Images de page
PDF
ePub

Bourfault, homme alors de la plus grande médiocrité, & qui jufques-là n'avoit encore rien offert des talens qu'il devoit montrer par la fuite dans fes deux Efopes; Bourfault, dis-je, fe reconnur dans le perfonnage de Lyfidas, & préfenta bientôt fur le Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne le Portrait du Peintre, espèce de petit Drame miférable, modelé exactement pour la forme fur celui de notre Auteur; mais pefant, ennuyeux & fade, par la grof fiéreté de l'ironie qui y règne.

S'il y eut un trait qui pût offenfer Molière, ce fut celui qui annonça une clef imprimée de fa pièce. L'ouvrage qui fuivit de près la Critique de l'Ecole des Femmes, prouve affez qu'il y fur trop fenfible, puifque Bourfault fut joué fous fon propre nom, auffi bien que les Acteurs de l'Hôtel de Bourgogne, dans l'Impromptu de Versailles.

On prétend que Molière eut tort, dans fa Critique, de vouloir juftifer la Tarte à la crême, & quelques autres baffeffes de ftyle qui lui étoient échappées. Nous ofons être d'un autre avis. Ce que l'Auteur refpectable de cette Remarque appelle des baffeffes de ftyle, en font-elles réellement?

Molière avoit voulu peindre une franche innocente à qui l'amour feul fait appercevoir un inf tinct & même un efprit qu'on avoit étouffé jufqueslà, par l'éducation la plus contrainte & la plus groffière.

Il eft peu de gens qui, dans leur jeuneffe, en jouant au jeu du corbillon, n'ayent rencontré dans l'un ou l'autre fexe, des imbécilles qui, comme Agnès, trouvent quelque chofe d'auffi ridicule que Tarte à la crême, & d'auffi éloigné de la rime qu'il faut obferver dans la réponse. Peut-être Molière ne fit-il, en cet endroit, que fe rappeler ce qu'il avoit entendu de pareils traits ne s'imaginent pas plus que celui du Grand Flandrin, qui crache dans un puits pour faire des ronds.

:

Mais oferions-nous conjecturer que le vers où fe trouve la Tarte à la crême, peut avoir été conçu par Molière autrement qu'il ne fe débite au théâtre ? En le récitant ainsi :

Je veux qu'elle réponde... une.. tarte à la crême. cela diminue beaucoup cette prétendue baffeffe de style, dont on a fait de fi grands cris; parce qu'alors c'eft Arnolphe lui-même qui, cherchant une naïve. té à faire répondre à Agnès, faifit le premier mot ridicule qui lui vient à la tête.

La plupart des autres groffiéretés, telles que celles des puces ou des enfans par l'oreille, font également dans la nature du caractère que peignoit Molière. Le ftérile rigorifme du bon ton n'exerçoit point encore fon empire, & l'on n'avoit pas alors fi généralement l'injuftice de demander aux Écrivains l'imitation de la nature, en leur interdisant une par

tie des couleurs qui fervent à la peindre avec fidélité.

Il en eft de même de ce qu'on reproche à Alain & à Georgette, deux domestiques choifis pour entretenir Agnès dans fa fottife, & qu'Arnolphe ne chériffoit que parce qu'ils étoient tels que l'Auteur nous les peint. Molière eut dont raison de se justifier & de couvrir de ridicule les critiques puériles que l'envie, l'ignorance, & fur-tout le bel-efprit, toujours fi éloigné du vrai, faifoient de fon inimitable comédie.

La Critique de l'École des Femmes étoit le premier Drame de cette espèce qu'on eût vu ; & quoiqu'on fe foit beaucoup exercé depuis dans ce genre, il eft le feul qu'on puiffe lire avec plaisir, parce qu'il eft le feul qui ait autant d'efprit, de naturel, de comique & de gaîté.

Nous ne devons pas oublier que dans le portrait que Molière fait de lui dans la fcène 2. il nous apprend qu'il avoit une pareffe naturelle à foutenir laconverfation.

'444

A LA REINE MERE,

MADAME,

Je fais bien que VOTRE MAJESTÉ n'a que faire de toutes mes dédicaces, & que ces prétendus devoirs dont on lui dit élégamment qu'on s'acquitte envers ELLE, font des hommages, à dire vrai, dont ELLE nous difpenferoit très-volontiers. Mais je ne laiffe pas d'avoir l'audace de lui dédier la Critique de l'École des Femmes ; & je n'ai pu refufer cette petite occafion de pouvoir témoigner ma joie à VOTRE MAJESTÉ, fur cette heureufe convalefcence, qui redonne à nos vœux la plus grande & la meilleure Princeffe du monde, & nous promet en ELLE de longues années d'une fanté vigoureufe. Comme chacun regarde les chofes du côte de ce qui les touche, je me réjouis dans sette allégreffe générale, de pouvoir encore avoir l'honneur de divertir VOTRE MAJESTÉ. ELLE MADAME, qui prouve fi bien que la véritable dé

votion n'eft point contraire aux honnêtes divertiffe mens; qui, de fes hautes penfees, & de fes importantes occupations, defcend fi humainement dans le plaifir de nos fpectacles, & ne dédaigne pas de rire de cette même bouche, dont ELLE prie fi bien Dieu, Je flatte, dis-je, mon efprit, de l'espérance de cette gloire ; j'en attends le moment avec toutes les impatiences du monde ; & quand je jouirai de ce bonheur, ce fera la plus grande joie que puiffe recevoir

MADAME,

DE VOTRE MAJESTÉ;

Le très-humble, très-obéiffant & très-fidèle ferviteur

MOLIÈRE2

« PrécédentContinuer »