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DU CHEVALIER BALTHAZAR GERBIER

A MESSIEURS

LES DOCTEURS EN THÉOLOGIE DE LA FACULTÉ DE PARIS,

SUR L'ESTABLISSEMENT

DES MONTS-DE-PIÉTÉ.

A PARIS.

Chez FRANÇOIS PREUVERAY, rue de la Grande-Bretonnerie, proche la porte Saint-Jacques.

1644.

Comme, depuis que le public a esté adverty du prétendu establissement des Monts-de-Piété, plusieurs personnes mal instruites ou mal intentionnées ont semé des faux bruits contre ledit establissement, et que pour ce il a esté nécessaire de faire passer par la presse divers esclaircissemens là-dessus, le chevalier Gerbier a creu devoir adresser encore cette exposition sincère de ses intentions à messieurs les docteurs en théologie de

la faculté de Paris, après leur avoir très humblement recommandé l'examen de plusieurs imprimez, des actes et octrois de divers establissemens des Monts-de-Piété qui se sont faits depuis plusieurs années en Brabant, Flandre, Liége, Nancy et ailleurs, et ce par l'approbation des archevesques, évesques et autres ecclésiastiques, qui ont jugé que cela se pouvoit en conscience, pour soulager le public des usures intolérables qui se pratiquoient en tous ces lieux-là, comme elles s'estoient aussi pratiquées autresfois en plusieurs endroits d'Italie auparavant que par la prudence et piété de l'Eglise on y eust remédié par la mesme voye sous le papat de Léon X, et qu'après plusieurs doctes et savantes délibérations là dessus le concile de Latran eust déclaré par un décret solemnel: 1° que les Monts-de-Piété estoient licites en tous Estats, tant royaumes que républiques; 2° qu'ils pouvoient exiger licitement aussi tout ce qui est absolument nécessaire pour leur indemnité; 3° que les prédicateurs devoient annoncer cette utilité au public et prononcer anatesme contre ceux qui diroient le contraire; sous lesquelles maximes le premier Mont fut estably au royaume de Naples par le cardinal Aqua-Viva, et conformément ausquelles le concile de Trente exhorte les gens de bien à visiter les Monts-dePiété aux bonnes festes comme des lieux saints; et toutes les bulles des évesques leur recommandent expressément d'avoir soin de leur conservation.

C'est pourquoy le chevalier Gerbier, ayant esté honoré du commandement de Sa Majesté pour establir des Monts-de-Piété en France, s'est soubmis aux mesmes conditions que les Monts-de-Piété ont observées en leur commencement, lorsqu'ils ont esté obligez de prendre de l'argent à intérest pour en faire les fonds; et

afin que la France puisse mériter du public quelque chose de plus que ses autres Estats, luy et ses associez se sont fait fort de faire prester gratuitement aux pauvres de la bonne ville de Paris jusques à la somme d'un escu à la fois, en attendant que les Monts-de-Piété ayent assez de fonds pour faire le prest gratuit plus grand.

Ledit chevalier Gerbier a présenté au public certains imprimez pour donner à cognoistre à tout le monde que ce présent establissement des Monts-de-Piété en France est sur les mesmes conditions et principes des autres, comme aussi sa remontrance à monseigneur l'archevesque de Paris, sa justification particulière et un exposé de ses intentions sur ledit fait; plus sa remontrance à nos seigneurs du parlement, avec un mémoire touchant l'establissement d'un commerce qui doit estre facillité par l'association de ceux qui feront les fonds desdits Monts en toutes les places maritimes du Royaume, par lequel establissement on peut donner à vivre à plus de deux cent mille ames, et dont le Roy retirera un grand revenu par l'accroissement du commerce, qui promet à la France tout le trafic du Levant, et de soulager les sujets de la couronne de la chereté des denrées, et principalement du poisson, qu'on est autrement contraint d'achetter au pris qu'il plaist aux estrangers, et dont on sent souvent grande disette jusques à my-caresme. Le Roy pouvant aussi retirer un grand revenu par la quantité immense de sel qui se pourra transporter hors du Royaume, les charges du pauvre peuple en pourront estre diminuées, et par ainsi cet establissement ne sera pas seulement comme celuy de tous les autres Monts-de-Piété qui prestent simplement aux nécessiteux, mais il produira les moyens d'en amoindrir le

nombre, et de rendre les sujets du Roy plus capables de faire des charitez, non-seulement aux mendians, mais aux monastères et aux hospitaux qui en sentent souvent le besoin; et ce bénéfice leur est d'autant plus asseuré par cet establissement que le chevalier Gerbier s'est soumis à rendre compte de son administration de trois mois en trois mois, et qu'il ne demande pas mieux sinon qu'il y ait des directeurs et conseillers ecclésiastiques, qui puissent assister à ménager tout ce que les Monts pourront rendre pour le bien et l'utilité des pauvres;

Et que lesdits directeurs et conseillers ecclésiastiques puissent confirmer à tout le monde la justice et l'équité de son administration par le rigoureux examen qu'ils en feront, non pas deux ans après cet establissement, comme le premier examen que l'archevesque de Malines, les évesques de Gand et d'Anvers, etc., firent de ceux de Brabant, ainsi qu'il allègue en sa remonstrance à monseigneur l'archevesque de Paris, mais, comme il est dit cy-dessus, dès les premiers trois mois, et que cet examen soit continuel comme l'establissement le doit estre à perpétuité en faveur du public, afin qu'on voye et cognoisse clairement qu'en effet c'est le Roy, les seigneurs et les personnes de condition, comme aussi les négotians, marchands merciers et artisans, qui par les emprunts, lorsqu'ils en ont besoin, font peu à peu aux Monts (par les droits qu'ils y payent) un fonds qui sert aux pauvres, qui y trouvent ce fonds fait (à ce qui me semble) aussi légitime comme les aumosnes, puisqu'on ne force personne de faire emprunt aux Monts-de Piété; et que ces droits, dont ledit fonds du public se forme, sont en considération des premières despences du bastiment, et qu'ils ne doivent continuer que si

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