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Desfougerais, Vallot, Brayer et Guénaud, se réunir à Vincennes et s'enquérir gravement de sa maladie. Vallot plaçait la maladie au poumon, Brayer à la rate, Desfougerais au mésentère, et Guénaud au foie. Ce dernier eut le dessus et emporta le malade.

«Laissons passer M. le docteur, s'écriait un jour un charretier parisien qui voyait venir à lui la mule de Guénaud : c'est lui qui nous a fait la grâce de tuer le cardinal; » tant le mépris de la médecine était devenu une opinion populaire. Guy-Patin et Gassendi avaient soulevé contre eux et leur hypocrisie doctorale l'indignation des classes élevées; Boileau et Pascal marchaient contre eux. Ce n'était pas à la médecine, mais au mensonge du savoir, que l'on en voulait; « déniaisés, désabusés, » esprits forts, tous ceux qui, comme Guy-Patin, s'étaient « débarrassés du sot, » prenaient parti avec Molière contre l'empirisme. Ce fut Boileau qui créa les noms grecs sous lesquels Molière ridiculisa, dans sa nouvelle farce, les quatre premiers médecins de la cour: vive jouissance pour le vieux Guy-Patin; s'il faut même l'en croire, on fabriqua des masques comiques représentant le visage des quatre empiriques sacrifiés.

Il faut reléguer parmi les fables ces anecdotes apocryphes d'après lesquelles Molière aurait vengé sur la Faculté les querelles particulières de deux femmes de la troupe. Les motifs du grand écrivain étaient plus profonds et plus naturels. Ses passions et ses études avaient altéré sa santé. Il travaillait beaucoup, souffrait infiniment; sa poitrine était attaquée, et, forcé de demander secours aux Hippocrates du temps, vivant de régime, mais mourant de ses passions, il ne tarda pas à découvrir le néant de leur art et le vide de leurs prétentions. Il venait d'éprouver qu'il était difficile d'attaquer les courtisans et dangereux d'attaquer la Sorbonne; il retomba sur les médecins, et leur fit éprouver toute la force de son génie.

AU LECTEUR

Ce n'est ici qu'un simple crayon, un petit impromptu dont le roi a voulu se faire un divertissement. Il est le plus précipité de tous ceux que Sa Majesté m'ait commandés; et, lorsque je dirai qu'il a été proposé, fait, appris et représenté en cinq jours, je ne dirai que ce qui est vrai. Il n'est pas nécessaire de vous avertir qu'il y a beaucoup de choses qui dépendent de l'action. On sait bien que les comédies ne sont faites que pour être jouées, et je ne conseille de lire celle-ci qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir, dans la lecture, tout le jeu du théâtre. Ce que je vous dirai, c'est qu'il seroit à souhaiter que ces sortes d'ouvrages pussent toujours se montrer à vous avec les ornemens qui les accompagnent chez le roi. Vous les verriez dans un état beaucoup plus supportable; et les airs et les symphonies de l'incomparable M. Lulli, mêlés à la beauté des voix et à l'adresse des danseurs, leur donnent sans doute des gràces dont ils ont toutes les peines du monde à se passer.

PERSONNAGES DU PROLOGUE

LA COMÉDIE.
LA MUSIQUE.

LE BALLET.

PERSONNAGES DE LA COMÉDIE

SGANARELLE, père de Lucinde.

LUCINDE, fille de Sganarelle.

CLITANDRE, amant de Lucinde.

AMINTE, voisine de Sganarelle.
LUCRÈCE, nièce de Sganarelle.
LISETTE, suivante de Lucinde.

M. GUILLAUME, marchand de tapisseries.
M. JOSSE, orfévre.

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CHAMPAGNE, valet de Sganarelle.

PERSONNAGES DU BALLET

PREMIÈRE ENtrée.

CHAMPAGNE, valet de Sganarelle, dansant.
QUATRE MÉDECINS, dansants.

DEUXIÈME ENTRÉE.

UN OPÉRATEUR, chantant.

TRIVELINS ET SCARAMOUCHES, dansants, de la suite de l'opérateur,

LA COMÉDIE.

TROISIÈME ENTRÉE.

LA MUSIQUE.

LE BALLET.

JEUX, RIS, PLAISIRS, dansants.

La scène est à Paris.

PROLOGUE

LA COMÉDIE, LA MUSIQUE, LE BALLET.

LA COMÉDIE.

Quittons, quittons notre vaine querelle;
Ne nous disputons point nos talens tour à tour;
Et d'une gloire plus belle
Piquons-nous en ce jour.

Voyez ci-après les notes, pages 95, 93, 97, 102.

Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.

LA MUSIQUE.

De ses travaux, plus grands qu'on ne peut croire,
Il se vient quelquefois délasser parmi nous.

LE BALLET.

Est-il de plus grande gloire?
Est-il bonheur plus doux?

TOUS TROIS ENSEMBLE.

Unissons-nous tous trois d'une ardeur sans seconde,
Pour donner du plaisir au plus grand roi du monde.

ACTE PREMIER

SCÈNE I. SGANARELLE, AMINTE, LUCRÈCE, M. GUILLAUME, M. JOSSE.

SGANARELLE.

Ab! l'étrange chose que la vie! et que je puis bien dire, avec ce grand philosophe de l'antiquité, que qui terre a guerre a, et qu'un malheur ne vient jamais sans l'autre ! Je n'avois qu'une seule femme, qui est morte.

M. GUILLAUME.

Et combien donc en voulez-vous avoir?

SGANARELLE.

Elle est morte, monsieur Guillaume, mon ami. Cette perte m'est très-sensible, et je ne puis m'en ressouvenir sans pleurer. Je n'étois pas fort satisfait de sa conduite, et nous avions le plus souvent dispute ensemble; mais enfin la mort rajuste toutes choses. Elle est morte; je la pleure. Si elle étoit en vie, nous nous querellerions. De tous les enfans que le ciel m'avoit donnés, il ne m'a laissé qu'une fille, et cette fille est toute ma peine; car enfin je la vois dans une mélancolie la plus sombre du monde,

dans une tristesse épouvantable, dont il n'y a pas moyen de la retirer, et dont je ne saurois même apprendre la cause. Pour moi, j'en perds l'esprit, et j'aurois besoin d'un bon conseil sur cette matière. (A Lucrèce.) Vous êtes ma nièce; (A Aminte.) vous, ma voisine; (A M. Guillaume et à M. Josse.) et vous, mes compères et mes amis; je vous prie de me conseiller tous ce que je dois faire.

M. JOSSE.

Pour moi, je tiens que la braverie et l'ajustement est la chose qui réjouit le plus les filles; et, si j'étois que de vous, je lui achèterois, dès aujourd'hui, une belle garniture de diamans, ou de rubis, ou d'émeraudes.

M. GUILLAUME.

Et moi, si j'étois en votre place, j'achèterois une belle tenture de tapisserie de verdure, ou à personnages, que je ferois mettre à sa chambre, pour lui réjouir l'esprit et la vue.

AMINTE.

Pour moi, je ne ferois pas tant de façons, et je la marierois fort bien, et le plus tôt que je pourrois, avec cette personne qui vous la fit, dit-on, demander il y a quelque temps.

LUCRÈCE.

Et moi, je tiens que votre fille n'est point du tout propre pour le mariage. Elle est d'une complexion trop délicate et trop peu saine, et c'est la vouloir envoyer bientôt en l'autre monde, que de l'exposer, comme elle est, à faire des enfans. Le monde n'est point du tout son fait, et je vous conseille de la mettre dans un couvent, où elle trouvera des divertissemens qui seront mieux de son humeur.

SGANARELLE.

Tous ces conseils sont admirables, assurément; mais je les tiens un peu intéressés, et trouve que vous me conseillez fort bien pour vous. Vous êtes orfévre, monsieur Josse; et votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise. Vous vendez des tapisseries, monsieur Guillaume, et vous avez la mine d'avoir quelque tenture qui vous incommode. Celui que vous aimez, ma voisine, a, dit-on, quelque inclination pour

1 Voyez la note, tome I, page 273.

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