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AVERTISSEMENT

DE L'ÉDITEUR

SUR DON GARCIE DE NAVARRE; ou LE PRINCE JALOUX.

CETTE Pièce fut jouée à Paris le 4 Février 1661, trois mois après que le Roi eut accordé à la Troupe de Molière la Salle que le Cardinal de Richelieu avoit fait bâtir dans fon Palais.

Le début de Molière dans ce nouvel établiffement fut bien moins heureux que celui qu'il avoit fait fur le Théâtre du Petit Bourbon.

Don Garcie de Navarre n'eut aucun fuccès, & l'on traita plus durement encore Molière comme Acteur que comme Auteur. Il fuffit de vous dire, écrit le fieur de Vife dans la troifième partie de fes Nouvelles Nouvelles, pag. 227, que c'étoit une pièce ferieufe, & que Molière en avoit le premier rôle, pour vous faire connoître que l'on ne s'y devoit pas beaucoup divertir.

Il avoit en effet encore moins de difpofitions pour jouer le genre férieux que pour le traiter, & fon obftination à s'y faire voir trop long-temps, & même dans le tragique, fervit toujours l'envie & la malignité de fes ennemis.

Ce premier échec de Molière leur étoit bien néceffaire, & l'on ne fauroit douter que leur humeur contre lui n'ait rendu cette difgrace plus confidérable qu'elle ne devoit l'être, puifqu'il y avoit alors peu de pièces auffi bien faites & auffi gement intriguées que celle du Prince Jaloux.

Plufieurs morceaux de cet ouvrage qu'il a tranfportés depuis dans fon Mifantrope & dans fon Amphitrion, font peut-être la raison la plus forte qui puiffe empêcher de le reproduire aujourd'hui fug notre Théâtre, où les efforts de nos Écrivains tendent tous à nous accoutumer au genre férieux, toujours plus aifé à traiter que le genre plaifant.

être

Le caractère de Don Garcie dont Molière s'étoit chargé, & qu'il fut obligé de céder à un autre Acteur', a fervi de modèle à tous les Écrivains qui, depuis notre Auteur, ont traité la jalousie fur nos Théâtres; mais il leur eft arrivé à-peu-près ce qu'éprouva Molière, en ne prenant point cette paffion du côté du ridicule. La jaloufie ne peut ni mieux peinte ni fuivie avec plus de vérité & de gradation, mais la trifteffe de ce fentiment chez les fouteGrands en rend l'injustice & les excès peu nables ailleurs que dans le tragique. Cette épreuve fut une leçon utile pour Molière, qui ne confidéra plus la jaloufre que dans l'ordre bourgeois, où fa

1 Voyez la Vengeance des Marquis par de Villiers.

naïveté & fa folie furent déformais pour lui une fource intariffable de gaîté. On apprendra, dit M. Riccoboni, dans le Prince Jaloux, le Cocu Imaginaire, le George-Dandin, &c. à tirer d'une feule paffion une fi grande diverfité de fujets.

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On ignore ce qu'a voulu dire l'Éditeur de 1734, lorfqu'il a avancé que le fond de cette pièce, tirée de l'Espagnol, eft vicieux. On n'apperçoit rien qui puiffe fonder cette opinion. La fable de l'ouvrage eft noble & fage, & n'a contre elle que le férieux qui la perdit. Les rires qu'avoient excité les Précieufes & le Cocu Imaginaires, fembloient avoir interdit à Molière toute autre voie d'amufer fes fpectateurs. Il rifqua prefque toujours de déplaire, lorsqu'il voulut prendre un ton plus élevé que celui de fes premiers ouvrages.

Quoi qu'il en foit, il fubit avec modestie l'arrêt févère du public. Il paroît même qu'il avoit deffein que cette Comédie héroïque ne parût jamais, puifqu'il en tranfporta beaucoup de vers dans deux de fes meilleures pièces.

Le Prince Jaloux ne fut imprimé qu'après fa mort, dans le feptième volume de l'édition de 1682. A l'égard des vers dont Molière a fait un

1 L'Auteur Espagnol s'appeloit Cicognini, à ce que di la Bibliothèque des Théâtres.

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fecond emploi, voyez la Scène 5 de l'Acte 2, lą Scène 8 de l'Acte 4 de Dan Garcie, & la Scène du 4o Acte du Misantrope; voyez auffi la Scène 8 de l'Acte 2 d'Amphitrion.

On ne fera point de Remarques particulières fur cette Comédie, puifqu'elle eft perdue pour le Théâtre. On fe bornera à obferver qu'on trouve dans la dernière Scène une faute qu'on n'a point apperçue dans toutes les autres pièces de Molière, c'est d'avoir donné trois fyllabes au mot gaité, en l'écrivant ainfi, gayeté.

Mais je vous avouerai que cette gayeté, &c.

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ACTE PREMIER,

SCENE PREMIERE.
D. ELVIRE, ELISE

D. EL VIR E..

NON,cen'eft point un choix, qui, pour ces deux amans,
Sut régler de mon coeur les fecrets fentimens;
Et le prince n'a point, dans tout ce qu'il peut être,
Ce qui fit préférer l'amour qu'il fait paroître.

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