Images de page
PDF
ePub

D. GARCIE.

J'ai cru que vous aviez quelque fecret enfemble, Et je ne voulois pas l'interrompre.

D. ELVIRE.

Il me fentble

Que vous me répondez d'un ton fort altéré.
Je vous vois tout-à-coup le vifage égaré.
Ce changement foudain a Tieu de me furprendre;
D'où peut-il provenir, le pourroit-on apprendre?
D. GARCIE.

D'un mal quitout-à-coup vient d'attaquermon cœur.
D. ELVIRE.

Souvent plus qu'on ne croit ces maux ont de rigueur, Et quelque prompt fecours vous feroit néceffaire. Mais encor, dites-moi, vous prend t'il d'ordinaire? D. GARCIE.

Par fois.

D. ELVIRE.

Ah, Prince foible, hébien, par cet écrit, Guériffez-le ce mal, il n'eft que dans l'esprit ! D. GARCIE.

Par cet écrit, Madame? Ah, ma main le refufe! Je vois votre pensée, & de quoi l'on m'accuse

Si...

D. EL VIRE.

Lifez-le, vous dis-je, & fatisfaites-vous.
D. GARCIE lit.

Pour me traiter après de foible, de jaloux?
Non, non, je dois ici vous rendre un témoignage
Qu'à mon cœur cet écrit n'a point donné d'ombrage;
Et bien que vos bontés m'en laiffent le pouvoir,
Pour me juftifier je ne veux point le voir.
D. ELVIRE,

Si vous vous obstinez à cette résistance,
J'aurois tort de vouloir vous faire violence;
Et c'est affez enfin que vous avoir presse
De voir de quelle main ce billet m'est tracé,
D. GARCIE.

Ma volonté toujours vous doit être foumife.
Si c'eft votre plaifir que pour vous je le life,
Je confens volontiers à prendre cet emploi.

D. ELVIRE.

Oui, oui, Prince, tenez, vous le lirez pour moi.
D GARCIE

C'est pour vous obéir au moins, & je puis dire...,
D. ELVIRE.

C'est ce que vous voudrez: dépêchez-vous de lire.
D. GARCIE.

[ocr errors]

Il eft de Done Ignès, à ce que je connoi.

D. ELVIRE.

Qui. Je m'en réjouis & pour vous &

pour moi.

1

D. GARCIE lit.

Malgré l'effort d'un long mépris

Le tyran toujours m'aime, & depuis votre abfence,
Vers moi, pour me porter au deffein qu'il a pris
Il femble avoir tourné toute fa violence,
Dont il pourfuivoit l'alliance

De vous & de fon fils.

Ceux qui fur moi peuvent avoir empire,
Par de lâches motifs qu'un faux honneur infpire
Approuvent tous cet indigne lien;

Mais je mourrai plutôt que de confentir rien.
Puiffiez-vous jouir, belle Elvire,

D'un deftin plus doux que le mien.

D. IGNÈS.

Dans la haute vertu fon ame eft affermie.

D. EL VIR E,

Je vais faire réponse à cette illuftre amie.
Cependant, apprenez, Prince, à vous mieux armer
Contre ce qui prend droit de vous trop alarmer,
J'ai calmé votre trouble avec cette lumière,
Et la chofe a paffe d'une douce manière ;
Mais, à n'en point mentir, il feroit des momens
Où je pourrois entrer en d'autres fentimens.

D. GARCI E

Hé quoi! vous croyez donc...........

[ocr errors]

D. ELVIRE.

Je crois ce qu'il faut croire.

Adieu. De mes avis confervez la mémoire ;

Et, s'il eft vrai

pour moi

que votre amour soit grand, Donnez-en à mon coeur les preuves qu'il prétend.

D. GARCIE.

Croyez que déformais c'est toute mon envie,
Et qu'avant d'y manquer, je veux perdre la vie.

[merged small][merged small][ocr errors]

ACTE II.

SCENE PREMIERE.

ELISE, D. LOPE.

ELISE.

TOUT ce que fait le Prince, à parler franchement,
N'eft pas ce qui me donne un grand étonnement;
Car que d'un noble amour une ame bien faifie
En pouffe les tranfports jufqu'à la jaloufie,
Que de doutes fréquens fes voeux foient traversés,
Il eft fort naturel, & je l'approuve affez:

Mais ce qui me furprend, Don Lope, c'eft d'entendre
Que vous lui préparez les foupçons qu'il doit prendre,
Que votre ame les forme, & qu'il n'eft en ces lieux
Fâcheux que par vos foins, jaloux que par vos yeux.
Encore un coup, Don Lope, une ame bien éprise,
Des foupçons qu'elle prend ne me rend point surprise;
Mais qu'on ait fans amour tous les foins d'un jaloux,
C'est une nouveauté qui n'appartient qu'à vous.

D. LOPE.

Que fur cette conduite à son aise l'on glose,
Chacun regle la fienne au but qu'il fe propofe;
Et, rebuté par vous des foins de mon

amour

Je fonge auprès du Prince à bien faire ma cour.

« PrécédentContinuer »