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état de nos premiers parents; et il est nécessaire d'avoir cette doctrine constamment sous les yeux si l'on veut comprendre les ravages opérés dans l'homme par le péché d'Adam. Reprenons, à la lumière de ces notions, l'exposé de l'enseignement catholique sur la déchéance de l'humanité.

§ II.

Explication de l'enseignement catholique.

Adam et Eve posent donc un acte de désobéissance vis-à-vis de Dieu, leur maître, leur père et leur bienfaiteur; cet acte entraîne pour eux la perte de la justice et de la sainteté dans laquelle ils étaient établis; et enfin cette perte même cause un dérangement profond dans tout leur être, dans le sens et la mesure où nous l'avons marqué d'après le concile de Trente. Voilà trois choses distinctes.

Qu'est-ce donc qui est transmis aux descendants du premier homme? Qu'est-ce qui passe par la génération aux enfants qui naissent de ce premier couple prévaricateur? Serait-ce peut-être la faute même actuelle commise par la violation du précepte divin? Non, assurément; cet acte d'Adam lui est personnel, nous ne l'avons point posé, et la faute que cet acte constitue ne saurait être en nous. Point de contestation possible à cet égard. Tout acte est essentiellement passager de sa nature, il est le fait de celui qui le pose, il ne saurait être transmis à personne. Aussi jamais l'Eglise n'a-t-elle songé à ensei

gner que la faute actuelle commise par le premier homme dans la transgression du commandement divin fût transmise à ses descendants; elle a toujours cru le contraire. C'est pourquoi le concile de Trente distingue si soigneusement entre l'acte coupable d'Adam, qu'il attribue à Adam seul et non à ses descendants, et l'effet direct et immédiat de cet acte, savoir la perte de la justice et de la sainteté. Car par cet acte prévaricateur, essentiellement passager de sa nature, le père de l'espèce humaine perdit aussitôt la justice et la sainteté dont la grâce de Dieu l'avait revêtu. Et cette privation de la justice et de la sainteté affecte la nature humaine tout entière, qui fut dès lors dépouillée de la grâce, non plus seulement dans son chef, mais dans tous les individus qui devaient naître de lui. C'est là ce que définit le concile de Trente. Il frappe d'anathème quiconque prétend « que la prévarication d'Adam (voilà le péché actuel et purement personnel) a nui à lui seul, et non à sa race, et qu'il a perdu pour lui seul, et non pour nous aussi, la sainteté et la justice qu'il avait reçues de Dieu (1). » C'est précisément dans cette privation de la sainteté et de la justice que le Concile fait consister le péché que nous a légué notre premier père; et il déclare qu'il y a dans cette privation un péché véritable, le péché qui est la mort de l'âme. — Qu'est-ce en effet que la vie de l'âme dans le plan merveilleux sur lequel Dieu a daigné faire l'homme? La vie de l'âme consiste dans l'union intime, affectueuse et surnaturelle de l'âme avec Dieu, son principe, son soutien et son terme la vie de

(1) Sess. V, can. II.

l'âme consiste, suivant l'expression consacrée dans le langage chrétien, dans l'amitié de Dieu. C'est sous ces traits que l'Ecriture et l'Eglise nous peignent constamment cette vie qui n'est point une vie vulgaire et purement naturelle, mais une vie supérieure et divine, alimentée, non pas seulement par ce souffle nécessaire de Dieu sans lequel toute vie créée s'éteindrait sur-le-champ, mais par ce souffle plus doux, plus tendre et plus pénétrant qui se nomme la grâce. L'homme animé de cette vie n'est plus simplement un être créé de Dieu, il n'est plus seulement le sujet de Dieu, il en est l'ami, le confident, le fils bienaimé. Toutes ces notions seront reprises et développées plus tard lorsque nous traiterons ex professo de l'ordre surnaturel et de la grâce, nous ne les signalons ici que pour empêcher qu'on ne se méprenne sur la portée des paroles employées par le concile de Trente.

La vie de l'âme ainsi entendue et définie, il est aisé de comprendre ce que doit être la mort de l'âme causée par le péché. La mort de l'âme n'est autre chose que l'effet direct et immédiat de la rupture de cette union surnaturelle et affectueuse avec Dieu, et cette rupture est produite par le péché. L'homme donc chez qui cette union est rompue a perdu la vie de l'âme, son âme est morte devant Dieu, et il est en état de péché. Ainsi, comme par suite de la prévarication d'Adam nous naissons tous privés, dépouillés de la justice et de la sainteté qui formaient en lui cette vie supérieure de l'âme, nous naissons par là même dans l'état de mort de l'âme et par conséquent dans l'état de péché. Nous naissons véritablement dans le péché, non pas dans l'acte du péché, mais dans l'état de

péché, puisque nous naissons en état de rupture avec Dieu, privés de la justice et de la sainteté par lesquelles il avait voulu s'unir l'homme. Il y a donc dans cette privation de la justice et de la sainteté un péché véritable qui est réellement la mort de l'âme, comme s'exprime le concile de Trente. Et c'est bien là ce qui constitue proprement le péché que nous tenons tous de notre origine et que nous appelons le péché originel.

Le Concile déclare formellement que ce péché, dont nous venons de marquer la nature, se répand en tous par propagation, et non parimitation(propagatione, non imitatione transfusum omnibus), et qu'il devient inhérent et propre à chacun (inest unicuique proprium) (1). Ces paroles doivent être claires maintenant pour le lecteur qui a compris ce que nous venons de dire. La nature humaine, qui est tout entière dans le chef de l'humanité, est dépouillée de la justice et de la sainteté originelle, elle est constituée en état de rupture avec Dieu, en état de péché. Donc, quiconque naîtra d'Adam et participera de la nature humaine naîtra en état de péché, dépouillé de la justice et de la sainteté; il naîtra avec une nature privée de l'amitié de Dieu, séparée de lui, déchue de l'état surnaturel où elle avait été établie et pour lequel tout dans son être se montre disposé. Cet état de péché se transmet avec la nature et dans la transmission même de la nature; par conséquent il se transmet par propagation (propagatione) comme la nature elle-même. Et la nature ainsi transmise prenant une forme déterminée, une forme indi

(1) Loc. cit. can. III.

viduelle et personnelle, l'état de péché, qui lui est inhérent s'attache à cette forme particulière et propre où elle se détermine; et dès lors il devient le péché propre et personnel de cet individu, de cette personne où la nature subsiste sous une forme spéciale et distincte: en un mot, l'état de péché s'individualise et se personnifie avec la nature, absolument comme il se transmet avec elle et par elle. Il devient donc bien réellement, suivant l'expression du Concile prise dans toute sa rigueur, propre à chacun (inest unicuique proprium), exactement comme la nature humaine devient propre à chaque individu pour constituer sa personnalité.

Le péché originel se contractant par la transmission de la nature ou par la génération, il est clair que les enfants sont souillés par ce péché. De là la nécessité du baptême pour les purifier de cette souillure et leur rendre l'amitié de Dieu en les replaçant dans l'état surnaturel dont ils naissent déchus. C'est ce que déclare le Concile dans le IVe canon: « Les enfants... sont baptisés, dit-il,... pour que la régénération purifie en eux ce qu'ils ont contracté de souillure dans la génération (1). » C'est toujours le développement et l'application du même principe. Le baptême donne à l'homme dégradé une nouvelle naissance, il le régénère en le purifiant et en le relevant par la vertu de Jésus-Christ, seul médiateur désormais entre Dieu et l'humanité.

Expliquant de plus en plus en quoi consiste précisé

(1) « Parvuli... baptizantur, ut in eis regeneratione mundetur, quod generatione contraxerunt. »>

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