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N ne trouvera ici de vraiment historique que l'amour d'Edouard III pour la Comtesse de Salisbury, l'héroïque résistance de cette femme illustre, et le renouvellement des prétentions d'Edouard I sur l'Ecosse. Tout le reste, ajusté à ces faits principaux, est de pure invention. Je ne me sers point des droits de la Tragédie Anglaise pour répondre à quelques difficultés qu'on ma faites sur le coup de Théâtre du quatrième Acte, spectacle offert en France pour la première fois, je dirai seulement, autorisé par le Législateur même ou le Créateur du Théâtre Français, que la maxime de ne point ensanglanter la Scène (*), ne doit s'entendre que› des actions hors de la justice ou de l'humanité : Médée, égorgeant publiquement ses enfans, révolteroit la nature, et ne produiroit que de l'horreur ; mais la mort d'un scélérat, en offrant avec terreur le châtiment du crime, satisfait le spectateur. Pour démontrer, d'ailleurs, que cet événement est dans la nature, je n'ai besoin d'autre réponse que l'applaudissement général dont le Public l'a honoré dans, toutes les représentations. Je n'entreprendrai pas de répondre à toutes les autres objections qu'on a faites, ni de prévenir celles qu'on peut faire encore sur cet essai; on doit s'honorer

(Discours de P. Corneille.

des critiques, mépriser les satyres, profiter de ses

faut es, et faire mieux.

Civis erat qui libera posset

Verba animi proferre, et vitam impendere vero..

JUVEN.

J'AVOIS à peindre un Sage, heureux, digne de l'être.

L'oracle de la probité,

Le Père des Sujets, le conseil de son Maître,
L'honneur de la Patrie et de l'Humanité.
Dans cette image fidelle,

France, tu reconnoîtras

Que je n'en dois point le modèlo
Aux vertus des autres climats.

ÉDOUARD III, Roi d'Angleterre.

ALZONDE, Héritière du Royaume d'Ecosse, sous le nom d'Aglaé.

Le Duc de VORCESTRE, Ministre d'Angle

terre.

EUGÉNIE, fille de Vorcestre, veuve du Comte de Salisbury.

Le Comte d'ARONDEL.

VOLFAX, Capitaine des Gardes.
GLASTON, Officier de la Garde.
ISMENE, Confidente d'Eugénie.
AMÉLIE, Suivante d'Alzonde.
GARDES.

La Scène est à Londres..

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER.

SCENE PREMIÈRE.

ALZONDE, AMÉLIE.

ALZONDE.

PAR de foibles conseils ne crois plus m'arrêter;
Au comble du malheur, que peut-on redouter?
Oui, je vais terminer ou mes jours ou mes peines.
Qui n'ose s'affranchir est digne de ses chaînes.
Depuis que rappelée où régnoient mes Aïeux,
J'ai quitté la Norvége, et qu'un sort odieux

A la Cour d'Edouard et me cache et m'enchaîne,
Que de jours écoulés, jours perdus pour ma haîne!
L'Ecosse cependant élève en vain sa voix

Vers ces bords où gémit la fille de ses Rois.
Pour chasser ses tyrans, pour servir ma vengeance,
Pour renaître, Edimbourg n'attend que ma
présence:

D'un vil déguisement c'est trop long-tems souffrir,
Il faut fuir, Amélie, et régner ou mourir.

AMÉLIE.

Ah! Madame, arrêtez; que prétendez-vous faire?
Le conseil du courroux est toujours téméraire ;
Dissimulez encore, assurez vos projets,

Et ne quittez ces lieux qu'à l'instant du succès.
Votre déguisement est sans ignominie
Depuis le jour fatal où la flotte ennemie,
Détruisant votre espoir, traîna dans ces climats
Le vaisseau qui devoit vous rendre à vos Etats;
Prise par vos vainqueurs sans en être connue,
"Sans honte vous pouvez vous montrer à leur vue.
Vous auriez à rougir, si vos fiers ravisseurs,
Voyant Alzonde en vous, voyoient tous vos
malheurs ;

Mais du secret encor vous êtes assurée,
Et la honte n'est rien, quand elle est ignorée.

ALZONDE.

Vous parlez en esclave; un cœur né pour régner
D'un joug même ignoré ne peut trop s'éloigner;
Ne dût-on jamais voir la chaîne qui l'attache,
Pour en être flétri, c'est assez qu'il le sache.
Le secret ne peut point excuser nos erreurs,
Et notre premier Juge est au fond de nos cœurs.
Dans l'affreux désespoir où mon destin me jette,
Crois-tu donc que pour moi la paix soit encor faite?

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