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Réponse du comte de Bussi.

Pour la comédie des Femmes Savantes, je l'ai
La pre-

“trouvée un des plus beaux ouvrages de Molière.
"mière scène des deux sœurs est plaisante et naturelle: celle
"de Trissotin et de Vadius, le caractère de ce mari qui n'a
la force de résister en face aux volontés de sa femme, et
qui fait le méchant quand il ne la voit pas; le
personnage
"d'Ariste, homme de bon sens, et plein d'une droite raison,
"tout cela est incomparable. Cependant, comme vous re-
་་ marquez fort bien, il y avoit d'autres ridicules à donner à ces
Savantes, plus naturels que ceux que Molière leur a donnés.
"Le personnage de Bélise est une foible copie d'une des fem-
"mes de la comédie des Visionnaires; il y en a d'assez folles
66 pour croire que tout le monde est amoureux d'elles; mais
"il n'y en a point qui entreprennent de le persuader à quel-
qu'un malgré lui.

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"Le caractère de Philaminte avec Martine, n'est pas na“turel; il n'est pas vraisemblable qu'une femme fasse tant de "bruit, et enfin chasse sa servante, parce qu'elle ne parle pas "bien François; il l'est encore moins que cette servante,

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après avoir dit mille méchans mots, comme elle doit en "dire, en dise de fort bons et d'extraordinaires, comme quand "Martine dit,

σε

"L'esprit n'est point du tout ce qu'il faut en ménage,
"Les livres quadrent mal avec le mariage.

"Il n'y a point de jugement à faire dire le mot de quadrer pår une servante qui parle fort mal, quoiqu'elle puisse avoir "du bon sens; mais enfin, pour parler juste de cette comé"die, les beautés y sont grandes et sans nombre, et les dé"fauts rares et petits."

Que penser, en voyant M. le comte de Bussi se réunir au P. Rapin, sur l'opinion qu'il y avoit d'autres ridicules à donner aux Femmes Savantes, que ceux que Molière leur avoit donnés? Quels pouvoient être ces autres ridicules? N'étoientils pas du genre de ceux qu'une sage modération interdit au théâtre? Etoient-ils faits pour produire l'effet convenable à la scène? Personne n'a mieux vu que Molière; mais tout ce qu'il voyoit, ne lui paroissoit pas également propre à son art. Rien n'est si commun que de voir proposer pour le théâtre des choses qui n'y seroient pas supportables. Nous devons à Molière la justice de dire que peu de gens, à cet égard, sont faits pour lui donner des leçons.

Un de nos journalistes prétend que les femmes de ce siècle fourniroient au divin Molière, s'il revenoit parmi nous, le sujet d'une nouvelle comédie, peut-être plus piquante encore que celle qu'il nous a laissée sur les femmes de son tems. "L'hôtel de Rambouillet," dit-il, “étoit au moins rempli "de femmes de qualité, qui, malgré leur langage précieux, "avoient beaucoup de mérite et d'esprit; mais nos femmes philosophes d'aujourd'hui sont, la plupart, de petites bour"geoises ennuyeuses, qui négligent leurs ménages pour protéger les lettres."

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LES FEMMES SAVANTES,

COMEDIE.

ACTE I.

SCENE 1.

ARMANDE, HENRIETTE.

ARMANDE.

QUOI! le beau nom de fille est un titre, ma sœur, Dont vous voulez quitter la charmante douceur ? Et de vous marier vous osez faire fête?

Ce vulgaire dessein vous peut monter en tête?

Oui, ma sœur.

HENRIETTE,

ARMANDE.

Ah! ce oui se peut-il supporter?

Et sans un mal de cœur sauroit-on l'écouter?

HENRIETTE.

Qu'a donc le mariage en soi qui vous oblige,

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HENRIETTE.

Comment?

ARMANDE.

Ah! fi! vous dis-je.

Ne concevez-vous point ce que, dès qu'on l'entend,
Un tel mot à l'esprit offre de dégoûtant?

De quelle étrange image on est par lui blessée ?
Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?

N'en frissonnez-vous point? et pouvez-vous, ma sœur,
Aux suites de ce mot résoudre votre cœur?

HENRIETTE.

Les suites de ce mot, quand je les envisage,
Me font voir un mari, des enfans, un ménage;
Et je ne vois rien là, si j'en puis raisonner,
Qui blesse la pensée, et fasse frissonner.

ARMANDE.

De tels attachemens, ô ciel! sont pour vous plaire ?

HENRIETTE.

Et qu'est-ce qu'à mon âge on a de mieux à faire
Que d'attacher à soi, par le titre d'époux,
Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous;
Et, de cette union de tendresse suivie,

Se faire les douceurs d'une innocente vie?
Ce nœud bien assorti n'a-t-il pas des

ARMANDE.

appas ?

Mon Dieu! que votre esprit est d'un étage bas!
Que vous jouez au monde un petit personnage,
De vous claquemurer aux choses du ménage,
Et de n'entrevoir point de plaisirs plus touchans
Qu'une idole d'époux, et des marmots d'enfans!
Laissez aux gens grossiers, aux personnes vulgaires,
Les bas amusemens de ces sortes d'affaires.

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