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Roman comique se lit encore avec profit, car c'est parfois un modèle de narration.

1660. La Ville de Paris, en vers burlesques, contenant les Galanteries du Palais, la Chicane des Plaideurs, les Filouteries du Pont-Neuf, l'Eloquence des Harangères de la Halle, l'Adresse des Servantes qui ferrent la mulle, l'Inventaire de la Friperie, le haut Style des Secretaires de saint Innocent, et plusieurs choses de cette nature, par le sieur Berthaud; augmentée de la Foire Saint-Germain par le sieur Scarron, Paris, Ant. Rafflé, sans date, in-12.

cart.

Le titre de ce petit livre indique suffisamment les sujets qu'il traite et qui peuvent avoir un intérêt de mœurs. Le style d'ailleurs en est plat et commun. Quel est ce sieur Berthaud? Ne serait-ce pas le neveu du poëte évêque de Séez, frère de madame de Motteville, l'auteur des mémoires, et dont parle Tallemant des Réaux comme faisant de mauvais vers, ennuyeux et plein de vanité, que l'on distinguait à la cour par le nom de Bertaud l'incommode, d'un autre Berthaud, musicien soprano, que madame de Longueville avait surnommé Berthaud l'incommodé. Ceci n'est qu'une supposition à laquelle d'ailleurs je tiens fort peu.

Ce fut en l'année 1661 que commença réellement le règne de Louis XIV, quoique ce roi fût monté sur le trône depuis dix-huit années. Le cardinal Mazarin venait de mourir; Louis XIV était âgé de 23 ans, il était marié, il voulut enfin régner. La confusion était partout, dans l'administration de l'état comme dans les lettres, parce que le désordre était dans les esprits. Pour ne parler que de la littérature, nous voyons paraître simultanément les poëmes ascétiques de la Cynosure, etc., le David grave et raisonnable de Lesfargues, les vers galants et précieux des élèves de Voiture, les chants brutaux et extravagants de Saint-Amand, et les plaisanteries burlesques de Scarron. Indépendamment de la diversité des sujets, il y avait encore anarchie dans le langage, que les assemblées de précieuses cherchaient

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maladroitement à épurer, que les demoiselle de Gournay voulaient maintenir au ton de Ronsard et que les Saint-Amand enrichissaient des locutions du cabaret. Enfin, des partis en présence, les uns cherchaient à élever, à ennoblir les choses vulgaires; les autres prenaient à tâche de traduire en ridicule, de rabaisser les choses les plus nobles et les plus graves. Mais Balzac, Pascal, Corneille, avaient écrit, bien qu'avec des styles très divers, une langue commune que l'on comprit et que l'on n'osa plus enfeindre. Louis XIV, qui n'aimait pas les magols en peinture et qui bravait la morale plutôt que les bienséances, imposa à la cour son goût sévère en tout. Alors on respectait encore trois choses Dieu, le roi et les femmes. Dans un pays, dans une cour, dans une société où tout se régularisait conformément à ce principe, où chaque chose prenait sa place, les poètes sentirent que pour être goûtés, que pour plaire enfin, seul but de l'écrivain, qu'il s'adresse aux rois ou à la plèbe, mais toujours à la puissance régnante, il fallait aussi régulariser son esprit et classer son talent. Dès lors Corneille composa ses tragédies sans mélange de comique, Molière ses comédies sans mélange de tragique. Je cite ces auteurs . de préférence, parce que les ouvrages dramatiques sont plus généralement.connus, et parce que les genres y sont plus distincts, plus tranchés; mais il en fut de même pour chaque espèce de poésies. Que les genres en se classant, en se démêlant, que le style en se maintenant dans la sphère qui lui est imposée, que cette circonscription de la pensée et du langage ait été fatale à l'un et à l'autre en les appauvrissant tous deux, ainsi qu'on l'a prétendu de nos jours, c'est une question que je ne suis pas appelé à traiter, c'est seulement un fait que je constate. Ainsi, bien que les auteurs du siècle de Louis XIII aient entrepris, aient commencé cette grande rénovation littéraire du dix-septième siècle, c'est au caractère propre de Louis XIV, à la force calme de sa volonté, à la grandeur de sa pensée, à la noblesse de ses manières surtout, que l'on doit l'élévation et la perfection à laquelle atteignirent les lettres durant son règne.

A compter de cette époque nous ne trouverons donc plus que bien rarement de ces tentatives hardies et folles dont nous avons eu jusqu'ici tant d'exemples. Le génie, en obéissant aux règles, leur donna une nouvelle et plus forte autorité; la médiocrité, forcée de s'y soumettre, devint froide et plate de ridicule qu'elle eût été, et l'ennui en fit justice..

Mes extraits en deviendront beaucoup plus rares. Les poëtes célè

bres de cette époque sont dans les mains de tout le monde, et je ne veux tirer les autres de l'oubli où ils sont tombés que quand ils me paraîtront mériter cette faveur, que quand leurs ouvrages auront quelque intérêt historique ou littéraire.

1618-1661. La Pharsale de Lucain, ou les guerres civiles de Cesar et de Pompée, en vers françois, par M. de Brebeuf. Leide, Jean Elsevier, 1658, in-12. maroq. roug. fil. tr. d. reliure de Derome. (Bel exemplaire.) Poesies diverses de M. de Brebeuf. Paris, Ant. de Sommaville, in-12. 1662. v. b. fil.

Eloges poetiques du sieur de Brebeuf. Paris, Ant. de Sommaville, in-12. 1661, v. b. fil.

Entretiens solitaires ou prieres et méditations pieuses en vers françois, par M. de Brebeuf. Paris, J.-B. Loyson, in-12. maroq. bleu, tr. d.

Guillaume de Brebeuf, né à Rouen, d'autres disent à Thorigny en Basse-Normandie, en 1618; mort à Venoix, près de Caen, en 1661. C'était un philosophe religieux, qu'un prodigieux travail consola dans une vie courte, remplie de privations et de douleurs physiques. Sa famille prétendait qu'un de ses ancêtres, ayant passé en Angleterre à la suite de Guillaume, y avait laissé pour postérité le comte d'Arundel. Si les titres de noblesse de Brebeuf ne parurent pas mériter d'être contestés, ses titres littéraires l'ont été avec une injuste rigueur. Certes Brebeuf se laissa quelquefois entraîner par une verve naturelle, et peut-être aussi par l'exagération et l'enflure espagnole, à la mode de son temps et dont Corneille lui-même ne sut pas toujours se défendre; mais ce défaut ne lui servit-il pas dans sa traduction de Lucain? Dans les autres poésies de Brebeuf on peut souvent remarquer que sa chaleureuse élévation n'est pas toujours dépourvue de sagesse. Il y joint une merveilleuse facilité à se plier à tous les tons jusqu'au burlesque et à l'épigramme. Ses poésies diverses contiennent entre autres pièces légères cent cinquante-et-une épigrammes sur une femme fardée, qui prouvent au moins la fécondité de l'au

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L'étude des poésies de Brebeuf, qui ne sont pas très rares, me pa

ralt utile à qui veut prendre connaissance des progrès que fit la poésie dans le dix-septième siècle, et des efforts long- temps infructueux tentés par des poëtes, même ayant un talent réel comme Brebeuf, avant que de parvenir à un degré de perfection qui était encore loin d'eux.

1600-1661. Jesus crucifié, poeme de N. Frenicle. Paris, Jean Camusat, 1636, in-12. v. gran. fil.

Nicolas Frenicle, né à Paris en 1600, mort en 1661, était conseiller en la cour des monnaies et fit son amusement de la poésie; il publia un assez grand nombre de vers amoureux, où l'on remarque une gracieuse facilité au milieu d'une grande négligence. Bientôt, revenu à des sentiments pieux, Frenicle composa le poëme que j'ai entre les mains : c'est l'histoire paraphrasée, en cinq livres,.de la Passion de Notre Seigneur. Il y a du charme, de l'élégance et de l'onction, mais aussi une monotonie bien fatigante dans son éternelle médiocrité.

1661. Helie, poeme héroïque. Paris, Ch. de Sercy, 1661, in-12. v. granit.

Voici encore un de ces poëmes héroïques, épiques, idylliques, dont la série est si nombreuse dans ce siècle. Celui-ci est certainement l'un des plus faibles. L'auteur, bien qu'il ait gardé l'anonyme, est connu; mais comme il ne mérite pas de l'être, je respecte sa modestie et son secret, avec d'autant plus de raison que lui-même retira de la circulation tous les exemplaires de son poëme qu'il put trouver› et les détruisit; ce qui l'a rendu assez rare, sans le rendre meilleur.

1661. Ouvrages poetiques de M. Levasseur, sécretaire de monseigneur le mareschal de Gramont. Paris, Charles de Sercy, 1655, in-12. rel. en vél. (Piqué dans la marge seulement.)

Les Événemens illustres ou l'entretien du Parnasse, par M. Levasseur. Paris, Ch. de Sercy, 1661, in-4. v. b.

L'abbé Goujet n'a connu que le premier de ces deux ouvrages, composé pour la maison de Gramont, et, comme le dit l'auteur lui

même dans son avertissement, « bien plus pour paroistre bon serviteur de la maison de Gramont que bon poëte». Toutefois il paraît que ce sentiment d'affection pour son protecteur ne suffit bientôt plus à sa vanité, puisqu'il livra six ans plus tard son second ouvrage au public.

Levasseur était un écrivain correct et un versificateur assez habile. Une pièce de vers comprise dans son premier volume, et intitulée la Maison souveraine de Bidache, est une description de cette terre, fort bien faite et assez détaillée pour qu'on pût en construire une sur ce modèle; il décrit entre autres choses des tableaux ou plutôt des peintures sur fond or qui ornaient les appartements, de manière à en donner une idée assez exacte.

Une idée ingénieuse lui a inspiré l'Entretien du Parnasse. Apollon demande aux muses rassemblées de lui réciter chacune un événement illustre. Levasseur a su donner de cette manière une sorte d'unité à neuf récits épiques qui n'ont aucun rapport entre eux. Ce sont Jephté, Attila, Talestris, Candaule, Abderane, Acrotatus, Epicharis, la mort du duc de Fritland, et Agatocle.

Ces récits ne sont point sans intérêt; mais le style descriptif trop abondant de Levasseur fatigue par la monotonie de son emphase.

1662. L'Ovide bouffon, ou les Métamorphoses travesties en vers burlesques. Paris, Estienne Loyson, 1652, in-12. v. b. d. de maroq.

L'Art d'aimer d'Ovide, avec les remèdes d'amour, nouvellement traduits en vers burlesques. Paris, Estienne Loyson, 1662, in-12. v. marb.

La dédicace du premier de ces poëmes, adressée à monseigneur le comte de Saint-Aignan, est signée L. Richer. Après cette dédicace est une pièce de vers que je vais citer.

Richer, vous tesmoignez,

Par les vers qu'au public si souvent vous donnez,

Par la traduction d'Ovide,

Et par le choix de Saint-Aignan,

Dont chascun fait si grand cancan,
Que votre nez, sans estre un proboscide,
Est aussi bon que celui de Nazon,

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