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y aurait à bouleverser des habitudes prises depuis longtemps. Il faudrait donc que chaque année le budget de l'année suivante fût voté et promulgué au plus tard le 31 décembre. Mais en fait, très souvent, il n'en est pas ainsi. Les chambres ne discutent le budget que pendant la session extraordinaire de novembredécembre. Les députés, à l'occasion du budget, adressent de nombreuses questions et interpellations au gouvernement; le 1er janvier arrive que le vote du budget est loin d'être achevé même à la chambre; et il reste encore la discussion au sénat. Le budget de 1905 a été promulgué le 22 avril 1905 et celui de 1906, le 17 avril 1906. Mais le gouvernement, ne pouvant ni lever les impôts, ni engager les dépenses sans un vote du parlement, lui demande alors d'être autorisé provisoirement, c'est-à-dire en attendant que la loi générale du budget soit votée, à lever les impôts et à faire les dépenses nécessaires au fonctionnement des services publics pendant un, deux, trois mois ou plus, suivant les cas. Comme le montant des dépenses est ainsi évalué par mois, c'est-à-dire par douzième du montant total des dépenses annuelles, on appelle ce système le système des douzièmes provisoires.

Voici l'économie des lois de douzièmes provisoires. Dans un premier article, le parlement vote en bloc le chiffre auquel est évalué le montant total des dépenses pendant un, deux, trois mois ou plus, et décide que ces crédits seront répartis par ministère et par chapitre par un décret du président de la république. Puis la loi autorise la perception des contributions indirectes suivant les lois en vigueur, pendant le temps déterminé, un deux, trois mois ou plus. Habituellement on vise aussi (ce qui est d'ailleurs inutile) la loi des contributions directes (cf. supra), en général volée au mois de juillet. Ct. comme type de lois accordant des douzièmes provisoires les lois du 20 décembre 1905 et du 27 février 1906. Ces lois sont suivies d'un décret du président de la république faisant la répartition, par ministères et par chapitres pour chaque ministère, des crédits votés en bloc.

En Angleterre, le vote des acomples financiers est le système normal, le budget n'étant jamais voté que pendant l'année financière auquel il se rapporte (cf. infra). En France, le système des douzièmes provisoires, quoique fréquemment employé, reste quel

que chose d'exceptionnel et, étant donné notre organisation financière, présente de graves inconvénients, qui résultent précisément de ce que c'est un régime provisoire qui, par conséquent, laisse dans l'incertitude beaucoup de points qui ne seront réglés qu'après le vote définitif du budget. D'autre part, le système des douzièmes provisoires viole complètement la règle de la spécialité budgétaire, règle essentiellement protectrice. Les crédits sont votés en bloc et c'est le gouvernement qui fait lui-même la répartition par ministères et dans chaque ministère par chapitres. On a dit que cette répartition pourrait être faite par le parlement; mais étant donnée l'urgence qui existe toujours quand on a recours aux douzièmes provisoires, cela n'est pas possible. La vérité est que le parlement, s'il était soucieux de ses devoirs, devrait toujours, à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles, avoir achevé la discussion du budget au plus tard le 31 décembre de chaque année.

Vote du budget en Angleterre. On a souvent donné comme modèle le système suivi en Angleterre pour le vote du budget et on a proposé de l'introduire en France. Il suffit d'indiquer en quelques mots les grandes lignes du système anglais pour montrer qu'il serait en contradiction avec les principes de notre droit financier et en opposition complète avec nos habitudes.

Les dépenses y sont divisées en deux catégories. La première catégorie comprend les dépenses permanentes qui échappent à la règle de l'autorisation périodique et forment ce qu'on appelle les consolidated fund services. Toutes les autres dépenses constituent les supply services; elles sont énumérées dans les estimates annuels. Quant aux taxes, on les divise en trois catégories : celles qui sont votées chaque année, celles qui sont établies pour un certain nombre d'années, celles qui sont permanentes. Celles-ci ont été établies une fois pour toutes par un acte du parlement, et elles subsistent tant qu'un nouvel acte n'est pas venu les supprimer ou les modifier. En fait les 4/5 des taxes sont des taxes permanentes; il n'y a guère que l'impôt sur le revenu (income tax), l'impôt sur le thé et certains impôts nouveaux établis après la guerre du Transvaal qui soient des taxes annuelles.

L'année financière commence en Angleterre le 1er avril. La session parlementaire commence en général au mois de février. A ce moment, la chambre des communes est saisie des estimates, tableaux des dépenses des divers services. Elle en commence l'examen qui se prolonge en général jusque vers les mois de juillet ou d'août. Le gouvernement a donc besoin d'obtenir chaque année des acomptes. La chambre des communes les lui accorde successivement par une série de votes partiels (votes on account). Elle ouvre des crédits (supply) et elle accorde les fonds nécessaires, les voies et moyens (ways and means). Lorsque l'examen des estimates est terminé, un acle final (Act of appropriation) réunit tous les voles on account en les classant par chapitres et donne

l'autorisation finale d'acquitter les dépenses au moyen des ressources indiquées.

Cons. sur tous ces points, Tood-Walpole, Le gouvernement parlem. en Angleterre, édit. franç. 1900, II, p. 313 et suiv.; Anson, Loi el pratique const., édit. franç. 1903, I, p. 317 et suiv.; Boucard el Jèze, Sciences des finances, 1901, p. 127 et 193.

La loi des comptes. Le parlement n'a pas seulement compétence exclusive pour autoriser les dépenses, il a et il doit avoir encore le pouvoir de vérifier l'emploi qui a été fait des crédits ouverts. C'est une règle qui existe en France depuis la Restauration, que le règlement définitif du budget de chaque exercice doit être voté par le parlement et faire l'objet d'une loi qu'on appelle par abréviation la loi des comptes. Cf. L. 15 mai 1818, art. 102 et D. 31 mai 1862, art. 107, 153 et 154.

L'œuvre des chambres est préparée par la cour des comptes, qui, avant le 1er mai de l'année qui suit la clôture de l'exercice expiré (L. 25 janvier 1889, art. 7), doit remettre au ministre des finances la Déclaration générale de conformité, relative à cel exercice, pour être imprimée et distribuée au sénat et à la chambre, et aussi par la commission chargée de vérifier les comptes des ministres, qui est nommée à la fin de chaque année, par décret du président de la république, et qui se compose de sénateurs, de députés, de membres du conseil d'Etat et de la cour des comptes. Elle est chargée d'arrêter le grand livre de la comptabilité générale des finances au 31 décembre, et de constater la concordance des comptes des ministres avec les résultats des écritures centrales des finances. Procès-verbal de cette opération est dressé el remis au ministre des finances qui en donne communication aux chambres.

Les comptes des ministres sont évidemment des comptes de gestion, puisque les ministres sont ordonnateurs et point comptables. Le projet de loi de règlement des comptes est présenté par ministre des finances. Les comptes des ministres sont joints au projet. Ils comprennent l'ensemble des opérations qui ont eu lieu pour chaque service, depuis l'ouverture jusqu'à la clôture de l'exer cice. Le projet de règlement définitif du budget est présenté avec divisions en chapitres et articles; les comptes doivent être établis d'une manière uniforme et présenter les mêmes divisions que le budget (D.31 mai 1862, art. 107, 109, 153-155; L. 16 septembre 1871, art. 30; L. 28 décembre 1895, art. 53).

La présentation du projet de loi du règlement définitif du budget du dernier exercice clos et la production des comptes des ministres à l'appui, doivent avoir lieu au plus tard à l'ouverture de la session ordinaire des chambres qui suit la clôture de l'exercice

(L. 25 janvier 1889, art. 6). Les art. 3 et 4 de la même loi fixent les délais à l'expiration desquels l'exercice est clos; ces délais s'étendent, suivant les cas, pendant la deuxième année, jusqu'au 31 mars, 30 avril, 30 juin ou 31 juillet. Malgré les dispositions de la loi du 25 janvier 1889, la loi des comptes n'intervient habituellement qu'un certain nombre d'années après la clôture de l'exercice auquel elle se rapporle. C'est ainsi que le Journal officiel a publié seulement le 18 juillet 1906, la loi du 7 juillet 1906 portant règlement définitif du budget de l'exercice 1899.

Théoriquement, le vote de la loi des comptes est une chose très importante. C'est par là que les chambres peuvent exercer un contrôle effectif et direct sur l'emploi par les ministres des fonds mis à leur disposition et mettre en jeu la responsabilité civile des ministres (cf. § 146). Cependant aujourd'hui le vote de la loi des comptes passe à peu près inaperçu et se réduit en général à une simple formalité. Cela provient surtout du retard apporté au règlement du budget, d'où difficulté et même impossibilité de relever les irrégularités, les virements, les dépassements de crédits.

Cf. sur ce point le rapport au sénat de M. Milliès-Lacroix au nom de la commission pour le règlement du budget de 1898, 23 février 1904, J. off., Doc. parlem., sénat, 1904, p. 61 et suiv.; Delpech, Revue du droit public, 1904, p. 349.

Nous n'avons donné que des indications sommaires relativement aux attributions financières du parlement. Pour l'étude détaillée de ce point, on devra se reporter aux traités de législation financière et notamment aux ouvrages suivants, Leroy-Beaulieu, Législation et science des finances; Stourm, Le budget, 5e édit., 1906; Colson, Economie politique, III, 1905; Boucard et Jeze, Science des finances, 1902, p. 12 et suiv., et p. 1331 et suiv.; Besson, Le contrôle des budgets en France, 1899; Sarelle, Le contrôle du budget en France et en Angleterre, 1902.

F. Le sénat haute cour de justice.

132. Des cas où le sénat est constitué en haute cour de justice. Aux termes de l'art. 9 de la loi const. du 24 février 1875, le sénat peut être constitué en haute cour de justice pour juger soit le président de la république, soit les ministres et pour connaître des attentats commis contre la sûreté de l'Etat. Rap. L. 16 juillet 1875, art. 12.

Toutes nos constitutions ont confié le jugement de certains crimes politiques et de certaines personnes à des juridictions exceptionnelles. Les unes ont créé des hautes cours de justice ayant une

composition particulière. Les autres ont confié le jugement de ces crimes politiques et de ces catégories spéciales de personnes à une assemblée politique constituée en cour de justice.

La constitution de 1791 créait une haute cour nationale composée en principe des membres du tribunal de cassation et de hauts jurés et devant connaître des délits des ministres et agents principaux du pouvoir exécutif et des crimes qui attaqueraient la sûreté générale de l'Etat. Elle ne pouvait se réunir que sur la proclamation du corps législatif (Const. 1791, tit. III, chap. v, art. 23). La constitution de l'an III créait aussi une haute cour de justice pour juger les accusations du corps législatif contre ses membres et les membres du directoire. Elle était composée de cinq juges, de deux accusateurs nationaux et de hauts jurés (Const. an III, art. 265-273). La haute cour de justice créée par la constitution de l'an VIII (art. 73) fut maintenue par le sénatusconsulte du 28 floréal an XII; mais sa composition modifiée, mise en harmonie avec le régime impérial, et sa compétence très étendue (attentats et complots contre la sûreté de l'Etat. crimes et délits commis par les membres de la famille impériale, les sénateurs, les conseillers d'Etat, etc....) (Sénatusconsulte 28 floréal an XII, art. 101-133). La constitution de 1848 créa elle aussi une haute cour, qui était composée de cinq juges et de trente-six jurés et qui devait juger le président de la république, les ministres et les personnes prévenues de crimes contre la sûreté de l'Etat (art. 91-100). Enfin la constitution de 1852 créa une haute cour pour juger les personnes prévenues d'un crime contre la sûreté de l'Etat ou le chef de l'Etat et ne pouvant être saisie que par un décret (art. 54, 55). L'organisation en fut réglée par un sénatusconsulte du 10 juillet 1852, et le sénatusconsulte du 4 juin 1858 étendit sa compétence aux princes de la famille impériale. Cette haute cour fut supprimée par un décret du 4 novembre 1870.

Les Charles confièrent au contraire le jugement des crimes de haute trahison, des attentats à la sûreté de l'Etat et des crimes e! délits commis par certains personnages, à une assemblée politique, la chambre des pairs, qui devenait la cour des pairs (Charte 1814, art. 34, 35 et 55; Charte de 1830, art. 28, 29 et 47).

En Angleterre, la chambre des lords a conservé de ses premières origines, du temps où elle était le Magnum consilium, des attributions judiciaires; elle jugeait alors les accusations portées contre les grands officiers de la couronne. C'est pour cela que depuis le XIVe siècle on lui reconnaît compétence pour juger les ministres pour infraction commise dans l'exercice de leurs fonctions et traduits devant elle par la chambre des communes, suivant la procé dure de l'impeachment. A la fin du xvIIe siècle et au xvIe siècle, l'impeachment fut admis même pour les actes qui ne constituaient pas une infraction, mais seulement une faute grave, préjudiciable aux intérêts du pays. La chambre des lords avait un pouvoir complet d'appréciation quant au fait et quant à la peine. Cette procédure

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