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permission d'y rentrer: je suis sûr qu'il vous la donnera. bleu, s'écria Chapelle, voilà un jugement qui vous fera honneur dans le monde. Tenez, Molière, vous n'avez jamais donné une marque d'esprit si brillante. Oh bien! ajouta-t-il, je fais grace entière à ce maraud-là en faveur de l'équité avec laquelle vous venez de nous juger. Ma foi, monsieur, dit-il encore, je vous suis obligé, car cette affaire-là m'embarrassait; elle avait sa difficulté. Adieu, mon cher ami, tu juges mieux qu'homme de France.

»

(40) Bret, dans son Supplément à la vie de Molière (tome I, pag. 78 de l'édition de 1773), dit qu'en 1667 Lulli eut à soutenir une affaire horrible et criminelle contre l'intendant-général des bâtimens de S. A. Monseigneur. Nous ignorons de quelle affaire Bret voulait parler; mais nous étions porté à croire que, quelle qu'elle fût, elle n'était ni horrible ni criminelle, puisque le 9 septembre de l'année suivante, le Roi et la Reine lui avaient fait l'honneur de tenir son fils sur les fonts de baptême (Dissertation sur Molière, par M. Beffara, page 15), et que Louis XIV déplora sa perte en disant qu'il avait perdu deux hommes qu'il ne recouvrerait jamais, Molière et Lulli. (Addition à la Vie de Molière, par Grimarest, page 62.) Nous ne nous étions pas trompé. Nous nous sommes assuré que ce procès ne pouvait être honteux ou horrible que pour son adversaire. Voici ce qu'on lit dans l'Histoire du théâtre de l'Académie royale de musique en France, 2e édition, re partie, pages 46, 47: « Lulli eut un grand procès en 1675 contre Henri Guichard, intendant des bâtimens de S. A. R. MONSIEUR, frère unique du Roi Louis XIV. Il eut avis que Guichard, qui avait fait les premiers établissemens de l'Opéra, jaloux des grands avantages que Lulli retirait du privilège que le Roi lui avait accordé, avait formé le dessein de l'empoisonner dans du tabac préparé à cet effet. Lulli en porta sa plainte au Roi, qui voulut bien prendre connaissance de cette affaire; elle fut ensuite renvoyée à la justice ordinaire du Châtelet, et fit beaucoup de bruit à la cour et à la ville; il y eut de grandes informations faites à ce sujet; seize témoins furent entendus et confrontés; des juges pris à parti, des monitoires publiés et affichés dans tous les carrefours et

fulminés dans toutes les paroisses de Paris, etc. Ce grand procès, après avoir duré deux ans, fut enfin assoupi par l'autorité du Roi, et par une transaction passée de concert entre les parties. ›

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Guichard fut condamné par une sentence du Châtelet, du 17 septembre 1676, à faire réparation, à une amende et à des dommagesintérêts envers Lulli, Guichard appela de cet arrêt au parlement ; le jugement de cette cour souveraine fut prononcé le 12 avril 1677On en ignore les dispositions. (Voir la Requéte servant de Factum pour Guichard contre Lulli et Aubry, et M. le procureur général du parlement ; Recueil no 5498 A de la Bibliothèque du Roi,)

(41) Voltaire prétend que l'histoire du souper d'Auteuil n'est pas digne de créance, et cite à ce propos quelques amis de Chapelle qu'il avait entendus assurer qu'elle n'en méritait aucune. Mais ils ne lui avaient pas rapporté que Chapelle leur en eût parlé dans ce sens. Ils avaient probablement tiré cette conséquence de son silence à ce sujet; car Louis Racine a dit dans ses Mémoires sur son père (page 119): « Ce fameux souper, quoique peu croyable, est très-véritable... Mon père heureusement n'en était point... Boileau a raconté plus d'une fois cette folie de sa jeunesse.

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(42) Dans sa Quatrième dissertation concernant le poëme dramatique (Paris, 1663, in-12), l'abbé d'Aubignac reproche entre autres choses à Corneille de s'être avisé d'accroître son nom en se faisant appeler M. DE Corneille. A cette occasion il lui rappela que son peti t frère, Thomas, avait eu la même manie en se surnommant M. de l'Isle, ce dont il prétend que Molière s'était moqué dans l'École des Femmes; il dit également; «Je vous demande pardon si je vous parle de cette comédie, qui vous fait désespérer, et que vous avez essayé de détruire par votre cabale, dès la première représentation (page 115).

..... Le poète qui fait profession de fournir le théâtre, et d'entretenir, durant toute sa vie, la satisfaction des bourgeois, ne peut souffrir de compagnon. Il y a long-temps qu'Aristophane l'a dit. Il se ronge de chagrin quand un seul poëme occupe Paris durant plusieurs mois; et l'École des Maris et celle des Femmes sont les trophées de Miltiade, qui empêchent Thémistocle de dormir. Nous

en avons su quelque chose, et les vers que M. Despréaux a faits sur la dernière pièce de M. Molière nous en ont assez appris » (p. 119 et 120). L'abbé d'Aubignac fait ici allusion aux Stances de Boileau sur l'École des Femmes, qui, quoi qu'il dise, n'ont point trait à Corneille.

(43) Voici l'aventure dont Ninon fit le récit à Molière : « Lorsque M. de Gourville, qui fut nommé vingt-quatre heures pour succéder à Colbert, et que nous avons vu mourir l'un des hommes de France les plus considérés ; lors, dis-je, que ce M. de Gourville, craignant d'être pendu en personne, comme il le fut en effigie, s'enfuit de France en 1661, il laissa deux cassettes pleines d'argent, l'une à Ninon, l'autre à un faux dévot. A son retour, il trouva chez Ninon sa cassette en fort bon état; il y avait même plus d'argent qu'il n'en avait laissé, parce que les espèces avaient augmenté depuis ce temps-là. Il prétendit qu'au moins le surplus appartenait à la dépositaire; elle ne lui répondit qu'en le menaçant de faire jeter la cassette par les fenêtres. Le dévot s'y prit d'une autre façon ; il dit qu'il avait employé son dépôt en œuvres pies, et qu'il avait préféré le salut de l'ame de Gourville à un argent qui sûrement l'aurait damné. » (OEUVRES DE VOLTAIRE (Mélanges littéraires, tome II), tome XLVII, page 358, édition de Lequien.—Anecdotes dramatiques, tome II, page 205).

(44) Nous savons que dans l'édition des OEuvres de Racine avec le commentaire de La Harpe, Paris, Agasse, 1807, et dans toutes les éditions publiées depuis, on lit : « Montfleuri a fait une requête contre Molière, et l'a donnée au Roi. Il l'accuse d'avoir épousé la fille et d'avoir autrefois vécu avec la mère; mais Montfleuri n'est point écouté à la cour. » Voici les raisons qui nous ont déterminé à adopter l'autre version :

Il est d'abord bien constant que les ennemis de Molière firent courir le bruit qu'il avait épousé sa propre fille. Le mémoire contre Lulli, cité page 91 de cette Histoire, le passage de la fameuse Comédienne, transcrit page 131, et plusieurs autres écrits, en fournissent la preuve. Il serait donc absurde de penser que Montfleuri, qui voulait perdre Molière, se fût contenté de l'accuser

d'une bassesse, quand d'autres personnes faisaient planer sur lui le soupçon d'un crime.

Cela admis, comment supposer ensuite que Racine ait dénaturé la requête de Montfleuri comme on le lui fait faire dans la version nouvellement adoptée. Cette requête avait reçu une grande publi'cité, et il lui était impossible de n'en pas connaître ou d'en connaitre mal l'objet.

On accuse Louis Racine d'avoir altéré le texte de son père en plusieurs endroits de sa Correspondance, et l'on a apporté à l'appui de ce reproche des autographes de ce grand écrivain qui offrent en effet quelques différences. Louis Racine a pu se permettre des changemens qui ne portaient aucune atteinte à la mémoire de son père; mais, à coup sûr, il n'eût pas été lui prêter des torts de cœur aussi grands envers son bienfaiteur. Il nous paraît done de toute vraisemblance que l'autographe sur lequel on s'est appuyé pour faire subir ce changement au texte des anciennes éditions n'était qu'une minute inexacte, et que Louis Racine n'avait donné le sien que d'après la lettre véritable. Cela ne fût-il pas, qui reconnaîtrait, même dans cette seconde leçon, une de

Ces haines vigoureuses

Que doit donner le vice aux ames généreuses?

(45) Les acteurs de l'hôtel de Bourgogne ne profitèrent pas long-temps des talens de leur nouvelle camarade : elle mourut le 11 décembre 1668. Molière faisait grand cas de cette actrice. On en trouve la preuve dans ce qu'il lui dit, scène première de l'Impromptu de Versailles. On peut la citer comme une des femmes qui dansèrent les premières sur la scène. Elle avait beaucoup de grace, et se distingua surtout dans les danses hautes : « Elle faisait certaines cabrioles remarquables, car on voyait ses jambes et partie de ses cuisses par le moyen d'une jupe qui était ouverte des deux côtés, avec des bas de soie attachés au haut d'une petite culotte. » ( Lettre sur la Vie de Molière et des comédiens de son temps; MERCURE DE FRANCE, mai 1740, page 846.)

(46) Cette version est celle de Louis Racine, dans ses Mémoires

sur son père. Comme elle a été généralement adoptée, nous n'avons pas cru devoir lui préférer celle de Cizeron-Rival, qui prétend que Racine ne fut pas fáché du danger où la réputation de Molière semblait être exposée. ( Récréations littéraires, page 2.) Cependant il pourrait être permis d'hésiter entre le témoignage avantageux d'un fils et l'autorité impartiale d'un écrivain presque toujours exact.

(47) On a élevé, au sujet de ce chef-d'œuvre, une réclamation trop plaisante pour que nous ne la rapportions pas ici. Elle est extraite d'un manuscrit in-4o faisant autrefois partie de la Bibliothèque Saint-Victor, et rempli de notes de M. Tralage.

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Le sieur Angelo, docteur de l'ancienne troupe italienne, m'a dit (c'est M. Tralage qui parle ) que Molière, qui était de ses amis l'ayant un jour rencontré dans le jardin du Palais-Royal, après avoir parlé des nouvelles de théâtres et d'autres, le même Angelo dit à Molière qu'il avait vu représenter en Italie, à Naples, une pièce intitulée, le Misanthrope, et que l'on devrait traiter ce sujet ; il le lui rapporta tout entier, et même quelques endroits particuliers qui lui avaient paru remarquables; entre autres ce caractère d'un homme de cour fainéant, qui s'amuse à cracher dans un puits pour faire des ronds. Molière l'écouta avec beaucoup d'attention; et, quinze jours après, le sieur Angelo fut surpris de voir, dans l'affiche de la troupe, la comédie du Misanthrope annoncée et promise; et, trois semaines, ou tout au plus tard un mois après, on représenta cette pièce. Je lui répondis là-dessus qu'il n'était pas possible qu'une aussi belle pièce que celle-là, en cinq actes, et dont les vers sont fort beaux, eût été faite en aussi peu de temps; il me répliqua que cela paraissait incroyable, mais que tout ce qu'il venait de me dire était très-véritable, n'ayant aucun intérêt de me déguiser la vérité. »

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Ce discours d'Angelo, disent les frères Parfait, auxquels nous empruntons cette citation (Histoire du Théatre-Français, t. X, p. 66 et suiv.), est si fort éloigné de la vraisemblance, que ce serait abuser de la patience du lecteur que d'en donner la réfutation. »>

(48) M. Aimé-Martin a dit, au sujet de cette lettre, tome I, page cxiij, note, de son édition des OEuvres de Molière: « Elle ne

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