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luy avoit esté marqué par les mareschaux et fourriers des logis. Le sieur président Séguier fut conduit au sien, où il fut salué de l'évesque, assisté de la pluspart de son clergé.

Le lendemain samedy 3, dimanche et lundy ensuivans, lesdits commissaires se reposèrent sans faire aucunes affaires, pendant que les prévosts de Poictiers, de Niort, de Fontenay et autres, suivant le pouvoir d'une commission qui leur en avoit esté particulièrement donnée, estoient à la poursuite de nombre de personnes contre lesquelles y avoit force plaintes, lesquelles ils prirent et amenèrent dans les prisons de ladite ville.

L'ouverture des Grands-Jours fut pareille à celles du parlement. Le mardy cinquiesme jour de septembre, les susdits commissaires serendirent les uns après les autres, en robe rouge, au palais de Poictiers, entre huict et neuf heures du matin. On y avoit dressé un autel sur le haut des longs degrez du costé de Mauberzon, et au bout desdits degrez estoient eslevez de chaque costé deux grands eschafaux, sur lesquels estoient deux chœurs de musique. Estans donc arrivez, la messe fut célébrée à la pontificale par l'évesque de Poictiers, à l'offerte de laquelle lesdits sieurs commissaires allèrent chacun selon son rang, et après eux le sieur de Sainct-Georges, gouverneur de ladite ville, messieurs du présidial, le recteur de l'université, et tout le reste ensuite. L'évesque ayant officié prit séance avec les conseillers. Pour l'ouverture des audiences, elle fut ordonnée au onziesme jour ensuivant. Tout le changement qu'aporta la tenue des Grands-Jours dans Poictiers fut que le siége présidial fut transféré pendant ce temps-là dans le couvent des pères Cordeliers.

L'onziesme jour de septembre se fit l'ouverture des audiences aux Grands-Jours, en laquelle les sieurs Talon, advocat général, et président Séguier se firent admirer par les harangues qu'ils y firent, avec une éloquence et doctrine singulière. Ensuite de quoy fut vérifiée cette déclaration du Roy, portant attribution de la province de Lymousin à la cour des Grands-Jours.

« Louis, par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos amez et féaux les gens tenans nostre cour des Grands-Jours establis à Poictiers, salut. Par nos lettres patentes en forme de commission du 2 juin dernier, nous vous aurions commis et députez pour l'expédition des causes et matières mentionnées en nos lettres de déclaration du 11 février aussi dernier, pour la tenue et establissement desdits Grands-Jours, et par nostredite commission nous aurions limité le ressort de nostredite cour en nos provinces de Poictou, Touraine, Anjou, le Mayne, Angoulmois, haute et basse Marche et pays en dépendans. Et d'autant que nous sommes bien informez qu'il y a en nostre province de Limousin plusieurs procez civils et criminels, de la nature de ceux pour la décision et jugement desquels nous avons estably nostredite cour, nous avons estimé très à propos pour le bien et soulagement de nos sujets de nostredite province, de vous y donner la mesme authorité et jurisdiction qu'ès susdites qui en sont voisines. A ces causes, en amplifiant nosdites lettres de commission, nous vous avons commis, députez et ordonnez, commettons, députons et ordonnons, par ces présentes signées de nostre main, pour en nostredite province de Limousin et és bailliages et séneschaussées qui en dépendent, cognoistre, expédier et terminer toutes les causes et procez,

juger et décider de toutes les matières civiles et criminelles, selon et ainsi qu'il est plus particulièrement spécifié en nosdites lettres du 11 février, et suivant leur forme et teneur; mesmes pour cognoistre et juger de toutes les causes et matières civiles et criminelles concernans nos sujets de la religion prétendue réformée, et dont la cognoissance peut appartenir à nos chambres de l'édict; vous ayant de ce faire donné et donnons plein pouvoir, authorité, commission et mandement spécial, et vous en avons attribué et attribuons toute cour, jurisdiction et cognoissance par cesdites présentes, nonobstant que nostredite province du Lymousin ne soit comprise en nosdites lettres des 11 février et 2 juin derniers, et toutes autres choses à ce contraires. Si vous mandons que ces présentes vous ayez à faire lire, publier et registrer en nostredite cour et ès bailliages et séneschaussées de nostredit païs de Lymousin, à ce qu'aucun n'en prétende cause d'ignorance. Mandons et enjoignons à nostre procureur général en nostredite cour de faire, pour l'exécution de cesdites présentes, circonstances et dépendances, toutes réquisitions et diligences, selon le deub de sa charge; et commandons au premier de nos huissiers ou sergens de faire pour ladite exécution tous actes et exploits requis et nécessaires, sans pour ce demander placet, visa ny pareatis ; car tel est nostre plaisir. Donné à Chantilly le dix-neufiesme jour d'aoust, l'an de grace 1634, et de nostre règne le vingt-cinquiesme. Signé Lours; et plus bas: Par le Roy, de LOMÉNIE; et scellé sur simple queue du grand sceau de cire jaune. Et à costé est escrit :

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«Leues, publiées et registrées, ouy et ce requérant le procureur général du Roy, pour estre exécutées selon

II SÉRIE, T. VI.

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leur forme et teneur; et copies d'icelles envoyées és bailliages et séneschaussées de ladite province de Lymousin, pour y estre pareillement leues, publiées, registrées et exécutées; et enjoint aux substituts dudit procureur général d'y tenir la main, et en certifier la cour dans trois sepmaines. A Poictiers, ès Grands-Jours y séant le 11 septembre 1634. Signé RADigues. »

Cette vérification fut accompagnée d'autres lettres patentes de Sa Majesté, données à Chantilly le dix-neufiesme jour d'aoust dernier, par lesquelles il estoit enjoinct à tous lieutenans généraux et gouverneurs de ses provinces et villes, baillifs, séneschaux, vice-baillifs, viceséneschaux, prévosts des mareschaux, leurs lieutenans et autres officiers de justice, de mettre à deue exécution tous décrets, captures et arrests qui seroient donnez par la cour des Grands-Jours contre toutes personnes, de quelque qualité et condition qu'elles fussent.

Ladite cour fit plusieurs beaux règlemens pour la manutention de la religion catholique, extinction des confidences ès cures et autres bénéfices, réédification des églises, restablissement du divin service, et punition des crimes non pardonnez par les édicts de pacification, dont les troubles arrivez durant ce règne avoient empesché la recherche. Si bien que le Roy en a receu une entière satisfaction, et ces contrées-là un fruict et soulagement inestimable.

Le seiziesme jour de septembre, sur la remonstrance faicte par le procureur général du Roy que ceux de la religion prétendue réformée ont faict diverses entreprises contre la disposition de l'édict de Nantes en la province de Poictou, à la faveur des mouvemens derniers, fut donné arrest, par lequel ladite cour, conformément au vingt

Luictiesme article de l'édict de Nantes, a faict deffenses à ceux de ladite religion prétendue réformée de plus enterrer leurs morts ès cimetières des catholiques, à peine d'estre les corps tirez de terre, et de mille livres d'amende applicable aux églises des lieux. A ordonné, suivant le troisiesme article du mesme édict, que le service divin sera restably ès églises et autres lieux de cette province où ledit restablissement n'a esté fait, et que ce qui a esté usurpé sur icelles leur sera rendu, avec deffenses de se servir des cloches desdites églises pour sonner le presche, et que, selon l'article 46 de l'édict et 38 des articles secrets, l'exercice des collèges et escholes establis par ceux de ladite religion sans permission du Roy vérifiée en la cour cessera, sans que les régens de ladite religion puissent cy-après s'immiscer en ladite instruction de jeunesse, à peine de l'amende susdite. Enjoinct, comme il est porté par l'article 7 du mesme édict, aux gentilshommes qui ont haute justice ou fief d'haubert en divers lieux, d'opter et nommer, pardevant le lieutenant-général de Poictiers, l'une de leurs maisons de haute justice ou fief d'haubert pour y avoir l'exercice de ladite religion, sans qu'ils puissent faire ledit exercice en leurs autres maisons, ny mesme en celle qu'ils auront optée sinon lorsqu'ils y seront présens, à peine de deux mil livres d'amende. Et quant à ceux qui n'ont droict de haute justice, la cour leur faict deffenses sur les mesmes peines de faire ledit exercice pour autre que pour leur famille tant seulement, et du consentement des seigneurs catholiques en la haute justice desquels lesdites maisons sont situées, conformément à l'article 8 du mesme édict, sans que ledit exercice puisse cy-après estre continué ès lieux où les seigneurs qui se sont rendus catholiques ne l'auront

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