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n'ont pas seulement demandé un an de temps, mais se sont astreints à rendre compte de trois en trois mois de leur administration, à la fin desquels il sera facile de voir si les Monts auront advancé ou perdu, et, s'ils auront advancé, de faire appliquer ce profit au payement de grosses debtes qu'ils auront faites pour leur premier establissement; et ainsi, à la fin de la première année, et consécutivement de la seconde, troisième, quatrième, cinquième, sixième, etc., examiner ce qu'il y aura de fonds et le ménager à l'advantage du public.

On peut observer aussi les mesmes soins que tous les autres Estats et Souverains ont appliqués, en se faisant asseurer de l'observation de l'équité, justice et charité en cette administration. L'exemple suivant de l'ordre que les archiducs de Brabant ont tenu sur la mesme matière pourroit servir. Voicy les mots d'une déclaration citée par un autheur:

« L'illustrissime Mathias, archevesque, le révérend Jean Malder, évesque d'Anvers, deux ans après l'érection des Monts-de-Piété de Bruxelles, ayans examiné la pratique des Monts, attestons avoir bien examiné la pratique du sieur Cobergher, en ce qui regarde son administration et droits destinez pour cet effet, et disons que nous n'avons rien trouvé contre sa pratique, ny chose qui puisse estre contre les droits divin ou naturel, ny répugnant aux sacrés canons des Papes, la pratique en estant jugée estre utile au public, et nécessaire aux pauvres pour les délivrer de l'oppression des usuriers, et qu'avec le temps, avec l'industrie dudit Cobergher, ils seront soulagez davantage. Donné l'an 1619, 16 de novembre. Soubssignez MATHIAS, archevesque de Malines, et JEAN, évesque d'Anvers.>>

Comme il seroit, dis-je, très facile de se servir de l'exemple susdit, ceux que Sa Majesté a nommés pour intendans en ce prétendu establissement se sont soumis à tout ce qui est juste et nécessaire, tant pour la satisfaction de Sa Majesté que pour tout ce qui peut tendre au soulagement du public.

Lesdits intendans prétendent donc seulement que personne ne sauroit faire leur calcul asseuré pour leur indemnité, et que par conséquent il faut s'en remettre à l'épreuve, comme, par exemple, si le Roy ordonnoit à quelqu'un de faire un pont de pierre de la même longueur, largeur et hauteur du Pont-Neuf, celui qui en prendroit le soin devroit, par toute sorte d'apparence, prendre ses mesures pour les frais et pour la dépense sur ce Pont-Neuf qui est à présent; autrement il tenteroit des voyes inconnues et se mettroit en danger de demeurer au milieu de son dessein. Ainsi lesdits intendans se sont soumis aux mesmes droits de trois deniers pour livre, par lesquels les autres ont commencé, et il n'y a point d'homme de sens qui ne les accusast d'imprudence si, dans une entreprise de cette importance, ils quittoient un chemin qui a esté battu de tout le monde, et par lequel ils sont asseurés qu'on a réussi, pour en prendre un autre que personne n'a tenté encore et dont on n'a aucune expérience, quoique pourtant, comme ils ont dit, ils espèrent, avec l'assistance de Dieu, de faire quelque chose davantage que tous les autres, et qui n'est pas peu considérable.

Dedans cet esprit ils se sont persuadez jusques icy, avec beaucoup de consolation, que l'Eglise, qui a esté la première source de ce dessein et qui luy a donné toute la forme et toutes les règles qu'ils veulent suivre, ne désapprouve point leur intention ni leur conduite, mais

qu'au contraire elle leur donnera les mesmes bénédictions qu'elle leur a données et renouvellées tant de fois dans la suite de plusieurs siècles, puisque, sa prévoyance et sa charité estant générales, elle ne prendra pas sans doute moins de plaisir à voir abolir le crime dedans la France que dans la Flandre et l'Italie, et exterminer des légions d'usuriers, de lombards et de Juifs qui succent tout le sang des pauvres, et qui, pour leur procurer quelques momens de soulagement, les rendent malheureux pour tout le reste de leur vie. Elle ne sera pas faschée sans doute qu'icy comme ailleurs, au lieu des grands intérests qu'on exige de ces nécessiteux, ils ne payent que trois deniers pour livre dès la première ouverture des Monts, et qu'on travaille continuellement à chercher des voyes pour diminuer encore les intérests, et les rendre enfin si petits qu'ils ne leur soient presque pas sensibles, et que tous ces droits de trois sols d'enregistrement, de six deniers pour livre au temps de la vente, ces ventes précipitées, ces rétentions de surplus de ce qu'on a donné, ces advances et ces redoublemens d'intérests sur intérests, et tant d'autres friponneries qui se commettent dans ces bureaux publics; soient bannies doresnavant de la mémoire des hommes.

Et c'est ceste mesme persuasion aussi qui les fait croire que monseigneur l'illustrissime archevesque de Paris (de qui la piété ne l'invite pas moins sans doute que sa condition à faire révérer les sentimens de l'Eglise) fera paroistre son autorité en leur faveur, contre cet attentat horrible d'un nombre infini d'usuriers qui se sont vantés de faire et d'avoir desjà fait descrier cet establissement dans quelques chaires de Paris, veu que la bulle de Léon X et la session 10 du concile de Latran excommunie en termes formels les

prédicateurs qui parleront au désadvantage des Montsde-Piété, et leur ordonnent au contraire (comme il a été marqué cy-dessus) d'imprimer fortement dans l'esprit des peuples une opinion religieuse, avec concession d'indulgence, de l'utilité et de la sainteté de cette institution. Et quoyque lesdicts intendans se tiennent très asseurés que les personnes qui ont l'honneur de distribuer les véritez de l'Evangile n'ont garde de les déshonorer à dessein par un si grand abus, néantmoins ils sçavent aussi que la malice de ces usuriers désespérez tasche de surprendre leur zèle par des mauvaises et artificieuses informations, par lesquelles ils leur représentent le dessein de cesdits intendans, non pas conforme, comme il l'est, à celuy dont l'Eglise mesme universelle a donné le patron, mais à ces bureaux publics où les nécessiteux ont esté véritablement très tourmentés, et dont les plaintes sont si grandes qu'il est très excusable qu'elles animent la colère des gens de bien contre l'innocence mesme, quand une fausse illusion la représente sous un visage si criminel.

Ceux qui font lesdictes plaintes s'offrent en grand nombre de les donner par escrit, les signer de leurs noms et y adjouster leurs domiciles, par l'appréhension qu'ils ont que les Monts-de-Piété ne s'establissent, que ces susdicts bureaux s'establissent en leur lieu par toutes les villes de France, et qu'ainsi le public soit privé pour jamais d'un advantage très notable, ce que sans doute toutes les personnes d'honneur ne verroient qu'avec beaucoup de regret.

Véritablement aussi ce seroit une honte très grande à toute la nation si, de deux establissemens qui luy sont proposez, elle rejettoit celuy qui est ancien, honoré, authorisé, pratiqué, institué par les Papes, les IIa série, t. VI.

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Conciles, les Roys et les autres Souverains, et qui, quand mesme il manqueroit de ces illustres recommandations, est à un soulagement visible de la nécessité publique (ce que personne ne peut contredire), et embrasseroit celuy qui n'a aucun approbateur, qui n'est institué et pratiqué que par des personnes particulières de nulle considération, qui est à une oppression manifeste du public, et contre qui tout le monde forme des plaintes.

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