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Déjà de ce moment la barbare longueur
Sous fes cuifans remords fait fuccomber mon cœur,
Et de mille vautours les bleffures cruelles
N'ont rien de comparable à fes douleurs mortelles.
Madame, vous n'avez qu'à me le déclarer,
S'il n'eft point de pardon que je doive espérer
Cette épée auffi-tôt, par un coup favorable,
Va percer à vos yeux le cœur d'un misérable ;
Ce cœur, ce traître cœur, dont les perplexités
Ont fi fort outragé vos extrêmes bontés :
Trop heureux en mourant, fi ce coup légitime
Efface en votre efprit l'image de mon crime,
Et ne laiffe aucuns traits de votre averfion
Au foible fouvenir de mon affection:
C'est l'unique faveur que demande ma flamme.

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Faut-il encor pour vous conferver des bontés, Et vous voir m'outrager par tant d'indignités ?

D. GARCIE.

Un cœur ne peut jamais outrager quand il aime; fait l'amour, il l'excuse lui-même.

Et ce que

D. ELVIR E.

L'amour n'excufe point de tels emportemens.

D. GARCIE.

Tout ce qu'il a d'ardeur paffe en fes mouvemens; Et plus il devient fort, plus il trouve de peine...

D. EL VIR E.

Non, ne m'en parlez point, vous méritez ma haine. D. GARCI E.

Vous me haïffez donc ?

D. EL VIR E.

J'y veux tâcher au moins: Mais, hélas ! je crains bien que j'y perde mes foins Et que tout le courroux qu'excite votre offense Ne puiffe jufques-là faire aller ma vengeance. D. GARCIE.

D'un fupplice fi grand ne tentez point l'effort, Puifque pour vous venger je vous offre ma mort ; Prononcez-en l'arrêt, & j'obéis fur l'heure.

D. ELVIR E.

Qui ne fauroit haïr, ne peut vouloir qu'on meure.
D. GARCIE.

Et moi, je ne puis vivre, à moins que vos bontés
Accordent un pardon à mes témérités.
Réfolvez l'un des deux, de punir ou d'abfoudre.
D. EL VIR E.

Hélas! j'ai trop fait voir ce que je puis réfoudre

Par l'aveu d'un pardon ; n'eft-ce pas fe trahir,
Que dire au criminel qu'on ne le peut haïr?
D. GARCIE.

Ah! c'en eft trop; fouffrez, adorable Princeffe....
D. ELVIRE.

Laiffez; je me veux mal d'une telle foibleffe.
D. GARCIE feul.

Enfin je fuis...

SCÈNE VII.

D. GARCIE, D. LOPE

D. LOPE

SEIGNEUR, je viens vous informer

D'un fecret dont vos feux ont droit de s'alarmer.

D. GARCI E.

Ne me viens point parler de fecret ni d'alarme
Dans les doux mouvemens du tranfport qui me charme.
Après ce qu'à mes yeux on vient de présenter,
Il n'eft point de foupçons que je doive écouter;
Et d'un divin objet la bonté fans pareille

A tous ces vains rapports doit fermer mon oreille,
Ne m'en fais plus.

D. LOPE.

Seigneur, je veux ce qu'il vous plaît;

Mes foins entout ceci n'ont que votre intérêt.

J'ai cru que le fecret que je viens de furprendre,
Méritoit bien qu'en hâte on vous le vînt apprendre;
Mais puifque vous voulez que je n'en touche rien,
Je vous dirai, Seigneur, pour changer d'entretien,
Que déjà dans Léon on voit chaque famille
Lever le mafque au bruit des troupes de Castille,
fur-tout le peuple y fait pour fon vrai roi
Un éclat à donner au tyran de l'effroi.

Et

que

D. GARCI E.

La Castille du moins n'aura pas la victoire,
Sans que nous effayions d'en partager la gloire;
Et nos troupes auffi peuvent être en état
D'imprimer quelque crainte au cœur de Maurégat.
Mais quel eft ce fecret dont tu voulois m'instruire?
Voyons un peu.

D. LO PE.

Seigneur, je n'ai rien à vous dire.

D. GARCI E.

Va, va, parles, mon cœur t'en donne le pouvoir. D. LO PE.

Vos paroles, Seigneur, m'en ont trop fait savoir, Et, puifque mes avis ont de quoi vous déplaire, Je faurai déformais trouver l'art de me taire.

D. GARCIE.

Enfin, je veux favoir la chofe abfolument.

D. LOPE.

Je ne réplique point à ce commandement.

Mais, Seigneur, en ce lieu le devoir de mon zèle,
Trahiroit le fecret d'une telle nouvelle.

Sortons pour vous l'apprendre ; &, fans rien embraffer,
Vous-même vous verrez ce qu'on en doit penfer.

Fin du fecond Acte.

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