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» jugeroit convenable, en ayant tel égard que » de raison, aux demandes formées dans la ma»jorité des cahiers; que le roi de France étoit le » monarque qui avoit le plus fait en faveur de » son peuple, qui, au lieu de sentir le prix de » ses bienfaits, l'avoit accablé d'outrages. — Cela » est vrai, dit le roi; rien de tout cela ne seroit » arrivé, si les états-généraux eussent été con» voqués en 1787, au lieu de l'être en 1789; mais » cette idée ne m'est pas venue, et aucun des » ministres n'y a pensé. »

Le roi ne s'expliqua point sur le dernier article du plan; mais la reine en parut très-mécontente, et dit avec chaleur : « Si on peut sortir de Paris, » il faut tout tenter, mais seulement pour aller à » la frontière; car un roi ne doit jamais sortir de » son royaume. Convenez, ajouta-t-elle, en s'a» dressant au comte Alphonse, que mon frère » a été fâché que nous nous soyons servi du » baron de Breteuil. Nous ne l'avons fait que » parce que c'est le seul qui connoisse la cour de » Vienne, où il a résidé, et qui soit connu du » prince de Kaunitz, qui gouverne depuis si long»tems.» Quelques autres questions relatives à M. le comte d'Artois, terminèrent cette conversation.

Aussitôt après la conférence de Mantoue, M. le comte d'Artois partit pour Coblentz avec le comte Descars et M. de Calonne. A son passage à Ulm,

il lui fut remis une lettre du baron de Breteuil. par laquelle ce ministre, se disant chargé de lui faire connoître les intentions du roi, lui marquoit très-impérieusement, de la part de sa majesté, de retourner sur-le-champ à Turin. Cet ordre étonna d'autant plus M. le comte d'Artois, qu'il reçut en même-tems une lettre du roi lui-même, par laquelle sa majesté l'exhortoit à éviter toute imprudence qui pourroit le compromettre, mais sans lui prescrire en aucune manière de retourner à Turin, sa majesté s'en rapportant entièrement à cet égard à la prudence de M. le comte d'Artois, à qui cette lettre fut remise par l'avocat de Bonnières, qui avoit été envoyé au-devant de son altesse royale.

Cette contradiction entre la lettre du roi et celle du baron de Breteuil, ne peut s'expliquer que par les vives inquiétudes que la conférence de Mantoue dut donner à ce ministre ; il ne douta pas qu'un plan et des mesures de la plus grande importance n'en eussent été l'objet, et que leur succès ne plaçât M. de Calonne à la tête des affaires; sa haîne contre ce ministre, et son ambition encore plus violente devant s'en alarmer, et le baron de Breteuil confondant sans doute leurs suggestions avec celles du zèle dont il étoit animé pour le service du roi, crut probablement pouvoir présumer les intentions de sa majesté, et donner en son nom à M. le comte d'Artois, un

ordre qu'il n'avoit pas été autorisé à lui donner.

La coalition des puissances étoit le principal moyen proposé par M. de Montmorin, et elle se formoit en exécution de son plan, que le roi et l'empereur avoient approuvé; mais l'insurrection du 18 avril et les évènemens qui en avoient été la suite, avoient fait penser à sa majesté impériale, que la position du roi étant changée, il falloit aussi avoir recours à de nouvelles mesures; et celle de rallier aux armées étrangères les régimens restés fidèles, les émigrés, la noblesse et tous les mécontens du royaume, lui avoit paru propre à imprimer une plus grande terreur, ajoutant à la crainte d'une guerre étrangère, celle d'une guerre civile; mais c'étoit là précisément ce que le roi lui-même avoit le plus en horreur ; ainsi, il n'en eût pas fallu davantage pour l'empêcher de participer en aucune manière, à l'exécution de ce plan. D'un autre côté, l'impatience qu'avoient leurs majestés de sortir de Paris. étoit trop vive, pour que la proposition de n'y plus songer pût leur être agréable. Le roi ne révoqua donc point les ordres qu'il avoit donnés au marquis de Bouillé, par la lettre du 27 mai, et refusa, sous différens prétextes, ceux que M. de Montmorin ne cessoit de lui demander, pour le départ du baron de G......

Il ne transpira rien d'aucun de ces projets dans le courant du mois de mai. Le bref du pape contre

la constitution civile du clergé, et par lequel sa sainteté suspendoit l'ancien évêque d'Autun de toutes ses fonctions, et le déclaroit excommunié après quarante jours, s'il ne venoit pas à résipiscence, fut pendant plusieurs jours l'objet des propos et des pamphlets de la capitale.

La demande en réunion du Comtat d'Avignon à la France, qui avoit déjà été discutée deux fois et rejetée par l'ajournement de la question, occupa l'assemblée pendant les premières séances du mois de mai, et fut encore plus formellement rejetée par un décret rendu sur appel nominal, à la majorité de quatre cent quatre-vingt-sept voix contre trois cent seize, malgré la défaveur que le bref du pape donnoit à ses intérêts les plus légitimes, et les espérances que les factieux avoient fondées sur cette circonstance. L'éloquence et la solidité avec lesquelles MM. Maury, Cazalès Clermont-Tonnerre et Malouet défendirent les droits du saint-siège, firent rejeter le décret proposé par le comité.

Le même décret fut présenté une seconde fois quinze jours après, comme le seul moyen, disoit le rapporteur, M. de Menou, d'éteindre les torches du fanatisme et le feu de la guerre civile qui désoloit le Comtat et devenoit de jour en jour plus sanglante. Les débats dont cette question avoit tant de fois été l'objet, se renouvelèrent avec plus de violence que jamais; néan

moins l'issue en fut encore la même. Le décret fut rejeté par appel nominal, à la majorité de trois cent soixante-quatorze voix contre trois cent soixante-huit (1).

L'assemblée consuma aussi plusieurs des séances du mois de mai, en discussions sur l'état des personnes libres, non libres ou affranchies dans les colonies, et finit par décréter, à la presqu'unanimité, qu'aucune loi ne pourroit être faite à cet égard, que sur la démarche précise et spontanée des assemblées coloniales (13 mai.)

Le public ne partageoit plus que bien foiblement la chaleur que les différens partis mettoient dans leurs discussions. Le patriotisme se refroidissoit à vue d'œil, et l'assemblée ne parvenoit à conserver encore quelque reste de popularité, qu'en parlant souvent du terme de sa session, et en l'indiquant comme très-prochain. Pour ne laisser aucune incertitude à cet égard, elle s'occupa de l'organisation du corps législatif qui devoit lui succéder, et elle décréta que les assemblées primaires seroient convoquées du 12 au 25 juin suivant, pour la nomination des nouveaux députés; mais le décret qui lui valut le plus d'applaudissemens à cette époque, fut celui par lequel

(1) Avignon et le comtat Venaissin ne furent déclarés parties intégrantes de l'empire français, que par le décret du 14 septembre suivant.

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