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depuis par la compagnie, et sur lequel il fut ordonné qu'il conféreroit avec messieurs de Bourzeys, de Gombauld et de Gomberville. Mais j'aurai une autre occasion de vous parler plus à propos de ce plan, et d'en rapporter même un abrégé qui vous fera bien juger de quelle estime et de quelles louanges il étoit digne.

Quant aux statuts de l'Académie, le premier qui travailla sur ce sujet, par ordre de la compagnie, fut monsieur du Chastelet (1), conseiller d'Etat. Après qu'on eut vu son travail, il fut ordonné qu'il en conféreroit avec les mêmes messieurs de Bourzeys, de Gombauld et de Gomberville. Depuis il fut arrêté que tous les académiciens seroient exhortez à donner leurs mémoires par écrit sur cette matière. J'ai vu neuf de ces mémoires ou avis des particuliers académiciens, qui sont ceux de messieurs de Faret, de Gombauld, Chapelain, Conrart, Sirmond, du Chastelet, Bardin, Colletet et Baudoin. Je ne m'arrêterai point à vous dire ce qu'ils contiennent; mais je crois pouvoir remarquer en passant deux choses qui n'ont point été suivies dans les statuts : l'une, qui est dans le mémoire de monsieur de Gombauld et que je rapporte ici comme un témoignage de sa piété et de sa vertu, c'est qu'il proposoit que chacun des académiciens fût tenu de composer tous les ans une pièce, ou petite ou grande, à la louange de Dieu; l'autre, qui m'a semblé fort étrange, quoiqu'elle fût demandée par monsieur Sirmond (2), homme d'ailleurs

(1) Chastelet (Paul Hay, sieur du), né en Bretagne en 1592 et mort en 1636, a laissé, entre autres ouvrages peu recommandables, un recueil de Pièces pour servir à l'Histoire, qui mérite d'être distingué.

(2) Ce même Sirmond était un des auteurs chargés de répondre à tous les pamphlets que le sieur de Saint-Germain lançait contre

II SÉRIE, T. VI.

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d'un jugement fort solide, c'est qu'il vouloit que tous les académiciens fussent obligez par serment à employer les mots approuvés par la pluralité des voix dans l'assemblée; de sorte que, si cette loi eût été reçue, quelque aversion particulière qu'on eût pu avoir pour un mot, il eût fallu nécessairement s'en servir, et qui en eût usé d'autre sorte auroit commis, non pas une faute, mais un péché. Tous ces mémoires furent remis entre les mains des quatre commissaires, messieurs du Chastelet, Chapelain, Faret et Gombauld, pour prendre de chacun ce qu'ils y trouveroient de meilleur, et après leur choix monsieur Conrart, qui, en qualité de secrétaire, avoit aussi assisté à toutes ces conférences particulières, digéra et coucha par écrit les articles des statuts. Ils furent lus, examinez et approuvez par la compagnie.

Le même monsieur Conrart avoit été chargé de dresser les lettres patentes pour la fondation de l'Académie; ce qui sembloit lui appartenir doublement, puisqu'il se trouvoit, et secrétaire de l'Académie, et secrétaire du Roi. Après qu'il les eut lues dans l'assemblée, messieurs du Chastelet, de Serizay et de Cérisy eurent ordre de les revoir avec lui et de les faire voir à monsieur le garde-des-sceaux, et monsieur de Boisrobert à monsieur le Cardinal. Je crois que vous me saurez bon gré de les avoir ici insérées au long, puisqu'elles servent de fondement à tout le reste, et que d'ailleurs elles sont conçues en termes fort purs et fort élégans, qui, sans

le Cardinal. Pour prix de ses services il obtint le titre d'historiographe du Roi. On trouvera la liste de ses ouvrages nombreux et oubliés dans les tables de la Bibliothèque historique de France et dans le Dictionnaire de l'Académie. Ce littérateur, né vers 1589, mourut en 1649.

s'écarter des clauses et des façons de parler ordinaires de la chancellerie, sentent néanmoins la politesse de l'Académie et de la cour.

« Louis, par la grace de Dieu Roi de France et de Navarre, à tous présens et à venir, salut. Aussitôt que Dieu nous eut appelez à la conduite de cet Etat, nous eûmes pour but, non-seulement de remédier aux désordres que les guerres civiles dont il a été si longtemps affligé y avoient introduits, mais aussi de l'enrichir de tous les ornemens convenables à la plus illustre et la plus ancienne de toutes les monarchies qui soient aujourd'hui dans le monde; et quoique nous ayons travaillé sans cesse à l'exécution de ce dessein, il nous a été impossible jusqu'ici d'en voir l'entier accomplissement. Les mouvemens excitez si souvent dans la pluspart de nos provinces, et l'assistance que nous avons été obligez de donner à plusieurs de nos alliez, nous ont diverti de toute autre pensée que celle de la guerre, et nous ont empêchez de jouir du repos que nous procurions aux autres. Mais comme toutes nos intentions ont été justes, elles ont eu aussi des succès heureux. Ceux de nos voisins qui étoient oppressez par leurs ennemis vivent maintenant en assurance sous notre protection; la tranquillité publique fait oublier à nos sujets toutes les misères passées, et la confusion a cédé enfin au bon ordre que nous avons fait revivre parmi eux, en rétablissant le commerce, en faisant observer exactement la discipline militaire dans nos armées, en réglant nos finances et en réformant le luxe. Chacun sait la part que notre très cher et très amé cousin le cardinal duc de Richelieu a eue en toutes ces choses, et nous croirions faire tort à la suffisance et à la fidélité qu'il nous a

fait paroître en toutes nos affaires, depuis que nous l'avons choisi pour notre principal ministre, si, en ce qui nous reste à faire pour la gloire et pour l'embellissement de la France, nous ne suivions ses avis et ne commettions à ses soins la disposition et la direction des choses qui s'y trouveront nécessaires. C'est pourquoi, lui ayant fait connoître notre intention, il nous a représenté qu'une des plus glorieuses marques de la félicité d'un Etat étoit que les sciences et les arts y fleurissent, et que les lettres y fussent en honneur aussi bien que les armes, puisqu'elles sont un des principaux instrumens de la vertu; qu'après avoir fait tant d'exploits mémorables nous n'avions plus qu'à ajouter les choses agréables aux nécessaires et l'ornement à l'utilité, et qu'il jugeoit que nous ne pouvions mieux commencer que par le plus noble de tous les arts, qui est l'éloquence; que la langue françoise, qui jusqu'à présent n'a que trop ressenti la négligence de ceux qui l'eussent pu rendre la plus parfaite des modernes, est plus capable que jamais de le devenir, vu le nombre des personnes qui ont une connoissance particulière des avantages qu'elle possède et de ceux qui s'y peuvent encore ajouter; que, pour en établir des règles certaines, il avoit ordonné une assemblée dont les propositions l'avoient satisfait, si bien que, pour les exécuter et pour rendre le langage françois non-seulement élégant, mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences, il ne seroit besoin que de continuer ces conférences; ce qui se pourroit faire avec beaucoup de fruit s'il nous plaisoit de les autoriser, de permettre qu'il fût fait des règlemens et des statuts pour la police qui doit y être gardée, et de gratifier ceux dont elles seront composées de quelques témoignages honorables de notre

bienveillance. A ces causes, ayant égard à l'utilité que nos sujets peuvent recevoir desdites conférences et inclinant à la prière de notredit cousin, nous avons, de notre grace spéciale, pleine puissance et autorité royale, permis, approuvé et autorisé, permettons, approuvons et autorisons par ces présentes, signées de notre main, lesdites assemblées et conférences; voulons qu'elles se continuent désormais, en notre bonne ville de Paris, sous le nom de l'Académie Françoise; que notredit cousin s'en puisse dire et nommer le chef et protecteur; que le nombre en soit limité à quarante personnes; qu'il en autorise les officiers, les statuts et les règlemens, sans qu'il soit besoin d'autres lettres de nous que les présentes, par lesquelles nous confirmons dès maintenant, comme pour lors, tout ce qu'il fera pour ce regard. Voulons aussi que ladite Académie ait un sceau avec telle marque et inscription qu'il plaira à notredit cousin, pour sceller tous les actes qui émaneront d'elle. Et d'autant que le travail de ceux dont elle sera composée doit être grandement utile au public, et qu'il faudra qu'ils y employent une partie de leur loisir, notredit cousin nous ayant représenté que plusieurs d'entre eux ne se pourroient trouver que fort peu souvent aux assemblées de ladite Académie si nous ne les exemptions de quelques-unes des charges onéreuses dont ils pourroient être chargez, comme nos autres sujets, et si nous ne leur donnions moyen d'éviter la peine d'aller solliciter sur les lieux les procès qu'ils pourroient avoir dans les provinces éloignées de notre bonne ville de Paris, où lesdites assemblées se doivent faire, nous avons, à la prière de notredit cousin, exempté et exemptons, par ces mêmes présentes, de toutes tutelles et curatelles, et de tous guets et gardes, lesdits de l'Aca

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