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le projet de départ pour Montmédi, entretenoit la correspondance la plus active, pour accélérer l'exécution de son plan; il fut alors informé, par M. de Mercy, des progrès et du succès de la négociation relative à la coalition des puissances. Le roi, à qui il en rendit compte, calculant que l'armée autrichienne pouvoit arriver dans les environs d'Arlon vers le milieu du mois de juin, fit repartir M. de Goguelas dans les premiers jours du mois de mai, et le chargea d'une lettre, par laquelle sa majesté donnoit cet avis à M. de Bouillé, lui annonçant qu'elle se proposoit de partir le 15 juin; qu'ainsi toutes les dispositions devoient être combinées pour cette époque; que néanmoins le roi se réservoit de l'instruire plus positivement du jour et de l'heure fixe de son départ.

Le roi, par une autre lettre, datée du 27 mai, instruisit M. de Bouillé que le départ de la famille royale étoit définitivement fixé au 19 juin, entre minuit et une heure (1). Le lendemain, le comte Alphonse, dont le roi n'avoit reçu aucune nouvelle depuis son départ, arriva à Paris le septième jour après son départ de Mantoue, sans avoir été fouillé, arrêté ni questionné, soit à la frontière, soit dans les villes qu'il avoit traversées. En arrivant, il vit M. de C., et lui communiqua le plan arrêté à Mantoue, dont il avoit fait une nou

(1) Voyez les mémoires de M. de Bouillé, chap. XII.

velle copie. Leurs majestés, instruites de son arrivée, chargèrent M. de C. de l'amener le lendemain à onze heures du matin, dans la chambre du roi, par la porte qui donnoit dans l'appartement du premier valet-de-chambre de sa majesté. Il s'y rendit à l'heure convenue; le roi et la reine y étoient déjà, et lui firent l'accueil que méritoit le service qu'il venoit de leur rendre. Il remit à leurs majestés le plan dont il avoit été chargé, et dont voici l'extrait le plus fidèle:

« L'empereur fera filer trente-cinq mille » hommes sur la frontière de la Flandres et du » Hainault. A la même époque, les troupes des » cercles se porteront au nombre de quinze mille » hommes au moins, sur l'Alsace. Les Suisses, » en même nombre, se présenteront sur la fron» tière du Lyonnais et de la Franche-Comté. » Le roi de Sardaigne, sur celle du Dauphiné » avec quinze mille hommes. L'Espagne a déjà » rassemblé douze mille hommes dans la Cata» logne, et portera à vingt mille les troupes qui » menaceront les provinces méridionales. Tous » ces différens corps formeront une masse de » cent mille hommes ou environ, qui se portera' » en cinq colonnes, sur chacune des frontières

auxquelles ces différens états correspondent. A »ces armées, se joindront des régimens restés » fidèles, des volontaires armés dont on est sûr » et tous les mécontens des provinces.

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L'empereur est assuré des bonnes disposi» tions du roi de Prusse, et sa majesté impériale » s'est chargée elle-même de la correspondance » directe avec la cour de Berlin. Le roi d'Angle» terre, en sa qualité d'électeur de Hanôvre, » desire aussi d'entrer dans la coalition, qu'il fau» dra tenir très-secrète, jusqu'au moment de » l'explosion; c'est pourquoi on fera ensorte » d'empêcher toute insurrection partielle dans » l'intérieur.

» Tout étant ainsi disposé pour la fin de juillet, la protestation de la maison de Bourbon paroî»tra: elle sera signée du roi d'Espagne, du roi » de Naples, de l'infant de Parme, et des princes da sang qui sont libres. Le manifeste des puis"sances paroîtra immédiatement après.

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» Quoique l'empereur soit l'ame et le chef de l'entreprise, il seroit peut-être dangereux pour » la reine, qu'il parût en être le premier mobile; » et on ne manqueroit pas d'attribuer à la maison » d'Autriche, ce plan que l'assemblée s'efforcera » de faire paroître odieux au peuple.

L'empereur écrit au roi d'Espagne de bâter » ses préparatifs, et l'exhorte à signer sans délai » la protestation de la maison de Bourbon. Le roi » et la reine de Naples qui la connoissent, n'at» tendent que la signature de l'Espagne, pour

» donner la leur.

» Les dispositions du roi de Sardaigne sont

» excellentes. Il n'attend que le signal de l'empe» reur. La diète de Ratisbonne qui a reçu le » décret de commission, va prendre ses dernières » résolutions.

» On compte sur la neutralité de l'Angleterre. » Tout étant ainsi combiné avec les puissances, » on doit regarder ce plan comme arrêté, et » prendre garde qu'il ne soit contrarié par des » idées disparates; c'est pourquoi leurs majestés » doivent éviter avec grand soin, de diviser la » confiance et de multiplier les entremises » ayant déjà éprouvé que cette manière d'agir ne serviroit qu'à nuire, retarder et embar

rasser.

"Les parlemens sont nécessaires pour le ré »tablissement des formes. On continuera en » conséquence, d'entretenir une correspondance » suivie avec plusieurs membres dispersés des » cours souveraines, pour pouvoir les rassembler. » aisément quand il en sera tems.

» Quoique l'on ait desiré jusqu'à présent, que » leurs majestés pussent elles-mêmes se procurer » leur liberté, la situation présente engage à les » supplier très - instamment de n'y plus songer. » Leur position est bien différente de ce qu'elle » étoit avant le 18 avril, avant que le roi eût été » forcé d'aller à l'assemblée et de faire écrire la » lettre aux ambassadeurs. L'unique objet dont » leurs majestés doivent s'occuper, est d'em

»ployer tous les moyens possibles à augmenter » leur popularité, pour en tirer parti quand le » moment sera venu, et de manière que le peuple, », effrayé à l'approche des armées étrangères, ne » voie son salut que dans la médiation. du roi, et dans sa soumission à l'autorité de sa majesté. » Telle est l'opinion de l'empereur. Il attache » uniquement à ce plan de conduite le succès des » mesures qu'il a adoptées, et il demande sur» tout qu'on éloigne toute autre idée. Ce qui » arriveroit à leurs majestés, si,-dans leur fuite, » elles ne pouvoient échapper à une surveillance » barbare, le fait frémir d'horreur. Sa majesté » impériale croit que là sauve-garde la plus sûre » pour leurs majestés, est le mouvement des » armées des puissances, précédé par des mani» festes menaçans. »

Leurs majestés, sans entrer dans une discussion détaillée des différens articles du plan qu'elles venoient de lire, observèrent seulement, relativement aux parlemens, que d'après les déclarations qu'ils avoient faites dans leurs derniers arrêtés, ils ne pouvoient, et ne devoient plus être que des juges.« Ne sera-t-on pas bien content, » ajouta le roi, si on revient à la déclaration du » 23 juin ? » - Le comte Alphonse lui répondit que l'opinion de l'empereur et ses propres paroles étoient, « que le roi devoit reprendre toute son » autorité et la régler lui-même, ainsi qu'il le

F.

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