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A l'égard de l'édition de Hollande, en 1698, chez Henri Wetstein, en quatre volumes, nous observerons que, quoiqu'elle emprunte de l'édition de 1682 les six pièces que Molière avoit gardées dans son porte-feuille, elle se conforme, pour le texte du Malade Imaginaire, aux éditions antérieures, et que c'est la seule qui ait eu ce respect pour elles; mais il s'y trouve, relativement à la même pièce, quelques différences particulières à cette édition, et dont nous ferons connoitre les deux principales.

1o. Le duo impromptu d'Angélique et de Cléante, dans la scène sixième du second acte, y est augmenté et corrigé, non pas d'après les anciennes éditions, qui, sur ce point, sont conformes à la nôtre, mais, sans doute, d'après l'étonnement de l'éditeur, d'avoir trouvé dans Molière des vers incorrects, quelquefois sans rimes et sans mesure.

Plus de goût et de connoissance de l'art auroit averti l'éditeur que les négligences de Molière en cet endroit, étoient précieuses à conserver; qu'elles rendoient la scène rimée et chantée à l'impromptu par les deux amans beaucoup plus naturelle, et que ce n'étoit, comme il le fait dire à Cléante, que de la prose cadencée ou des manières de vers libres, tels que la passion et la nécessité peuvent faire trouver à deux personnes qui disent les choses d'elles-mêmes, et parlent sur-lechamp. Plus d'un écrivain de nos jours, en pensant comme l'éditeur Hollandois, auroient craint de compromettre leurs talens, par un dialogue aussi défectueux; mais Molière ne redoutoit que d'offenser la vérité. Comment, lorsqu'on croit découvrir une faute dans Molière, un sentiment secret ne faitil pas appréhender que la faute ne soit que dans la tête de l'ob

servateur?

2o. Dans la réception bouffonne du médecin, l'éditeur

d'Amsterdam a fort augmenté les interrogations en style macaronique, faites au récipiendaire, et par conséquent les réponses de ce dernier; celles qui seroient décentes à rapporter, sont au moins inutiles, et ne' font que longueur. Nous n'en grossirons point cet avertissement. Nous l'avons dit, et nous ne pouvons trop le répéter, car nous avons quelquefois vu imiter l'éditeur Hollandois: il est possible de retrancher quelque chose à Molière, mais bien ridicule d'y vouloir ajouter.

Avec un peu d'amour pour le génie étonnant du père de la

scène comique, qu'il est douloureux d'avoir à se rappeler que ce fut à l'époque du Malade Imaginaire que là France perdit celui de ses grands hommes que l'Europe lui envie le plus, et dont elle a le moins réparé la perte !

Il suivoit depuis quelques années un régime nécessaire à sa délicatesse; mais, toujours disposé à se raccommoder avec sa femme, dont il n'avoit pu vaincre et dont il excusoit quelquefois lui-même le penchant à la coquetterie, il oublia sa situation, il quitta l'usage du lait, et reprit son ancienne façon dé vivre, qui contribua, sans doute, à l'inflammation toujours prochaine de sa poitrine.

Le jour de la quatrième représentation du Malade Imaginaire, dont il remplissoit le rôle d'Argan, il se sentit plus incommodé qu'à l'ordinaire; et, sans vouloir se rendre aux prières de ses camarades, qui lui demandèrent de se tranquilliser, il exigea seulement d'eux qu'ils fussent prêts à commenéer à quatre heures précises.

Les efforts qu'il fut obligé de faire pour arriver à la fin de la pièce, augmentèrent si considérablement l'oppression, qu'en prononçant le mot juro de la réception, il tomba dans une convulsion qu'il voulut en vain cacher aux spectateurs effrayés. A peine fut-il transporté chez lui, que le danger augmenta

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avec la toux, et qu'enfin il fut suffoqué par un vomissement de sang, le Vendredi, 17 Février, 1673, dans un âge où l'on pouvoit se promettre d'autres prodiges de sa part, puisqu'il n'avoit que cinquante-trois ans.

Les représentations du Malade Imaginaire, interrompues par cette mort fatale, ne furent reprises que le 4 Mai suivant, et elles furent portées jusqu'à trente-huit, sans compter les quatre premières. Molière n'existoit plus que dans ses chefsd'œuvre; et tout Paris courut à son théâtre l'admirer. Lui seul put arrêter les larmes des gens de goût, en les forçant de rire à son dernier ouvrage.

C'est ici le lieu de féliciter la nation de l'ivresse avec la quelle elle a partagé, après cent ans expirés depuis la mort de ce grand homme, le zèle de deux auteurs qui se sont disputé la gloire de consacrer cette époque par deux pièces également précieuses par leur objet. La première, quoiqu'ingénieusement imaginée *, a paru céder le pas à celle de M. Arthaud †, sans doute par l'heureuse invention de ce dernier, de n'avoir célébré Molière que par Molière lui-même.

Sa comédie à scènes épisodiques est en effet une espèce de centon, où il nous rappelle les traits les plus marqués de notre auteur, qu'il a fondus avec esprit et avec art dans le dialogue des personnages même de Molière, ramenés adroitement sur la scène, le même jour où Thalie est descendue sur la terre, pour y élever un monument à son époux.

C'est ainsi qu'à Londres, en 1716, pour célébrer la centenaire de Shakspeare, on fit passer en revue, sur le théâtre, les plus beaux morceaux des pièces du Sophocle Anglois. Quels traits l'imagination, l'éloquence et l'esprit réunis pourroient-ils

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fournir, qui fissent d'un homme de génie un plus vif éloge que les choses même qui lui ont mérité ce titre?

Nous n'oublierons pas avec quelle joie fut reçue du public l'assurance intéressante et noble que vinrent lui faire les comédiens à l'annonce de la pièce de L'Assemblée, qu'ils en consacroient le produit à l'honneur d'élever à leur ancien camarade, à leur père, une statue en marbre. Si monsieur de Saint-Foy redonne quelque jour une nouvelle édition de ses ingénieux essais sur Paris, il ne demandera plus où est la statue de Molière. Elle est décernée dans un moment de transport et d'amour, par un acte public qui le rend digne de ce grand homme.

ACTEURS.

ACTEURS DE LA COMEDIE.

ARGAN, malade imaginaire.

BELINE, seconde femme d'Argan.

ANGELIQUE, fille d'Argan.

LOUISON, petite fille, sœur d'Angélique.

BERALDE, frère d'Argan.

CLEANTE, amant d'Angélique.

MONSIEUR DIAFOIRUS, médecin.

THOMAS DIAFOIRUS, fils de M. Diafoirus.

MONSIEUR PURGON, médecin.

MONSIEUR FLEURANT, apothicaire.

MONSIEUR DE BONNEFOI, notaire.

TOINETTE, servante d'Argan.

ACTEURS DU PROLOGUE,

FLORE.

DEUX ZEPHYRS dansans.

CLIMENE.

DAPHNE.

TIRCIS, amant de Climène, chef d'une troupe de Ber

gers.

DORILAS, amant de Daphné, chef d'une troupe de

Bergers.

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