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ACTE III.

SCÈNE PREMIÈRE.

D. ELVIRE, ÉLISE.

D. ELVIR E.

ELISE, que dis-tu de l'étrange foiblesse

Que vient de témoigner le cœur d'une Princesse ?
Que dis-tu de me voir tomber fi promptement
De toute la chaleur de mon ressentiment ?
Et, malgré tant d'éclat, relâcher mon courage
Au pardon trop honteux d'un fi cruel outrage?
É LISE.

Moi, je dis

, je dis que d'un d'un cœur que nous pouvons chérir, Une injure fans doute eft bien dure à souffrir : Mais que, s'il n'en est point qui davantage irrite, Il n'en eft point auffi qu'on pardonne si vîte, Et qu'un coupable aimé triomphe à nos genoux De tous les prompts transports du plus bouillant courroux, D'autant plus aisément, Madame, quand l'offense Dans un excès d'amour peut trouver sa naissance. Ainfi, quelque dépit que l'on vous ait cause, Je ne m'étonne point de le voir appaisé ; Et je fais quel pouvoir, malgré votre menace, A de pareils forfaits donnera toujours grace.

D. ELVIRE.

D. EL VIR E.

Ah! fache, quelque ardeur qui m'impose des lois,
Que mon front a rougi pour la dernière fois;
Et que, fi déformais on pouffe ma colère,
Il n'est point de retour qu'il faille qu'on espère.
Quand je pourrois reprendre un tendre fentiment,
C'est affez contre lui que l'éclat d'un ferment:
Car enfin, un efprit qu'un peu d'orgueil inspire,
Trouve beaucoup de honte à fe pouvoir dédire ;
Et fouvent, aux dépens d'un pénible combat,
Fait fur fes propres voeux un illuftre attentat,
S'obstine par honneur, & n'a rien qu'il n'immole
A la noble fierté de tenir fa parole.

Ainfi, dans le pardon que l'on vient d'obtenir,
Ne prends point de clartés pour régler l'avenir;
Et, quoi qu'à mes deftins la fortune prépare,
Crois que je ne puis être au Prince de Navarre,
Que, de ces noirs accès qui troublent fa raison,
Il n'ait fait éclater l'entière guérifon,

Et réduit tout mon cœur, que ce mal perfécute, A n'en plus redouter l'affront d'une rechûte. ÉLISE.

Mais quel affront nous fait le tranfport d'un jaloux

D. ELVIRE.

En eft-il un qui foit plus digne de courroux ?
Et, puifque notre coeur fait un effort extrême
Lorsqu'il se peut réfoudre à confeffer qu'il aime,
Tome II,

D

Puifque l'honneur du fexe en tout tems rigoureux
Oppose un fort obstacle à de pareils aveux,
L'amant qui voit pour lui franchir un tel obstacle,
Doit-il impunément douter de cet oracle?
Et n'eft-il pas coupable, alors qu'il ne croit pas
Ce qu'on ne dit jamais qu'après de grands combats?
ÉLISE.

Moi, je tiens que toujours un peu de défiance
En ces occafions n'a rien qui nous offense;
Et qu'il eft dangereux qu'un cœur qu'on a charmé,
Soit trop perfuadé, Madame, d'être aimé:
Si...

D. ELVIR E.

N'en difputons plus. Chacun a fa pensée. C'est un scrupule enfin dont mon ame est blessée; Et, contre mes defirs, je sens je ne fais quoi Me prédire un éclat entre le Prince & moi, Qui, malgré ce qu'on doit aux vertus dont il brille... Mais, ô ciel, en ces lieux Don Sylve de Castille!

SCENE II.

DONE ELVIRE, DON ALPHONSE. cru Don Sylve, ÉLISE.

D. EL VIR E.

AH! Seigneur, par quel fort vous vois-je maintenant

D. ALPHONSE.

Je fais que mon abord, Madame, eft furprenant,
Et qu'être fans éclat entré dans cette ville,
Dont l'ordre d'un rival rend l'accès difficile,
Qu'avoir pu me fouftraire aux yeux de fes foldats,
C'est un événement que vous n'attendiez pas.
Mais fi j'ai dans ces lieux franchi quelques obftacles,
L'ardeur de vous revoir peut bien d'autres miracles;
Tout mon cœur a fenti par de trop rudes coups
Le rigoureux deftin d'être éloigné de vous,
Et je n'ai pu nier au tourment qui le tue,
Quelques momens fecrets d'une fi chère vue.
Je viens vous dire donc que je rends grace aux cieux
De vous voir hors des mains d'un tyran odieux;
Mais parmi les douceurs d'une telle aventure,
Ce qui m'eft un fujet d'éternelle torture,
C'est de voir qu'à mon bras les rigueurs de mon fort
Ont envié l'honneur de cet illuftre effort,

Et fait à mon rival, avec trop d'injustice,

Offrir les doux périls d'un si fameux service.
Oui, Madame, j'avois, pour rompre vos liens,
Des fentimens, fans doute, auffi beaux que les fiens;
Et je pouvois pour vous gagner cette victoire,
Si le ciel n'eût voulu m'en dérober la gloire.

D. ELVIRE.

Je fais, Seigneur, je fais que vous avez un cœur
Qui des plus grands périls vous peut rendre vainqueur;
Et je ne doute point que ce généreux zèle

Dont la chaleur vous pouffe à venger ma querelle,
N'eût, contre les efforts d'un indigne projet,
Pu faire en ma faveur tout ce qu'un autre a fait.
Mais, fans cette action dont vous étiez capable,
Mon fort à la Castille est affez redevable.
On fait ce qu'en ami plein d'ardeur & de foi
Le Comte votre père a fait pour le feu Roi:
Après l'avoir aidé jufqu'à l'heure dernière,
Il donne en fes États un afyle à mon frère.
Quatre luftres entiers il y cache fon fort
Aux barbares fureurs de quelque lâche effort;
Et, pour rendre à fon front l'éclat d'une couronne,
Contre nos raviffeurs vous marchez en perfonne.
N'êtes-vous pas content, & ces foins généreux
Ne m'attachent-ils point par d'affez puiffans nœuds a
Quoi!, votre ame, Seigneur, feroit-elle obstinée
A vouloir affervir toute ma destinée ?

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