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rapport sur les évènemens du 21 juin, le peuple sans cesse agité, stimulé par une foule d'écrits incendiaires, par les harangueurs les plus forcenés et par toutes les manoeuvres du parti républicain, se crut autorisé à devancer le jugement de ses représentans sur cette prétendue conspiration. Son vou pour l'abolition de la royauté étoit exprimé par les clameurs de tous les groupes du Palais-Royal, et par des placards sans nombre, affichés jusques sur les portes et dans les corridors de l'assemblée. M. Malouet, appercevant une de ces affiches, en entrant dans la salle, l'arracha et vint la dénoncer. Il demanda que l'assemblée ordonnât dans l'instant, à l'accusateur public, aux corps administratifs et aux tribunaux auxquels la connoissance de pareils crimes étoit attribuée, de poursuivre les auteurs de ce placard. Tous les membres du côté droit se levèrent par un mouvement simultané, pour appuyer cette proposition. L'avocat Martineau demanda que ceux qui avoient signé l'affiche, fussent arrêtés sur-le-champ. Interrompu par des violens murmures dans le côté gauche, et par quelques voix qui demandoient qu'on passát à l'ordre du jour, il continua son discours et témoigna son indignation de voir de tels, délits

tion, de révision, de jurisprudence criminelle, des rapports, et des recherches.

restés impunis. Pétion (1) représenta que si on s'arrêtoit à de telles dénonciations, on en recevroit tous les jours de pareilles. Chabroud (2),

(1) Pétion étoit un mauvais avocat de Chartres. Il avoit lu quelques pages de Mably et de Rousseau, et il avoit pris la diligence pour venir faire des loix à Paris. C'étoit un homine sans moyens, sans talens, n'ayant d'autre mérite que l'exagération de ses principes révolutionnaires. Il n'eut aucune influence dans l'assemblée constituante, qui comptoit beaucoup d hommes éclaires et de grands orateurs; mais une fois que les gens médiocres se furent emparés de la révolution, il en devint un des coriphées : il voulut, comme tous les ambitieux qui vouloient diriger la révolution à leur profit, mettre des bornes au mouvement de dissolution imprimé au corps politique; mais il se trouva, comine la plupart des factieux, écrasé sous d'immenses débris. Ils étoient tout-puissans, tant qu ils s'abandondonnèrent à l'impétuosité du torrent; mais ils se bri sèrent comme des roseaux, quand ils voulurent en suspendre le cours; et celui qui avoit porté les derniers coups à la monarchie, resta tout-à-coup dans un affreux abandon, et fuyant ces cités qu il avoit si long-tems troublées. Il fut dévoré par des bêtes féroces. (Note de l'éditeur.)

(2) Chabroud étoit aussi un mauvais avocat de Vienne, qui n'étoit connu avant les troubles que par quelques couplets de société, et qui n'avoit étudié la politique que dans le Chansonnier français. Son rapport sur le 6 octobre ne l'auroit pas sauvé, sous le règne de Robespierre, s'il ne fùt pas rentré dans sa première nullité. Il s'est lancé depuis dans ce qu'on appelle les affaires, et la fortune est venu le

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qui, dans son rapport sur les attentats du 6 octobre 1789, n'avoit trouvé à blâmer que les gardes-du-corps, ne vit dans le placard dénoncé qu'un petit acte de folie ou de délire, indigne de l'attention de l'assemblée, qui ne devoit pas perdre, à entendre et à discuter de pareilles productions, un tems qu'elle devoit à l'achèvement de la constitution et au bonheur du peuple. Il appuya en conséquence la motion de passer à l'ordre du jour. Les tribunes témoignèrent, par les plus vifs applaudissemens, qu'elles étoient du même avis, et l'assemblée finit par l'adopter.

Dans la séance suivante, il fut fait lecture du résultat du scrutin indicatif qui devoit préparer la nomination du gouverneur du dauphin, Le nombre des personnes désignées comme dignes de concourir pour cette place, montoit à 92. Cette liste, rédigée par ordre alphabétique, présentoit des rapprochemens si disparates et si ridicules, qu'elle excita de nombreuses risées. Elle étoit principalement composée d'avocats, de médecins, de commandans de bataillon de la garde nationale parisienne, d'anciens magistrats, de poëtes, de procureurs syndics de département, de juges,

dédommager du mépris attaché à son nom. Il s'est remis à faire des chansons, et l'on doit l'y encourager, de peur qu'il ne se remette à faire des rapports. (Note de l'éditeur.)

de directeurs de collège, de moines, d'auteurs dramatiques, etc. etc. On y trouvoit aussi le nom du prince de Conti, celui du duc d'Harcourt entre ceux de deux avocats - généraux, Guiton de Morveaux, Héraut de Séchelles; celui de M. de Malesherbes à côté de celui du caissier des ponts et chaussées, et celui de Noël, rédacteur d'un journal révolutionnaire, entre ceux de MM. Necker et d'Ormesson; mais le nom qui fit le plus de sensation dans cette liste (1) fut celui du marquis de Bouillé. Les membres du côté gauche ne se possédoient pas de rage.

(1) Le marquis de Condorcet étoit sur cette liste. C'est un des philosophes du dix-huitième siècle qui survécurent au renversement de toutes les idées sociales. Raynal et quelques autres gémirent sur cette époque désastreuse ; mais Condorcet vit sans effroi l'horrible application de ses maximes. Dévoré d'ambition, et guidé par une vanité puérile, bien plus que par cet orgueil qui n'appartient qu'aux ames élevées, il voulut jouer un rôle. Il avoit été dédaigné par la cour, il voulut plaire au peuple pour s'en venger ; et ne trouvant point d'accès auprès du trône, il s'associa à ceux qui vouloient le renverser. Il fut long-tems l'oracle des jacobins, qui le firent nommer à la convention : il présenta une constitution qui ne valoit pas mieux que celle de Robespierre; et cette constitution, qui ne fut jamais qu'un projet, le fit proscrire par son rival de législation et de popularité. Après le 31 mai, Condorcet fut errant et fugitif dans les environs de Paris; il resta quarante-huit heures dans les bois de Meudon pressé par la faim, il

« Celui qui a osé présenter ce nom, s'écria » Rewbell, mériteroit d'être chassé du corps "gislatif. » L'assemblée ordonna la radiation du nom de M. de Bouillé, et ajourna le scrutin définitif à la quinzaine. Les sarcasmes et le ridicule dont cette première liste ne pouvoit pas manquer d'être l'objet, firent juger cet ajournement nécessaire.

Une liste bien plus intéressante, étoit celle des membres du côté droit, qui publièrent, à cette même époque, des déclarations dont l'objet étoit de manifester leurs sentimens et les motifs de leur silence dans l'assemblée. L'histoire doit recueillir précieusement tous ces actes honorables, comme autant de monumens de courage et de fidélité. Une de ces déclarations revêtue de deux cents quatre-vingt-dix signatures, étoit conçue en ces termes :

« Au milieu des outrages faits au monarque, » à son auguste famille, et, dans leur personne, » à la nation entière, qu'est devenue la_monar"chie? Les décrets de l'assemblée nationale ont » réuni en elle le pouvoir royal tout entier. Le » sceau de l'état a été déposé sur son bureau;

descendit dans un cabaret de Clamart; un jacobin, un philosophe du lieu vint l'arrêter, et le conduisit dans les prisons du Bourg-la-Reine, où il mourut d'indigestion. (Noto de l'éditeur.)

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