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Et, de ce que je tiens ne donnant point d'indice, Confondons fon efprit par fon propre artifice. La voici. Ma raifon, renferme mes tranfports Et rends-toi pour un tems maîtreffe du dehors.

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SCÈNE V.

D. ELVIRE, D. GARCIE.

D. ELVIR E..

ous avez bien voulu que je vous fiffe attendre à D. GARCIE bas, à part.

Ah! qu'elle cache bien...

D. ELVIRE.

On vient de nous apprendre

Que le Roi votre père approuve vos projets,
Et veut bien que fon fils nous rende nos fujets ;
Et mon ame en a pris une allégreffe extrême.
D. GARCIE.

Oui, Madame, & mon cœur s'en réjouit de même;
Mais...

D. ELVIRE.

Le tyran,

fans doute, aura peine à parer Les foudres que par-tout il entend murmurer ; Et j'ofe me flatter le même courage

que

Qui put bien me fouftraire à fa brutale rage,

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Et, dans les murs d'Aftorgue arraché de ses mains, Me faire un sûr asyle à braver ses deffeins, Pourra, de tout Léon, achevant la conquête, Sous fes nobles efforts faire cheoir cette tête.

D. GARCIE.

Le fuccès en pourra parler dans quelques jours.
Mais, de grace, paffons à quelqu'autre discours.
Puis-je, fans trop ofer, vous prier de me dire
A qui vous avez pris, Madame, foin d'écrire,
Depuis que le destin nous a conduit ici ?

D. EL VIRE.

Pourquoi cette demande, & d'où vient ce fouci ? D. GARCIE.

D'un defir curieux de pure fantaisie.

D. EL VIR E.

La curiofité naît de la jaloufie.

D. GARCIE.

Non, ce n'est rien du tout de ce que vous pensez ; Vos ordres de ce mal me défendent affez.

D. ELVIRE.

Sans chercher plus avant quel intérêt vous preffe,
J'ai deux fois à Léon écrit à la Comteffe,
Et deux fois au Marquis Don Louis à Burgos.
Avec cette réponse êtes-vous en repos?

D. GARCIE.

Vous n'avez point écrit à quelqu'autre perfonne,

Madame?

D. ELVIRE.

Non, fans doute, & ce difcours m'étonne,
D. GARCIE.

De grace, fongez bien, avant que d'affurer.
En manquant de mémoire, on peut se parjurer.
D. ELVIRE.

Ma bouche, fur ce point, ne peut être parjure.
D. GARCIE.

Elle a dit toutefois une haute imposture.

D. ELVIRE.

Prince?

D. GARCIE.

Madame ?

D. ELVIRE.

O ciel ! quel eft ce mouvement?

Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement ?

D. GARCIE.

Oui, oui, je l'ai perdu, lorfque dans votre vue J'ai pris, pour mon malheur, le poison qui me tue, Et que j'ai cru trouver quelque fincérité

Dans les traîtres appas dont je fus enchanté.

D. ELVIR E.

De quelle trahifon pouvez-vous donc vous plaindre?

D. GARCI E.

Ah! que ce cœur eft double, & fait bien l'art de feindre!
Mais tous moyens de fuir lui vont être foustraits.
Jetez ici les yeux, & connoiffez vos traits.
Sans avoir vu le reste, il m'est affez facile
De découvrir pour qui vous employez ce style.
ELVIRE.

D.

Voilà donc le fujet qui vous trouble l'esprit ?
D. GARCIE.

Vous ne rougiffez pas en voyant cet écrit ?
D. EL VIR E.

L'innocence à rougir n'est point accoutumée.
D. GARCIE.

Il est vrai qu'en ces lieux on la voit opprimée.
Ce billet démenti pour n'avoir point de feing...
D. EL VIR E.

Pourquoi le démentir, puisqu'il eft de ma main ?

D. GARCIE.

pure,

Encore eft-ce beaucoup que, de franchise
Vous demeuriez d'accord que c'eft votre écriture;
Mais ce fera, fans doute, & j'en ferois garant,
Un billet qu'on envoie à quelque indifférent ;
Ou du moins, ce qu'il a de tendreffe évidente,
Sera pour une amie, ou pour quelque parente.

D. EL VIR E.

Non, c'eft pour un amant que ma main l'a formé;
Et, j'ajoute de plus, pour un amant aimé.

D. GARCIE.

Et je puis, ô perfide!...

D. EL VIR E.

Arrêtez, Prince indigne,

De ce lâche tranfport l'égarement infigne.
Bien que de vous mon cœur ne prenne point de loi,
Et ne doive en ces lieux aucun compte qu'à foi,
Je veux bien me purger, pour votre seul fupplice,
Du crime que m'impofe un infolent caprice.
Vous ferez éclairci, n'en doutez nullement.
J'ai ma défense prête en ce même moment.
Vous allez recevoir une pleine lumière.
Mon innocence ici paroîtra toute entière ;
Et je veux, vous mettant juge en votre intérêt,
Vous faire prononcer vous-même votre arrêt.

Ce font propos

D. GARCIE.

obfcurs qu'on ne fauroit comprendre.

D. ELVIRE.

Bientôt à vos dépens vous me pourrez entendre.
Elife, holà.

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