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la poésie, il fut nommé à l'évêché de Grasse en Provence, puis à l'évêché de Vence. Godeau résigna son premier évêché, ne pouvant les garder tous les deux. Il était riche de patrimoine; charitable par caractère, sa conduite comme prélat fut généreuse, noble et digne. Il oublia ses vers galants et ne fit imprimer que ses poésies chrétiennes, et 24 épîtres adressées à ses amis dans les intervalles que lui laissaient les occupations de son sacré ministère. De tous ses ouvrages ce sont les seuls qui offrent aujourd'hui quelque intérêt; on ne connaît ni ses églogues sacrées, ses cantiques, ses odes, sa paraphrase des psaumes de David, son poëme de Saint-Eustache, ses hymnes ni ses sonnets. Le jugement qu'en a porté Boileau dans une lettre à Maucroix est d'une grande équité. « Godeau, dit-il, est un poëte fort estimable; il me semble pourtant qu'on peut dire de lui ce que Longin dit d'Hyperide, qu'il est toujours à jeun et qu'il n'a rien qui remue ni qui échauffe.... Je ne sais point s'il passera à la postérité; mais il faudra pour cela qu'il ressuscite, puisqu'on peut dire qu'il est déjà mort, n'étant presque plus maintenant lu de personne. » Or Boileau écrivait ceci en 1695! Que dirait-on aujourd'hui ? Godeau n'en est pas moins l'un des écrivains les plus purs et les plus corrects de son époque. Il mourut en 1672, membre de l'Académie française depuis sa fondation.

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1618 1673. Poesies de madame la comtesse de La Suze. Paris, Charles de Sercy, 1666, in-12. maroq. v. fil. tr. d.

Henriette de Coligny, fille de Gaspard de Coligny, maréchal de France, fut mariée très jeune à Thomas Hamilton, comte de Hadington. Devenue veuve, ses parents la marièrent en secondes noces à un comte de La Suze, de la maison des comtes de Champagne, borgne, ivrogne et jaloux. C'était un homme, dit Tallemant des Réaux, où jamais il n'y a eu rime ni raison. Henriette était belle, spirituelle et galante; l'union ne pouvait durer. La comtesse, protestante comme son mari, changea de religion, afin, disait Ninon, son amie, de ne voir son mari dans ce monde ni dans l'autre. Elle s'en sépara en lui donnant vingt-cinq mille écus. Ayant recouvré sa liberté, elle en usa et en abusa, dit-on; mais, elle se livra surtout à une occupation qu'elle aimait par dessus tout. Elle composait des vers charmants; et pour écrire, nous dit encore Ninon, la comtesse de La Suze se mettait toujours en grande toilette, fût-ce dès le matin.

Les cinq élégies de la comtesse de La Suze sont des chefs-d'œuvre de grâce et de passion. L'amour y est exprimé avec une mollesse et une volupté pleines d'abandon, de simplicité et de charme. Le style en est naturel, pur, correct et élégant. Il n'est ni brûlant ni échevelė; mais c'est bien ainsi, ce me semble, que devait sentir et s'exprimer une grande dame de la société la plus galante et la plus polie de l'Europe.

Quoique ce volume contienne les autres petites poésies peu nombreuses de la comtesse de La Suze, l'éditeur, ne pouvant en faire qu'un volume fort médiocre, dit-il, il aurait dû ajouter : en dimension, y joignit les Maximes et l'Almanach d'amour, de Bussy-Rabutin. Ces pièces fort spirituelles, mais du plus mauvais goût, permettent d'établir une comparaison, qui n'est pas à leur avantage, entre l'esprit et le sentiment réel.

La comtesse de La Suze, née en 1618, mourut en 1673.

Ce joli volume est rare et justement recherché.

1673. Emblêmes royales à Louis le Grand, par le sieur Martinet, aide des cérémonies de France. Paris, Claude Barbin, 1673, in-12. fig. v. m.

Le sieur Martinet d'Escury, après avoir été gentilhomme de la reine-mère, passa au service de Louis XIV. Il a composé un poëme, intitulé la Philotée, sur l'introduction à la vie dévote de saint François de Sales, et le livre d'emblèmes dont je rends compte. Les gravures en sont assez jolies; je n'en saurais dire autre chose.

1674. Les Divertissements d'amours et autres poésies burlesques et sérieuses, par le sieur Dufour, C. médecin. Paris, Olivier de Varenne, 1667, in-12. v. fauv. tr. d. Le Poete goguenard, contenant petites odelettes, madrigalets, chansonnettes, fleurettes, sornettes et autres galanteries en prose et en vers. Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1673, in-12. v. gran.

Les Charmes de l'amour et de la belle galanterie, en prose et en vers. Paris, Jean-Baptiste Loyson, 1674, in-12. v. f. fil.

Le sieur Dufour, médecin, n'est mentionné comme poëte dans aucune biographie. Il s'excuse, par un avis au lecteur, de publier ses Divertissements, sur l'accueil que l'on a fait à ses Remèdes contre l'amour. Je croirais volontiers qu'il est l'auteur du poëme de ce titre dont j'ai parlé à la suite de l'Art d'aimer en vers burlesques. (V. 1662.) Ses divertissements se composent d'épitres burlesques, facétieuses, capricieuses, joyeuses, grotesques, et divertissantes; plus, de sonnets, de stances, et d'un grand nombre d'épigrammes. Toutes ces pièces rivalisent de grossièreté et de cynisme. Le Poëte goguenard et les Charmes de l'amour sont identiquement le même ouvrage sous un titre différent. Ils ne le cèdent en rien aux Divertissements comme bassesse et obscénité. C'est un recueil de traductions prétendues d'Anacréon, de Sapho, de Théocrite, etc. Mais, grands dieux ! que sont devenues la grâce attique et l'élégante noblesse des originaux ? 15881674. OEuvres chrestiennes de Monsieur Arnaud d'Andilly, neufiesme édition. Paris, Pierre Le Petit, 1659, in-12. v. fauv. fil.

Robert Arnaud, seigneur d'Andilly et de Pompone, après s'être honorablement acquitté d'emplois difficiles et de négociations étrangères, se retira à l'abbaye de Port-Royal, où il avait sa propre mère, six sœurs et cinq filles religieuses. Dans cette retraite il se livra à des traductions de l'Histoire des Juifs par Joseph, des confessions de saint Augustin, des OEuvres de sainte Thérèse, etc., et à composer des poésies religieuses, dont celles-ci. Ce sont des maximes en 258 stances sur diverses vérités chrétiennes. On y a ajouté une prière à Jésus-Christ et une ode sur la solitude. Le nombre d'éditions qu'a cu cet ouvrage prouve au moins son succès. Mais il était mérité. 1674. Paraphrase sur le livre de l'Ecclésiaste en vers françois, par Dom Gatien de Morillon, religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur. Paris, Louis Billaine, 1670, pet. in-8. v. rac.

Paraphrase sur le livre de Tobie, en vers françois, par Dom Gatien de Morillon, religieux bénédictin, Orléans, François Hotot, 1674, in-12. v. g.

Les biographies que j'ai pu consulter gardent le silence sur ce

poëte. Je ne saurais dire pourquoi. Ses paraphrases sont très simplement mais exactement écrites. La grandeur du sujet de l'Ecclésiaste, sa haute tristesse, s'accommodent assez de la simplicité de la diction, et j'ai lu non sans plaisir cette paraphrase. Celle de Tobic me semble inférieure et de beaucoup.

1673. Diverses petites Poésies du chevalier d'Aceilly. Paris, André Cramoisy, 1667, in-12. v. fauv. fil. (Joli exemplaire d'un livre fort rare. Cet exemplaire contient les six feuillets préliminaires.)

D'Aceilly est l'anagrame de Decailly, véritable nom de l'auteur de ce petit livre. Il était d'Orléans, chevalier de l'ordre de SaintMichel et gentilhomme ordinaire du roi. Voilà encore un de ces poëtes par occasion, qui, tout en produisant leurs vers en public, craignaient de passer pour auteurs de profession et voulaient paraître travailler seulement pour la gloire. « Quelque disgrace qui puisse arriver à mon livre, dit-il dans sa préface, elle ne passera pas jusqu'à moi : ce sont des choses qui m'ont si peu cousté, que la perte ne m'en doit pas être considérable; c'est un petit bien que j'ai trouvé dans mon esprit, par hasard, sans y fouiller, et mesme sans songer qu'il y fust. Les pensées m'en sont venues non seulement sans contrainte, mais encore bien souvent à la foule, et il m'a semblé presque toujours que les vers se faisoient d'eux-mesmes, etc. » Voyez ce que c'est que d'être bien né! Nonobstant cette fatuité de gentilhomme, les vers de Decailly sont très habilement et très spirituellement faits; mais il poussait si loin l'horreur du métier, qu'il ne permettait pas à son libraire de vendre ses diverses petites poésies, et qu'au bas de leur titre, après l'indication d'André Cramoisy, Decailly fit imprimer en toutes lettres « et se donnent au Palais. » A ce propos, et au sujet de la dédicace de Decailly au ministre Colbert:

Que je vous donne vers ou prose,
Grand ministre, je le sçais bien,

Je ne vous donne pas grand'chose;
Mais je ne vous demande rien.

Ménage appliquait à Decailly l'exemple de cet auteur dont parle Plinc, qui donnait aussi ses ouvrages quia nullo pretio permutari posse credebat; mais Ménage se rappelait l'épigramme de Decailly sur son Dictionnaire étymologique :

Alfana vient d'Equus sans doute;
Mais il faut convenir aussi

Qu'en venant de là jusqu'ici,
Il a bien changé sur la route.

Et Ménage à son tour était bien aise de prêter un ridicule à Decailly. Ce charmant petit volume, et par sa forme, et plus encore par ce qu'il contient, était devenu si rare dès 1714, que de La Monnaye le reproduisit en entier dans son recueil de pièces choisies (voyez cette date) et qu'il fut encore réimprimé dans la collection des petits classiques de MM. Charles Nodier et Delangle, 1825; mais cette dernière édition ne comprend qu'un choix de petites poésies.

15951674. La Pucelle, ou la France délivrée, poëme héroïque par M. Chapelain. Leyden, Jean Sambix, 1656, in-12. v. fauv. fil. tr. d. (Edition à la sphère, reliure de Thouvenin.)

La Pucelle, ou la France délivrée, poëme héroïque par M. Chapelain, troisième édition, revue et retouchée. Paris, Augustin Courbé, 1657, in-8. fig. v. brun.

Jean Chapelain, né à Paris en 1595, mort dans la même ville en 1674, était fils d'un notaire de la paroisse Saint-Merry, et de la fille de Corbière, ami de Ronsard. Encouragé par sa mère, il ne voulut pas suivre l'état de son père; mais, forcé d'en choisir un, Chapelain étudia la médecine, qu'il abandonna pour servir de gouverneur au fils du marquis de Vardes, puis aux enfants du marquis de La Trousse. Pendant les voyages auxquels ces fonctions l'obligeaient, il apprit les langues espagnole et italienne. Des observations qu'il fit au cavalier Marino sur la composition de son poëme de l'Adone, pendant un séjour que le Marino fit en France, révélèrent chez Chapelain des connaissances qu'on ne lui soupçonnait pas, et commencèrent sa réputation en le faisant admettre chez le cardinal de Richelieu. Dès l'année 1629 il fit partie des assemblées que réunissait Conrard, et qui plus tard devinrent l'Académie française. Ce fut Chapelain qui y proposa la rédaction du dictionnaire.

Pour se livrer avec plus de liberté à des occupations littéraires qu'il aimait, Chapelain avait successivement refusé divers emplois diplomatiques à Rome et à Munster, qui lui étaient proposés, ainsi que la place de précepteur du dauphin, dont M. de Montausier était le gouverneur.

La première pièce de vers que Chapelain publia fut une ode au cardinal de Richelieu; puis successivement trois autres odes adressées au duc d'Enghein, au comte de Dunois, à Mazarin. La pre

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