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vous voulez lui faire l'honneur de venir souper avec lui. (La statue baisse la tête.) Ah!

DON JUAN.

Qu'est-ce? qu'as-tu? dis donc! Veux-tu parler?

SGANARELLE, baissant la tête comme la statne.

La statue...

DON JUAN.

Eh bien, que veux-tu dire, traitre?

SGANARELLE.

Je vous dis que la statue...

DON JUAN.

Eh bien, la statue? Je t'assomme, si tu ne parles!

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Elle m'a fait signe, vous dis-je; il n'est rien de plus vrai. Allez-vous-en lui parler vous-même pour voir. Peut-être......

DON JUAN.

Viens, maraud, viens. Je te veux bien faire toucher au doigt ta poltronnerie. Prends garde. Le seigneur commandeur vou droit-il venir souper avec moi?

La statue baisse encore la tête.
SGANARELLE.

Je ne voudrois pas en tenir dix pistoles. Eh bien, monsieur?

Allons, sortons d'ici.

DON JUAN.

SGANARELLE, seul.

Voilà de mes esprits forts, qui ne veulent rien croire!

Pour: parier dix pistoles contre l'arrivée de la statue.

ACTE IV

Le théâtre représente l'appartement de don Juan.

SCÈNE I.

DON JUAN, SGANARELLE, RAGOTIN.

DON JUAN, à Sganarelle.

Quoi qu'il en soit, laissons cela; c'est une bagatelle, et nous pouvons avoir été trompés par un faux jour, ou surpris de quelque vapeur qui nous ait troublé la vue.

SGANARELLE.

Eh! monsieur, ne cherchez point à démentir ce que nous avons vu des yeux que voilà. Il n'est rien de plus véritable que ce signe de tête; et je ne doute point que le ciel, scandalisé de votre vie, n'ait produit ce miracle pour vous convaincre, et pour vous retirer de...

DON JUAN.

Écoute. Si tu m'importunes davantage de tes sottes moralités, si tu me dis encore le moindre mot là-dessus, je vais appeler quelqu'un, demander un nerf de bœuf, te faire tenir par trois ou quatre, et te rouer de mille coups. M'entends-tu bien?

SGANARELLE.

Fort bien, monsieur, le mieux du monde. Vous vous expliquez clairement; c'est ce qu'il y a de bon en vous, que vous n'allez point chercher de détours : vous dites les choses avec une netteté admirable.

DON JUAN.

Allons, qu'on me fasse souper le plus tôt que l'on pourra. Une chaise, petit garçon.

SCÈNE II. DON JUAN, SGANARELLE, LA VIOLETTE, RAGOTIN.

LA VIOLETTE.

Monsieur, voilà votre marchand, monsieur Dimanche, qui demande à vous parler.

SGANARELLE.

Bon! voilà ce qu'il nous faut, qu'un compliment de créancier. De quoi s'avise-t-il de nous venir demander de l'argent? et que ne lui disois-tu que monsieur n'y est pas?

LA VIOLETTE.

y a trois quarts d'heure que je lui dis; mais il ne veut pas le croire, et s'est assis là dedans pour attendre.

SGANARELLE.

Qu'il attende tant qu'il voudra.

DON JUAN.

Non, au contraire, faites-le entrer. C'est une fort mauvaise politique que de se faire celer aux créanciers. Il est bon de les payer de quelque chose; et j'ai le secret de les renvoyer satisfaits sans leur donner un double 1.

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DON JUAN, MONSIEUR DIMANCHE, SGANARELLE.
LA VIOLETTE, RAGOTIN.

DON JUAN.

Ah! monsieur Dimanche, approchez. Que je suis ravi de vous voir, et que je veux de mal à mes gens de ne vous pas faire entrer d'abord! J'avois donné ordre qu'on ne me fit parler à personne; mais cet ordre n'est pas pour vous, et vous êtes en droit de ne trouver jamais de porte fermée chez moi.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, je vous suis fort obligé.

DON JUAN, parlant à la Violette et à Ragolin.

Parbleu! coquins, je vous apprendrai à laisser monsieur Dimanche dans une antichambre, et je vous ferai connoître les gens!

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, cela n'est rien.

DON JUAN, à M. Dimanche.

Comment! vous dire que je n'y suis pas ! à monsieur Pimanche, au meilleur de mes amis !

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, je suis votre serviteur. J'étois venu......

Pour deux deniers.

DON JUAN.

Allons, vite un siége pour monsieur Dimanche.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, je suis bien comme cela.

DON JUAN.

Point, point, je veux que vous soyez assis contre moi.

MONSIEUR DIMANCHE.

Cela n'est point nécessaire.

DON JUAN.

Otez ce pliant, et apportez un fauteuil.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, vous vous moquez, et...

DON JUAN.

Non, non, je sais ce que je vous dois; et je ne veux point qu'on mette de différence entre nous deux.

Monsieur...

MONSIEUR DIMANCHE.

DON JUAN.

Allons, asseyez-vous.

MONSIEUR DIMANCHE.

Il n'est pas besoin, monsieur, et je n'ai qu'un mot à vous dire. J'étois...

DON JUAN.

Mettez-vous là, vous dis-je.

MONSIEUR DIMANCHE.

Non, monsieur, je suis bien. Je viens pour...

DON JUAN.

Non, je ne vous écoute point si vous n'êtes assis.

MONSIEUR DIMANCHE.

Monsieur, je fais ce que vous voulez. Je...

DON JUAN.

Parbleu! monsieur Dimanche, vous vous portez bien?

MONSIEUR DIMANCHE.

Oui, monsieur, pour vous rendre service. Je suis venu...

DON JUAN.

Vous avez un fonds de santé admirable, des lèvres fraîches, un teint vermeil et des yeux vifs.

MONSIEUR DIMANCHE.

Je voudrois bien...

DON JUAN.

Comment se porte madame Dimanche, votre épouse?

MONSIEUR DIMANCHE.

Fort bien, monsieur, Dieu merci.

DON JUAN.

C'est une brave femme.

MONSIEUR DIMANCHE.

Elle est votre servante, monsieur. Je venois...

DON JUAN.

Et votre petite fille Claudine, comment se porte-elle?

Le mieux du monde.

MONSIEUR DIMANCHE.

DON JUAN.

La jolie petite fille que c'est! je l'aime de tout mon cœur.

MONSIEUR DIMANCHE.

C'est trop d'honneur que vous lui faites, monsieur. Je vous...

DON JUAN.

Et le petit Collin, fait-il toujours bien du bruit avec son tambour?

MONSIEUR DIMANCHE.

Toujours de même, monsieur. Je...

DON JUAN.

Et votre petit chien Brusquet, gronde-t-il toujours aussi fort, et mord-il toujours bien aux jambes les gens qui vont chez vous?

MONSIEUR DIMANCHE.

Plus que jamais, monsieur; et nous ne saurions en chevir1.

DON JUAN.

Ne vous étonnez pas si je m'informe des nouvelles de toute la famille, car j'y prends beaucoup d'intérêt.

MONSIEUR DIMANCHE.

Nous vous sommes, monsieur, infiniment obligés. Je...
DON JUAN, lui tendant la main.

Touchez donc là, monsieur Dimanche. Êtes-vous bien de mes amis?

1 Pour venir à chef, achever, devenir maître. Archaïsme perdu, déjà suranné du temps de Molière, et qui s'était conservé dans la bourgeoisie.

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