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AVERTISSEMENT.

Nous ne donnons cet ouvrage de Pellisson que nous réimprimons aujourd'hui ni pour un chef-d'œuvre littéraire, bien qu'il ait été autrefois réputé comme tel, ni même pour une rareté bibliographique; mais nous l'offrons au lecteur comme le seul document contemporain de quelque importance qui puisse servir à l'histoire de la littérature sous Louis XIII, ou plutôt à l'histoire des gens de lettres considérés comme classe distincte de notre société, sous le règne de ce monarque. Nul autre ouvrage de la même époque n'est en effet, sous le même volume, plus riche en renseignements biographiques sur les auteurs alors en réputation, plus semé de détails exacts et précieux sur les mœurs alors si simples, si animées, si pittoresques, de l'homme qui consacrait sa vie à l'étude. Nulle autre pièce ne saurait être plus propre à nous faire comprendre la position véritable que ce dernier occupait alors entre le pouvoir et la société, en un mot, à nous éclairer sur la condition morale et matérielle de la classe éminem

ment intelligente qui alors, comme on le verra, humble, dépendante, en était encore pour ainsi dire à se constituer en face des classes autrement laborieuses de la société. Nous espérons donc que notre lecteur se félicitera de posséder dans ce volume, parmi les autres documents relatifs aux mœurs, aux institutions, etc., l'Histoire de la fondation de l'Académie, par Pellisson. D'ailleurs, après avoir produit Richelieu comme homme politique, pouvions-nous nous dispenser de montrer en lui le protecteur des lettres? pouvions-nous passer outre sans rien accorder à la plus française de toutes nos institutions, puisque c'est d'elle que date, à proprement parler, cette suprématie morale et intellectuelle que la France exerce encore aujourd'hui sur les autres nations de l'Europe? Or, pour remplir ces intentions diverses, nous n'avions pas à choisir ; le travail de Pellisson s'offrait à nous

comme le seul à la fois capable de les remplir et digne d'être mis sous les yeux de nos lecteurs.

Pellisson Fontanier (Paul) naquit à Béziers, en 1624, d'une famille protestante. Il s'adonna d'abord à l'étude du droit, et au moment où il débutait d'une façon brillante dans la carrière du barreau, il se vit arrêté par une maladie qui le força de se retirer à la campagne. En 1652 il vient se fixer à Paris dans l'intention de se livrer exclusivement à l'étude des lettres; mais bientôt après il se laisse tenter par la fortune et achète une charge de secrétaire du Roi. En 1660 nous trouvons Pellisson premier commis de Fouquet; en 1661 Fouquet est disgracié, et Pellisson, enfermé à la Bastille, expie sa courageuse fidélité au surintendant des finances. C'est alors qu'il compose en faveur de son ancien protecteur ces trois fameux mémoires regardés depuis comme les chefsd'œuvre du barreau français, et qui font peut-être encore plus d'honneur au caractère de Pellisson qu'à ses talents. Pellisson attendit cinq ans que son innocence fût reconnue; mais au sortir de la prison il se vit accablé de la faveur de Louis XIV, qui lui prodigua les places et les pensions, et le nomma son historiographe.

L'ami de Fouquet ayant abjuré le protestantisme vit encore augmenter un crédit auquel la mort seule vint mettre un terme en 1693.

Pellisson fut un des bienfaiteurs de l'Académie dont il a voulu être l'historien. Il avait fondé un prix de poésie de la valeur de 300 livres à décerner par l'Académie Française. C'est encore aux démarches de Pellisson auprès de Louis XIV que l'Académie de Soissons doit son établissement.

Outre ceux dont il a été déjà question, Pellisson a laissé encore un certain nombre d'ouvrages; nous citerons : l'Histoire de Louis XIV, depuis la mort de Mazarin jusqu'à la paix de Nimègue, 1749, 3 vol. in-12; Abrégé de la vie d'Anne d'Autriche 1666, in-4°; Histoire de la conquête de la Franche-Comté en 1668, dans les Mémoires du Père Desmelets. Il existe plusieurs éditions de l'Histoire de l'Académie, de Pellisson; la meilleure est celle de 1729, à cause des additions, des notes et des rectifications dont l'a enrichie l'abbé d'Olivet, continuateur de Pellisson; c'est celle dont nous nous sommes servis pour cette réimpression.

HISTOIRE

DE

L'ACADÉMIE FRANÇOISE,

DEPUIS SON ÉTABLISSEMENT JUSQU'A 1652.

A Monsieur D. F. F. (1).

J'entreprens, puisque vous le voulez, d'écrire tout ce que j'ai pu savoir de l'Académie Françoise, qui est une compagnie dont plusieurs parlent, mais que peu de

(1) Faure Fondamente (François de), allié de Pellisson, conseiller au parlement de Toulouse, né à Nîmes dans le xvir siècle, mourut vers 1686. Il n'a publié aucun ouvrage, mais on sait qu'il avait composé un Traité sur la science des médailles, qu'il avait traduit l'épître d'Aristénète sur le luxe et la mauvaise humeur des femmes, et que la mort le surprit au moment où il travaillait à une traduction de Quintilien.

personnes connoissent comme elle mérite d'être connue; car soit que l'on regarde son but, qui a été de porter la langue que nous parlons à sa dernière perfection et de nous tracer un chemin pour parvenir à la plus haute éloquence, soit que l'on considère les personnes dont elle a été composée, de qui les noms sont célèbres et le seront véritablement à l'avenir, soit que l'on jette les yeux sur son fondateur, le cardinal de Richelieu, ce fameux ministre, dont le génie et la fortune ont été également extraordinaires, je ne vois rien en tout cela qui ne soit digne qu'on s'en informe et qu'on en conserve soigneusement le souvenir.

Si quelqu'un nous avoit particulièrement laissé par écrit ce qui se passoit entre Auguste, Mécénas et les excellens esprits de leur siècle, je ne sais si nous en lirions l'histoire avec moins de curiosité et de plaisir que celle des guerres et des affaires d'Etat de ce tempslà; je ne sais même, afin que je die quelque chose de plus, si nous la lirions avec moins d'utilité et de profit; nous, dis-je, à qui la fortune n'a donné ni armées à conduire, ni républiques à gouverner, où nous puissions montrer qui nous sommes, et à qui elle ne laisse en partage que l'étude, la conversation, et les vertus privées et domestiques.

Je ne craindrai donc point de rapporter fort exactement sur mon sujet tout ce que j'ai recueilli, ou des regîtres et des mémoires très amples qui m'ont été communiquez, ou des longs et particuliers entretiens que j'ai eus sur cette matière avec les personnes qui m'en pouvoient le mieux instruire; et n'y oublirai pas même plusieurs petites circonstances qu'un historien omettroit sans doute, mais qu'un ami, ce me semble, peut dire familièrement à son ami. Je me dispenserai seule

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