieur de Boisrobert le proposât pour être de l'Académie.

Le premier qui fut reçu après lui fut monsieur Giry; car encore qu'il eût été de ces assemblées d'amis qui se faisoient chez monsieur Conrart, il s'en étoit retiré et n'avoit point été appelé quand on commença à faire un corps d'Académie. Je trouve dans les regitres qu'il fut proposé alors par monsieur de Boisrobert de la part du Cardinal, qui l'avoit jugé digne d'en être, sur la lecture de sa traduction de l'Apologétique de Tertullien.

Le nombre de quarante n'étoit pas encore rempli; cependant monsieur Bardin et monsieur du Chastelet moururent presque en même temps, et laissèrent deux nouvelles places vacantes. On répara cette double perte

Jam enim inter balnearia et thermas bibliotheca quoque, ut necessarium domûs ornamentum, exponitur. On a envoyé pour cela non-seulement dans toute l'Europe, mais aussi dans l'Orient, pour découvrir des livres très anciens et des manuscrits rares; ce qui a donné lieu à bien des fourberies et des bévues. Il y a quelques années que des ignorants ou des fourbes envoyèrent ici du bout du monde des manuscrits arabes très bien conditionnés et d'un parfaitement beau caractère. Ils furent reçus avec respect par ceux qui n'y entendaient rien; mais les connaisseurs ayant jeté les yeux dessus, on sut bientôt que ces manuscrits, qu'on avait pris pour des livres très curieux, n'étaient que des registres et des livres de compte mis au net par des marchands arabes Risum teneatis, : amici.

en recevant monsieur Bourbon et monsieur d'Ablancourt.

Il mourut encore environ ce temps-là deux autres académiciens, monsieur Habert, commissaire des guerres et monsieur de Méziriac.

On reçut ensuite et en même jour monsieur Esprit et monsieur de la Mothe-le-Vayer; le sort les rangea comme je viens de les nommer. Et enfin, pour remplir la seule place qui restoit du nombre de quarante, on proposa dans la même assemblée monsieur de Priézac, conseiller d'Etat, qui fut reçu huit jours après.

Ceux qui ont été reçus depuis sont monsieur Patru au lieu de monsieur Porchères-d'Arbaud ;

Monsieur de Bezons, alors premier avocat général au grand-conseil, maintenant conseiller d'Etat ordinaire, au lieu de monsieur le chancelier, quand il fut fait protecteur après la mort du Cardinal;

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Monsieur de Salomon, aussi alors avocat général au grand-conseil, au lieu de monsieur Bourbon. « Il fut préféré à monsieur Corneille, qui avoit demandé la » même place. Le protecteur fit dire à l'Académie qu'il » lui laissoit la liberté du choix, et vous jugerez par la » suite qu'elle se détermina de cette sorte pour cette >> raison que monsieur Corneille, faisant son séjour à la province, ne pouvoit presque jamais se trouver aux >> assemblées et faire la fonction d'académicien.

» Je dis que vous le jugerez par la suite; car depuis, » monsieur Faret étant mort, en proposa d'un côté le >> même monsieur Corneille et de l'autre monsieur de Ryer, et ce dernier fut préféré. Or le regître en cet en» droit fait mention de la résolution que l'Académie avoit » prise de préférer toujours, entre deux personnes dont

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