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Qu'est-ce que: Nous berce un temps notre ennui?
Et que, Rien ne marche après lui?
Que, Ne vous pas mettre en dépense,
Pour ne me donner que l'espoir?
Et que, Philis, on désespère,
Alors qu'on espère toujours?

Ce style figuré, dont on fait vanité,
Sort du bon caractère et de la vérité;
Ce n'est que jeu de mots, qu'affectation pure,
Et ce n'est point ainsi que parle la nature.
Le méchant goût du siècle en cela me fait peur ;
Nos pères, tout grossiers, l'avaient beaucoup meilleur;
Et je prise bien moins tout ce que l'on admire
Qu'une vieille chanson que je m'en vais vous dire.

Si le roi m'avoit donné
Paris, sa grand'ville,
Et qu'il me fallût quitter
L'amour de ma mie,

Je dirois au roi Henri :
Reprenez votre Paris,

J'aime mieux ma mie, ò gai!

J'aime mieux ma mie.

La rime n'est pas riche, et le style en est vieux;
Mais ne voyez-vous pas que cela vaut bien mieux
Que ces colifichets dont le bon sens murmure,
Et que la passion parle là toute pure?

Si le roi m'avoit donné
Paris, sa grand'ville,
Et qu'il me fallût quitter

L'amour de ma mie,
Je dirois au roi llenri :

Reprenez votre Paris,

J'aime mieux ma mnie, ô gai!

J'aime mieux ma mie.

Voilà ce que peut dire un cœur vraiment épris.

A Philinte, qui rit.

Oui, monsieur le rieur, malgré vos beaux esprits,
J'estime plus cela que la pompe fleurie

De tous ces faux brillans où chacun se récrie.

ORONTE.

Et moi, je vous soutiens que mes vers sont fort bons.

ALCESTE.

Pour les trouver ainsi vous avez vos raisons;

Mais vous trouverez bon que j'en puisse avoir d'autres
Qui se dispenseront de se soumettre aux vôtres.

ORONTE.

Il me suffit de voir que d'autres en font cas.

ALCESTE.

C'est qu'ils ont l'art de feindre; et moi, je ne l'ai pas.

ORONTE.

Croyez-vous donc avoir tant d'esprit en partage?

ALCESTE.

Si je louois vos vers, j'en aurois davantage.

ORONTE.

Je me passerai bien que vous les approuviez.

ALCESTE.

Il faut bien, s'il vous plaît, que vous vous en passiez.

ORONTE.

Je voudrois bien, pour voir, que, de votre manière,
Vous en composassiez sur la même matière.

ALCESTE.

J'en pourrois, par malheur, faire d'aussi méchans;
Mais je me garderois de les montrer aux gens.

ORONTE.

Vous me parlez bien ferme; et cette suffisance...

ALCESTE.

Autre part que chez moi cherchez qui vous encense.

ORONTE.

Mais, mon petit monsieur, prenez-le un peu moins haut.

ALCESTE.

Ma foi, mon grand monsieur, je le prends comme il faut.

PHILINTE, se mettant entre deux.

Eh! messieurs, c'en est trop. Laissez cela, de grâce.

ORONTE.

Ah! j'ai tort, je l'avoue, et je quitte la place.
Je suis votre valet, monsieur, de tout mon cœur.

ALCESTE.

Et moi, je suis, monsieur, votre humble serviteur.

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Eh bien, vous le voyez pour être trop sincère,
Vous voilà sur les bras une fàcheuse affaire;
Et j'ai bien vu qu'Oronte, afin d'être flatté...

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ALCESTE.

Ah! parbleu! c'en est trop. Ne suivez point mes pas.

PHILINTE.

Vous vous moquez de moi; je ne vous quitte pas.

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Madame, voulez-vous que je vous parle net?
De vos façons d'agir je suis mal satisfait :

Contre elles dans mon cœur trop de bile s'assemble,
Et je sens qu'il faudra que nous rompions ensemble:
Oui, je vous tromperois de parler autrement;
Tôt ou tard nous romprons indubitablement;
Et je vous promettrois mille fois le contraire,
Que je ne serois pas en pouvoir de le faire.

CÉLIMÈNE.

C'est pour me quereller donc, à ce que je voi,
Que vous avez voulu me ramener chez moi?

ALCESTE.

Je ne querelle point; mais votre humeur, madame,
Ouvre au premier venu trop d'accès dans votre âme :
Vous avez trop d'amans 1 qu'on voit vous obséder;
Et mon cœur de cela ne peut s'accommoder.

CÉLIMÈNE.

Des amans que je fais me rendez-vous coupable?
Puis-je empêcher les gens de me trouver aimable?
Et, lorsque pour me voir ils font de doux efforts,
Dois-je prendre un bâton pour les mettre dehors?

ALCESTE.

Non, ce n'est pas, madame, un bâton qu'il faut prendre,

1 Pour gens qui vous courtisent. Mot qui a changé de sens, comme les mots prude, coquelle, etc.

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Mais un cœur à leurs voeux moins facile et moins tendre.
Je sais que vos appas vous suivent en tous lieux;
Mais votre accueil retient ceux qu'attirent vos yeux;
Et sa douceur, offerte à qui vous rend les armes,
Achève sur les cœurs l'ouvrage de vos charmes.
Le trop riant espoir que vous leur présentez
Attache autour de vous leurs assiduités;
Et votre complaisance, un peu moins étendue,
De tant de soupirans chasseroit la cohue.
Mais au moins dites-moi, madame, par quel sort
Votre Clitandre a l'heur de vous plaire si fort?
Sur quel fonds de mérite et de vertu sublime
Appuyez-vous en lui l'honneur de votre estime?
Est-ce par l'ongle long qu'il porte au petit doigt
Qu'il s'est acquis chez vous l'estime où l'on le voit?
Vous êtes-vous rendue, avec tout le beau monde,
Au mérite éclatant de sa perruque blonde?
Sont-ce ses grands canons qui vous le font aimer?
L'amas de ses rubans a-t-il su vous charmer?
Est-ce par les
appas de sa vaste rhingrave
Qu'il a gagné votre âme en faisant votre esclave?

Ou sa façon de rire et son ton de fausset

3

Ont-ils de vous toucher su trouver le secret?
CÉLIMÈNE.

Qu'injustement de lui vous prenez de l'ombrage!
Ne savez-vous pas bien pourquoi je le ménage;
que dans mon procès, ainsi qu'il m'a promis,
Il peut intéresser tout ce qu'il a d'amis?

Et

ALCESTE.

Perdez votre procès, madame, avec constance,
Et ne ménagez point un rival qui m'offense.

CÉLIMÈNE.

Mais de tout l'univers vous devenez jaloux !

Pour bonheur. Archaïsme élégant et perdu. 2 Mode de cette époque qui avait beaucoup de succès.

De rhein graff, mode allemande; haut de chausses très-bouffant. Pour se faisant. Ellipse hardie.

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