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J'aime que mon péril m'ait jetée en fes mains;
Et, files bruits communs ne font pas des bruits vains,
Si la bonté du ciel nous ramène mon frère,

Les vœux les plus ardens que mon coeur puiffe faire,
C'eft que fon bras encor fur un perfide fang
Puiffe aider à ce frère à reprendre fon rang;
Et par d'heureux fuccès d'une haute vaillance
Mériter tous les foins de fa reconnoiffance:
Mais avec tout cela, s'il pouffe mon courroux,
S'il ne purge fes feux de leurs tranfports jaloux,
Et ne les range aux loix que je lui veux prefcrire,
C'est inutilement qu'il prétend Done Elvire:
L'hymen ne peut nous joindre, & j'abhorre des noeuds
Qui deviendroient fans doute un enfer pour tous deux.
É LISE.

Bien que l'on pût avoir des fentimens tout autres,
C'est au Prince, Madame, à fe régler aux vôtres ;
Et dans votre billet ils font fi bien marqués,
Que quand il les verra de la forte expliqués....
D. ELVIRE.

Je n'y veux point, Elife, employer cette lettre,
C'est un foin qu'à ma bouche il me vaut mieux commettre.
La faveur d'un écrit laiffe aux mains d'un amant
Des témoins trop conftans de notre attachement:
Ainfi donc empêchez qu'au Prince on ne la livre.
É LIS E.

Toutes vos volontés font des loix qu'on doit fuivre.

J'admire cependant que le ciel ait jeté
Dans le goût des efprits tant de diverfité,
Et que, ce que les uns regardent comme outrage,
Soit vu par d'autres yeux fous un autre visage.
Pour moi, je trouverois mon fort tout-à-fait doux,
Si j'avois un amant qui pût être jaloux;
Je faurois m'applaudir de fon inquiétude,
Et ce qui pour mon ame eft souvent un peu rude,
C'est de voir Don Alvar ne prendre aucun fouci.....
D. ELVIRE.

Nous ne le croyions pas fi proche; le voici.

SCÈNE I I.

D. ELVIRE, D. ALVAR, ELISE.

D. ELVIRE.

VOTRE retour furprend; qu'avez-vous à m'apprendre?
Don Alphonfe vient-il, a-t-on lieu de l'attendre ?
D, AL VAR.

Oui, Madame, & ce frère en Caftille élevé,
De rentrer dans fes droits voit le tems arrivé.
Jufqu'ici Don Louis, qui vit à fa prudence
Par le feu roi mourant commettre fon enfance
A caché fes deftins aux yeux de tout l'état
Pour l'ôter aux fureurs du traître Maurégat;

Et bien
que le tyran, depuis fa lâche audace,
L'ait fouvent demandé pour lui rendre fa place,
·Jamais fon zèle ardent n'a pris de sûreté
A l'appât dangereux de fa fauffe équité:
Mais les peuples émus par cette violence
Que vous a voulu faire une injufte puiffance,
Ce généreux vieillard a cru qu'il étoit tems
D'éprouver le fuccès d'un espoir de vingt ans :
Il a tenté Léon, & fes fidèles trames

Des grands,comme du peuple,ont pratiqué les ames,
Tandis
que
la Caftille armoit dix mille bras
Pour redonner ce Prince aux vœux de fes états,
Il fait auparavant femer fa renommée,
Et ne veut le montrer qu'en tête d'une armée,
Que tout prêt à lancer le foudre puniffeur
Sous qui doit fuccomber un lâche raviffeur.
On investit Léon, & Don Sylve en personne
Commande le fecours que fon père vous donne.

D. ELVIRE.

Un fecours fi puiffant doit flatter notre espoir; Mais je crains que mon frère y puiffe trop devoir.

D. ALVAR.

Mais, Madame, admirez que malgré la tempête Que votre ufurpateur voit gronder fur la tête, Tous les bruits de Léon annoncent pour certain Qu'à la Comteffe Ignès il va donner la main.

D. EL VIR E.

Il cherche dans l'hymen de cette illustre fille
L'appui du grand crédit où fe voit fa famille:
Je ne reçois rien d'elle, & j'en fuis en fouci;
Mais fon cœur au tyran fut toujours endurci.
ÉLISE.

De trop puiffans motifs d'honneur & de tendreffe
Opposent ses refus aux noeuds dont on la preffe,

Pour....

D. ALVAR.

Le Prince entre ici.

SCÈNE II I.

DON GARCIE, D. ELVIRE, D. ALVAR, ELISE.

D. GARCIE.

Je viens m'intéreffer,

E

Madame, au douxefpoir qu'il vous vient d'annoncer.
Ce frère qui menace un tyran plein de crimes,
Flatte de mon amour les transports légitimes :
Son fort offre à mon bras des périls glorieux
Dont je puis faire hommage à l'éclat de vos yeux,
Et par eux m'acquérir, fi le Ciel m'eft propice,
La gloire d'un revers que vous doit sa justice,

Qui

Qui va faire à vos pieds cheoir l'infidélité,
Et rendre à votre fang toute fa dignité.
Mais ce qui plus me plaît d'une attente fi chèrë
C'eft que pour être roi, le ciel vous rend ce frère ;
Et qu'ainfi mon amour peut éclater au moins
Sans qu'à d'autres motifs on impute fes foins
Et qu'il foit foupçonné que dans votre perfonne
Il cherche à me gagner le droit d'une couronne.
Oui,tout mon cœur voudroit montrer aux yeux de tous,
Qu'il ne regarde en vous autre chofe que vous;
Et cent fois, fi je puis le dire fans offense,
Ses vœux fe font armés contre votre naiffance;
Leur chaleur indifcrette a d'un deftin plus bas
Souhaité le partage à vos divins appas;
Afin que de ce coeur le noble facrifice
Pût du ciel envers vous réparer l'injustice,
Et votre fort tenir des mains de mon amour
Tout ce qu'il doit au fang dont vous tenez le jour.
Mais puifqu'enfin les cieux de tout ce jufte hommage,
A mes feux prévenus dérobent l'avantage,
Trouvez bon que ces feux prennent un peu d'efpoir
Sur la mort que mon bras s'apprête à faire voir,
Et qu'ils ofent briguer par d'illuftres fervices
D'un frere & d'un état les fuffrages propices.

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Je fais que vous pouvez, Prince, en vengeant nos droits, Faire par votre amour parler cent beaux exploits :

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