PHILAMINTE à Chrysale. Quoi donc! vous combattrez les choses que je veux! CHRYSALE. Je ne saurois souffrir qu'on ne cherche ma fille, PHILAMINTE. Vraiment, à votre bien on songe bien ici! CHRYSALE. Enfin, pour son époux, j'ai fait choix de Clitandre. PHILAMINTE montrant Trissotin. Et moi, pour son époux, voici qui je veux prendre: Mon choix sera suivi; c'est un point résolu. CHRYSALE. Ouais! vous le prenez-là d'un ton bien absolu. MARTINE. Ce n'est point à la femme à prescrire; et je sommes Pour céder le dessus en toute chose aux hommes. CHRYSALE. C'est bien dit. MARTINE. Mon congé cent fois me fût-il hoc, La poule ne doit point chanter devant le coq. MARTINE. Et nous voyons que d'un homme on se gausse, Quand sa femme, chez lui, porte le haut-de-chausse. Il est vrai. CHRYSALE. MARTINE. Si j'avois un mari, je le dis, Je voudrois qu'il se fît le maître du logis. C'est parler comme il faut. Par quelle raison, jeune et bien fait qu'il est, Lui refuser Clitandre? Et pourquoi, s'il vous plaît, Lui bailler un savant, qui sans cesse épilogue? Il lui faut un mari, non pas un pédagogue; Et, ne voulant savoir le Grais ni le Latin, Elle n'a pas besoin de monsieur Trissotin. Fort bien. CHRYSALE. PHILAMINTE. Il faut souffrir qu'elle jase à son aise. MARTINE. Les savans ne sont bons que pour prêcher en chaise; Et je veux, si jamais on engage ma foi, Est-ce fait ? et sans trouble ai-je assez écouté CHRYSALE. Elle a dit vérité. PHILAMINTE. Et moi, pour trancher court toute cette dispute, Henriette et monsieur seront joints de ce pas: CHRYSALE. Voilà dans cette affaire un accommodement. (à Henriette et.d Clitandre.) Voyez; y donnez-vous votre consentement ? Hé! mon père HENRIETTE. CLITANDRE à Chrysale. Belise. On pourroit bien lui faire Des propositions qui pourroient mieux lui plaire; Mais nous établissons une espèce d'amour, Qui doit être épuré comme l'astre du jour; La substance qui pense y peut être reçue, Mais nous en bannissons la substance étendue. SCENE IV. ARISTE, CHRYSALE, PHILAMINTE, BELISE, HENRIETTE, ARMANDE, TRISSOTIN, UN NOTAIRE, CLITANDRE, MARTINE. ARISTE. J'ai regret de troubler un mystère joyeux, L'une, pour vous, me vient de votre procureur; L'autre, pour vous, me vient de Lyon. Digne de nous troubler pourroit-on nous écrire ? ARISTE. Cette lettre en contient un que vous pouvez lire. PHILAMINTE. Madame, j'ai prié monsieur votre frère de vous 66 "rendre cette lettre, qui vous dira ce que je n'ai osé 66 vous aller dire. La grande négligence que vous avez pour vos affaires, a été cause que le clerc de votre rapporteur ne m'a point averti, et vous avez perdu ab"solument votre procès que vous deviez gagner." 66 CHRYSALE & Philaminte. Votre procès perdu ! PHILAMINTE d Chrysale. Vous vous troublez beaucoup; Mon cœur n'est point du tout ébranlé de ce coup. "Le peu de soins que vous avez vous coûte quarante "mille écus; et c'est à payer cette somme, avec les dépens, que vous êtes condamnée par arrêt de la " cour." Condamnée? ah! ce mot est choquant, et n'est fait ARISTE. Il a tort, en effet; Voyons l'autre. PHILAMINTE. CHRYSALE. "Monsieur, l'amitié qui me lie à monsieur votre "frère, me fait prendre intérêt à tout ce qui vous "touche. Je sais que vous avez mis votre bien entre les "mains d'Argante et de Damon, et je vous donne avis qu'en même jour ils ont fait tous deux banqueroute." |