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Mais ce n'eft pas affez pour le prix qu'il espère,
Que l'aveu d'un état, & la faveur d'un frère.
Dona Elvire n'eft pas au bout de cet effort,
Et je vous vois à vaincre un obstacle plus fort.
D. GARCIE.

Qui, Madame, j'entends ce que vous voulez dire.
Je fais bien que pour vous mon cœur en vain foupire;
Et l'obftacle puiffant qui s'oppofe à mes feux,
Sans que vous le nommiez, n'est pas fecret pour eux.
D. ELVIRE.

Souvent on entend mal ce qu'on croit bien entendre;
Et par trop de chaleur, Prince, on fe peur méprendre ;
Mais, puifqu'il faut parler, defirez-vous favoir
Quand vous pourrez me plaire,& prendre quelqu'efpoir?
D. GARCIE.

Ce me fera, Madame, une faveur extrême.
D. ELVIRE.

Quand vous faurez m'aimer comme il faut que l'on aime!
D. GARCI E.

Et

que peut-on, hélas ! observer fous les cieux, Qui ne cède à l'ardeur que m'infpirent vos yeux?

D. EL VIR E.

Quand votre paffion ne fera rien paroître

Dont fe puiffe indigner celle qui l'a fait naître.

D. GARCIE.

C'est-là son plus grand soin.

D. ELVIRE.

Quand tous fes mouvemens

Ne prendront point de moi de trop bas fentimens.

D. GARCIE.

Ils vous révèrent trop.

D. ELVIRE.

Quand d'un injufte ombrage

Votre raison faura me réparer l'outrage,
Et que vous bannirez enfin ce monftre affreux
Qui de fon noir venin empoisonne vos feux
Cette jaloufe humeur dont l'importun caprice
Aux vœux que vous m'offrez rend un mauvais office,
S'oppose à leur attente, & contre eux à tous coups
Arme les mouvemens de mon juste courroux.
D. GARCIE.

Ah! Madame, il eft vrai, quelque effort que je faffe,
Qu'un peu de jaloufie en mon cœur trouve place,
Et qu'un rival abfent de vos divins appas
Au repos de ce cœur vient livrer des combats.
Soit caprice ou raison, j'ai toujours la croyance
Que votre ame en ces lieux fouffre de fon abfence,
Et que, malgré mes foins, vos foupirs amoureux
Vont trouver à tous coups ce rival trop heureux

Mais fi de tels foupçons ont de quoi vous déplaire,
Il vous est bien facile, hélas ! de m'y fouftraire;
Et leur banniffement, dont j'accepte la loi,
Dépend bien plus de vous, qu'il ne dépend de moi;
Oui, c'est vous qui pouvez, par deux mots pleins de flamme,
Contre la jaloufie armer toute mon ame;

Et des pleines clartés d'un glorieux espoir,
Diffiper les horreurs que ce monftre y fait cheoir.
Daignez donc étouffer le doute qui m'accable,
Et faites qu'un aveu d'une bouche adorable
Me donne l'affurance, au fort de tant d'affauts,
Que je ne puis trouver dans le peu que je vaux.
D. ELVIRE.

Prince, de vos foupçons la tyrannie eft grande.
Au moindre mot qu'il dit, un cœur veut qu'on l'entende;
Et n'aime point ces feux, dont l'importunité
Demande qu'on s'explique avec plus de clarté.
Le premier mouvement qui découvre notre ame
Doit d'un amant discret fatisfaire la flamme;
Et c'est à s'en dédire autorifer nos vœux,
Que vouloir plus avant pouffer de tels aveux.
Je ne dis point quel choix, s'il m'étoit volontaire,
Entre Don Sylve & vous mon ame pourroit faire;
Mais vouloir vous contraindre à n'être point jaloux,
Auroit dit quelque chofe à tout autre que vous;
Et je croyois cet ordre un affez doux langage,
Pour n'avoir pas befoin d'en dire davantage.

Cependant votre amour n'eft pas encor content;
Il demande un aveu qui foit plus éclatant;
Pour l'ôter de fcrupule, il me faut à vous-même,
En des termes exprès, dire que je vous aime :
Et peut-être qu'encor, pour vous en affurer,
Vous vous obftineriez à m'en faire jurer.
D. GARCIE.

Hé bien, Madame, hé bien, je fuis trop téméraire,
De tout ce qui vous plaît je dois me fatisfaire.
Je ne demande point de plus grande clarté.
Je crois que vous avez pour moi quelque bonté,
Que d'un peu de pitié mon feu vous follicite,
Et je me vois heureux plus que je ne mérite.
C'en eft fait, je renonce à mes foupçons jaloux;
L'arrêt qui les condamne eft un arrêt bien doux,
Et je reçois la loi qu'il daigne me prescrire,
Pour affranchir mon coeur de leur injufte empire.
D. ELVIR E.

Vous promettez beaucoup, Prince, & je doute fort
Si vous pourrez fur vous faire ce grand effort.

D. GARCIE.

Ah, Madame, il fuffit, pour me rendre croyable,
Que ce qu'on vous promet doit être inviolable;
Et que l'heur d'obéir à fa divinité
Ouvre aux plus grands efforts trop de facilité!
Que le ciel me déclare une éternelle guerre,
Que je tombe à vos pieds d'un éclat de tommorre;

Ou pour périr encor par de plus rudes coups,
Puiffé-je voir fur moi fondre votre couroux,
Si jamais mon amour descend à la foiblesse
De manquer au devoir d'une telle promeffe ;
Si jamais dans mon ame aucun jaloux transport
Fait....

SCENE IV.

D. ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR, ELISE,
UN PAGE, préfentant un billet à D. Elvire,
D. ELVIRE.

J'EN étois en peine, & tu m'obliges fort.

Que le courier attende.

SCENE V.

D. ELVIRE, D. GARCIE, D. ALVAR, ELISE. D. ELVIRE bas à part.

A CES regards qu'il jette,

Vois-je pas que déjà cet écrit l'inquiette?
Prodigieux effet de son tempérament !

(haut.)

Qui vous arrête, Prince, au milieu du fermenta

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