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M. MACROTON.

Si bi-en donc que, pour ti-rer, dé-ta-cher, ar-ra-cher, ex-pulser, é-va-cu-er les-di-tes hu-meurs, il fau-dra u-ne pur-ga-ti-on vigou-reu-se. Mais, au pré-a-la-ble, je trou-ve à pro-pos, et il n'y a pas d'in-con-vé-ni-ent, d'u-ser de pe-tits re-mè-des a-no-dins, c'est-à-di-re, de pe-tits la-ve-mens ré-mol-li-ens et dé-ter-sifs, de ju-leps et de si-rops ra-frai-chis-sans qu'on mê-le-ra dans sa ti-sa-ne.

M. BAHIS.

Après, nous en viendrons à la purgation et à la saignée, que nous réitérerons s'il en est besoin.

M. MACROTON.

Ce n'est pas qu'a-vec-que tout ce-la vo-tre fil-le ne puis-se mou-rir; mais au moins vous au-rez fait quel-que cho-se, et vous au-rez la con-so-la-ti-on qu'el-le se-ra mor-te dans les for-mes.

M. BAHIS.

Il vaut mieux mourir selon les règles que de réchapper contre les règles.

M. MACROTON,

Nous vous di-sons sin-cè-re-ment no-tre pen-sée.

M. BAHIS.

Et vous avons parlé comme nous parlerions à notre propre frère.

SGANARELLE, à M. Macroton, en allongeant ses mots. Je vous rends très-hum-bles grà-ces. (A M. Bahis, en bredouillant.) Et vous suis infiniment obligé de la peine que vous avez prise 1.

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Me voilà justement un peu plus incertain que je n'étois aupara vant. Morbleu! il me vient une fantaisie. Il faut que j'aille acheter de l'orviétan 2, et que je lui en fasse prendre l'orviétan est un remède dont beaucoup de gens se sont bien trouvés. Holà!

1 Scène imitée du Phormion de Térence, où le principal personnage consulte inutilement trois avocats.

Électuaire apporté à Paris en 1647 par un charlatan d'Orviéto, ville d'Italie.

SCÈNE VII.

DEUXIÈME ENTRÉE.

SGANARELLE, UN OPÉRATEUR,

SGANARELLE.

Monsieur, je vous prie de me donner une boîte de votre orviétan, que je m'en vais vous payer.

L'OPÉRATEUR chante.

L'or de tous les climats qu'entoure l'Océan
Peut-il jamais payer ce secret d'importance?
Mon remède guérit, par sa rare excellence,

Plus de maux qu'on n'en peut nombrer dans tout un an ›
La gale,

La rogne,
La teigne,
La fièvre,

La peste,

La goutte,
Vérole,

Descente,
Rougeole.

O grande puissance
De l'orviétan!

SGANARELLE.

Monsieur, je crois que tout l'or du monde n'est pas capable payer votre remède ; mais pourtant voici une pièce de trente sous que vous prendrez, s'il vous plaît.

de

L'OPÉRATEUR chante.

Admirez mes bontés, et le peu qu'on vous vend
Ce trésor merveilleux que ma main vous dispense.
Vous pouvez, avec lui, braver en assurance
Tous les maux que sur nous l'ire du ciel répand:
La gale,

La rogne,
La teigne,
La fièvre,

La peste,
La goutte,
Vérole,
Descente,
Rougeole.

O grande puissance
De l'orviétan!

SCÈNE VIII.

Plusieurs trivelins et plusieurs scaramouches, valets de l'opérateur, se réjouissent en dansant.

ACTE III

SCÈNE I. MM. FILERIN, TOMÈS, DESFONANDRÈS.

M. FILERIN 1.

N'avez-vous point de honte, messieurs, de montrer si peu de prudence, pour des gens de votre âge, et de vous être querellés comme de jeunes étourdis? Ne voyez-vous pas bien quel tort ces sortes de querelles nous font parmi le monde? et n'est-ce pas assez que les savans voient les contrariétés et les dissensions qui sont entre nos auteurs et nos anciens maîtres, sans découvrir encore au peuple, par nos débats et nos querelles, la forfanterie de notre art?? Pour moi, je ne comprends rien du tout à cette méchante politique de quelques-uns de nos gens; et il faut confesser que toutes ces contestations nous ont décriés depuis peu d'une étrange manière, et que, si nous n'y prenons garde, nous allons nous ruiner nous mêmes. Je n'en parle pas pour mon intérêt; car, Dieu merci! j'ai déjà établi mes petites affaires. Qu'il vente, qu'il pleuve, qu'il grêle, ceux qui sont morts sont morts, et j'ai de quoi me passer des vivans; mais enfin toutes ces disputes ne va

1 Pour pics epeбeos, ami de la mort. Symbole de la médecine elle

même.

2 Consulter, sur les disputes médicales de l'époque, l'Histoire de la découverte de la circulation du sang, par M. Flourens.

que

lent rien pour la médecine. Puisque le ciel nous fait la grâce que, depuis tant de siècles, on demeure infatué de nous, ne désabusons point les hommes avec nos cabales extravagantes, et profitons de leurs sottises le plus doucement que nous pourrons. Nous ne sommes pas les seuls, comme vous savez, qui tàchons à nous prévaloir de la foiblesse humaine. C'est là que va l'étude de la plupart du monde, et chacun s'efforce de prendre les hommes par leur foible, pour en tirer quelque profit. Les flatteurs, par exemple, cherchent à profiter de l'amour que les hommes ont pour les louanges, en leur donnant tout le vain encens qu'ils souhaitent; et c'est un art où l'on fait, comme on voit, des fortunes considérables. Les alchimistes tâchent à profiter de la passion l'on a pour les richesses, en promettant des montagnes d'or à ceux qui les écoutent; et les diseurs d'horoscopes, par leurs prédictions trompeuses, profitent de la vanité et de l'ambition des crédules esprits. Mais le plus grand foible des hommes, c'est l'amour qu'ils ont pour la vie; et nous en profitons, nous autres, par notre pompeux galimatias, et savons prendre nos avantages de cette vénération que la peur de mourir leur donne pour notre métier. Conservons-nous donc dans le degré d'estime où leur foiblesse nous a mis, et soyons de concert auprès des malades, pour nous attribuer les heureux succès de la maladie, et rejeter sur la nature toutes les bévues de notre art. N'allons point, dis-je, détruire sottement les heureuses préventions d'une erreur qui donne du pain à tant de personnes [et, de l'argent de ceux que nous mettons en terre, nous fait élever de tous côtés de si beaux héritages.]

M. TOMÈS.

Vous avez raison en tout ce que vous dites; mais ce sont chaleurs de sang, dont parfois on n'est pas le maître.

M. FILERIN.

Allons donc, messieurs, mettez bas toute rancune, et faisons ici votre accommodement.

M. DESFONANDRÈS.

J'y consens. Qu'il me passe mon émétique pour la malade dont il s'agit, et je lui passerai tout ce qu'il voudra pour le premier malade dont il sera question.

M. FILERIN.

On ne peut pas mieux dire, et voilà se mettre à la raison.

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M. FILERIN.

Touchez donc là. Adieu. Une autre fois, montrez plus de prudence.

SCÈNE II. MM. TOMÈS, DESFONANDRÈS, LISETTE.

LISETTE.

Quoi! messieurs, vous voilà, et vous ne songez pas à réparer le tort qu'on vient de faire à la médecine?

Comment! Qu'est-ce?

M. TOMÈS.

LISETTE.

Un insolent, qui a eu l'effronterie d'entreprendre sur votre métier, et qui, sans votre ordonnance, vient de tuer un homme d'un grand coup d'épée au travers du corps.

M. TOMÈS.

Écoutez, vous faites la railleuse; mais vous passerez par nos mains quelque jour.

LISETTE.

Je vous permets de me tuer lorsque j'aurai recours à vous.

SCÈNE III.

CLITANDRE, en habit. de médecin, LISETTE.

CLITANDRE.

Eh bien, Lisette, [que dis-tu de mon équipage? Crois-tu qu'avec cet habit je puisse duper le bon homme ?] Me trouves-tu bien ainsi ?

LISETTE.

Le mieux du monde; et je vous attendois avec impatience. Enfin le ciel m'a fait d'un naturel le plus humain du monde, et je ne puis voir deux amans soupirer l'un pour l'autre qu'il ne me prenne une tendresse charitable et un désir ardent de soulager les maux qu'ils souffrent. Je veux, à quelque prix que ce soit, tirer Lucinde de la tyrannie où elle est, et la mettre en votre

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