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Et ne favois à quoi je devois recourir,
Pour fortir d'une peine à me faire mourir ;
Lorfqu'un carroffe fait de fuperbe manière,
Et comblé de laquais & devant & derrière,
S'eft avec un grand bruit devant nous arrêté,
D'où fautant un jeune homme amplement ajusté,
Mon importun & lui courant à l'embraffade,
Ont furpris les paffans de leur brufque incartade;
Et tandis que tous deux étoient précipités
Dans les convulfions de leurs civilités,
Je me fuis doucement efquivé fans rien dire;
Non fans avoir long-tems gémi d'un tel martyre
Et maudit le fâcheux, dont le zèle obftiné
M'ôtoit au rendez-vous qui m'eft ici donné.

LA MONTAGNE.

Ce font chagrins mêlés aux plaisirs de la vie.
Tout ne va pas, Monfieur, au gré de notre envie.
Le ciel veut qu'ici-bas chacun ait ses fâcheux,
Et les hommes feroient fans cela trop heureux.

ERASTE.

Mais de tous les fâcheux, le plus fâcheux encore
C'est Damis, le tuteur de celle que j'adore,
Qui rompt ce qu'à mes voeux elle donne d'efpoir,
Et malgré les bontés lui défend de me voir.
Je crains d'avoir déjà paffé l'heure promise,
Et c'est dans cette allée où devoit être Orphise.
Tome II. P

LA MONTAGNE.

L'heure d'un rendez-vous d'ordinaire s'étend, refferrée aux bornes d'un inftant.

Et n'eft pas

ERASTE.

Il eft vrai; mais je tremble, & mon amour extrême
D'un rien fe fait un crime envers celle que j'aime.
LA MONTAGNE.

Si ce parfait amour, que vous prouvez si bien,
Se fait vers votre objet un grand crime de rien,
Ce que fon cœur pour vous fent de feux légitimes,
En revanche, lui fait un rien de tous vos crimes.
ERASTE.

Mais, tout de bon, crois-tu que je fois d'elle aimé ?
LA MONTAGNE.

Quoi ! vous doutez encor d'un amour confirmé ?
ERASTE.

Ah, c'est mal-aifément qu'en pareille matière,
Un cœur bien enflammé prend affurance entière;
Il craint de fe flatter, &, dans fes divers foins,
Ce que plus il fouhaite, eft ce qu'il croit le moins;
Mais fongeons à trouver une beauté si rare.

LA MONTAGNE.

Monfieur, votre rabat par-devant fe fépare.

ERASTE.

N'importe.

112

LA MONTAGNE.

Laiffez-moi l'ajufter, s'il vous plaît.
ERASTE.

Ouf, tu m'étrangles; fat, laiffe-le comme il eft.

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LA MONTAGNE.

Souffrez qu'on peigne un peu ....

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Laiffe-les, tu prends trop de fouci, LA MONTAGNE.

Ils font tout chiffonnés.

ERASTE.

Je veux qu'ils foient ainfi

LA MONTAGNE. TOM

Accordez-moi du moins, par grace fingulière,
De frotter ce chapeau, qu'on voit plein de pouffière.

ERASTE.

Frotte donc, puisqu'il faut que j'en paffe par-là.

LA MONTAGNE.

Le voulez-vous porter fait comme le voilà

ERASTE.

Mon Dieu, dépêche-toi.

LA MONTAGNE.

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LA MONTAGNE.

En quel lieu vous êtes-vous fourré?
ERASTE.

T'es-tu de ce chapeau pour toujours emparé?

LA MONTAGNE.

C'est fait.

E.RASTE

207

Anis toDonne-moi donc.

LA MONTAGNE laiffant tomber le chapeau.

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A Le voilà par terre!

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Je fuis fort avancé. Que la fiévre te ferre! enor

LA MONTAGNE.I

Permettez qu'en deux coups j'ôte...

deux coups j'ôte.........ov xolnov ad

ERASTE.

Il ne me plaît pas.

Au diantre tout valet qui vous eft fur les bras,

Qui fatigue fon maître, & ne fait

que déplaire A force de vouloir trancher du néceffaire.

SCENE

II.

ORPHISE, ALCIDOR, ERASTE,

LA MONTAGNE.

(Orphife traverse le fond du théâtre, Alcidor lui. donne la main.)

ERASTE.

MAIS vois-je pas Orphise? Oui, c'estelle qui vient.. Ου va-t-elle si vîte, & quel homme la tient ? (Il la falue comme elle paffe, & elle en passant détourne la tête. )

SCENE III.

ERASTE, LA MONTAGNE,

QUOI

ERASTE.

UOI! me voir en ces lieux devant elle paroître, Et paffer en feignant de ne me pas connoître ! Que croire? Qu'en dis-tu? Parle donc, si tu veux.

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