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rhibarbe et de séné, et qu'un mari est un emplâtre qui garit tous les maux des filles.

GÉRONTE.

Est-elle en état maintenant qu'on s'en voulùt charger avec l'infirmité qu'elle a? Et, lorsque j'ai été dans le dessein de la marier, ne s'est-elle pas opposée à mes volontés?

JACQUELINF.

Je le crois bian: vous li vouliez bailler eun homme qu'alle n'aime point. Que ne preniais-vous ce monsieur Liandre, qui li touchoit au cœur? Alle auroit été fort obéissante; et je m'en vas gager qu'il la prendroit, li, comme alle est, si vous la li vouillais donner,

GÉRONTE.

Ce Léandre n'est pas ce qu'il lui faut; il n'a l'autre.

JACQUELINE.

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Il a eun oncle qui est si riche, dont il est hériquié!

GÉRONTE.

Tous ces biens à venir me semblent autant de chansons. II n'est rien tel que ce qu'on tient, et l'on court grand risque de s'abuser lorsque l'on compte sur le bien qu'un autre vous garde. La mort n'a pas toujours les oreilles ouvertes aux vœux et aux prières de messieurs les héritiers, et l'on a le temps d'avoir les dents longues lorsqu'on attend pour vivre le trépas de quelqu'un.

JACQUELINE.

Enfin, j'ai toujours ouï dire qu'en mariage, comme ailleurs, contentement passe richesse. Les pères et les mères ant cette maudite couteume de demander toujours : Qu'a-t-il? et Qu'at-elle? et le compère Piarre a marié sa fille Simonette au gros Thomas pour un quarquié de vaigne qu'il avoit davantage que le jeune Robin, où alle avoit bouté son amiquié; et v'là que la pauvre criature en est devenue Jaune comme un coing, et n'a point profité tout depuis ce temps-là. C'est un bel exemple pour vous, monsieu. On n'a que son plaisir en ce monde, et j'aimerois mieux bailler à ma fille eun bon mari qui li fût agriable, que toutes les rentes de la Biausse.

GÉRONTE.

Peste! madame la nourrice, comme vous dégoisez! Taisezvous, je vous prie; vous prenez trop de soin, et vous échauffez votre lait.

LUCAS, frappant, à chaque phrase qu'il dit, sur l'épaule de Géronte.

Morguié! tais-toi, t'es eune impertinente. Monsieu n'a que faire de tes discours, et il sait ce qu'il a à faire. Mêle-toi de donner à teter à ton enfant, sans tant faire la raisonneuse. Monsieu est le père de sa fille, et il est bon et sage pour voir ce qu'il li faut.

GÉRONTE.

Tout doux! Oh! tout doux!

LUCAS, frappant encore sur l'épaule de Géronte. Monsieu, je veux un peu la mortifier, et li apprendre le res pect qu'alle vous doit.

GÉRONTE.

Oui. Mais ces gestes ne sont pas nécessaires.

SCÈNE III. — VALÈRE, SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.

VALÈRE.

Monsieur, préparez-vous. Voici notre médecin qui entre.
GÉRONTE, à Sganarelle.

Monsieur, je suis ravi de vous voir chez moi, et nous avons grand besoin de vous.

SGANARELLE, en robe de médecin, avec un chapeau des plus pointus.
Hippocrate dit... que nous nous couvrions tous deux.

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GÉRONTE.

Puisque Hippocrate le dit, il le faut faire.

SGANARELLE.

Monsieur le médecin, ayant appris les merveilleuses choses..

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Tout de bon, (Sganarelle prend un bâton et frappe Géronte.) Ah! ah! ah!

SGANARELLE.

Vous êtes médecin maintenant je n'ai jamais eu d'autres licences.

GÉRONTE, à Valère.

Quel diable d'homme m'avez-vous là amené?

VALÈRE.

Je vous ai bien dit que c'étoit un médecin goguenard,

GÉRONTE.

Oui mais je l'enverrois promener avec ses goguenarderies.

LUCAS.

Ne prenez pas garde à ça, monsieu, ce n'est que pour rire. GÉRONTE.

Cette raillerie ne me plaît pas.

SGANARELLE.

Monsieur, je vous demande pardon de la liberté que j'ai pris..

GÉRONTE.

Monsieur, je suis votre serviteur.

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Ne parlons plus de cela. Monsieur, j'ai une fille qui est tombée dans une étrange maladie.

SGANARELLE.

Je suis ravi, monsieur, que votre fille ait besoin de moi, et je souhaiterois de tout mon cœur que vous en eussiez besoin aussi, vous et toute votre famille, pour vous témoigner l'envie que j'ai de vous servir.

GÉRONTE.

Je vous suis obligé de ces sentimens.

SGANARELLE.

Je vous assure que c'est du meilleur de mon âme que je vous parle.

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Lucinde! Ah! beau nom à médicamenter! Lucinde!

GÉRONTE.

Je m'en vais voir un peu ce qu'elle fait.

SGANARELLE.

Qui est cette grande femme-là?

GÉRONTE.

C'est la nourrice d'un petit enfant que j'ai.

SCÈNE IV.

SGANARELLE, JACQUELINE, LUCAS.

SGANARELLE, à part.

Peste! le joli meuble que voilà! (Haut.) Ah! nourrice! charmante nourrice, ma médecine est la très-humble esclave de votre nourricerie, et je voudrois bien être le petit poupon fortuné qui tetât le lait de vos bonnes gràces. (Il lui porte la main sur le sein.} Tous mes remèdes, toute ma science, toute ma capacité est à votre service, et...

LUCAS,

Avec votre parmission, monsieu le médecin, laissez là ma femme, je vous prie.

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Ah! vraiment je ne savois pas cela, et je m'en réjouis pour l'amour de l'un et de l'autre.

Il fait semblant de vouloir embrasser Lucas, et embrasse la nourrice. LUCAS, tirant Sganarelle, et se remettant entre lui et sa femme. Tout doucement, s'il vous plaît.

SGANARELLE.

Je vous assure que je suis ravi que vous soyez unis ensemble : e la félicite d'avoir un mari comme vous; et je vous félicite, vous, d'avoir une femme si belle, si sage, et si bien faite comme elle cst.

Faisant encore semblant d'embrasser Lucas, qui lui tend les bras, il passe dessous, et embrasse encore la nourrice.

LUCAS, le tirant encore.

Eh! tétigué! point tant de complimens, je vous supplic.

SGANARELLE.

Ne voulez-vous pas que je me réjouisse avec vous d'un si bel assemblage?

LUCAS.

Avec moi tant qu'il vous plaira; mais, avec ma femme, trêve de sarimonie.

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