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Et demoura le roy en son camp jusques au vendredy troisiesme de juillet. Ce fut la plus grant entreprinse que oncques prince fist ne jamais fera, car chars ne charettes jamais ny avoient passe, mais si bon conseil et si bonne diligence y fut faicte que tout y passa, tant lartillerie, pouldre que toutes choses servans a lartillerie sans mort ne inconvenient de personne, et fut de par le roy solliciteur de passer la dicte artillerie monseigneur de la Trimouille qui se porta vaillament et y acquist grant honneur, car luy mesme mettoit la main a porter les grosses boules de fonte, de plomb et de fer qui estoit ung pesant fardeau a porter a cause quil les convenoit porter entre les mains et en chapeaulx qui nestoit pas sans grant peine. Avec ce on fist tant a layde du maistre de lartillerie et le cappitaine des Alemans avec ses gens que lartillerie fut tyree et menee par les dictes Alpes par le col des hommes en la maniere des cheveaulx en montant icelle montaigne dont on y soutint une peine merveilleuse et grant travail, considere le lieu estrange et la grant chaleur quil y faisoit. Il est a entendre que si neust este la grant sollicitude du seigneur de la Trimouille qui faisoit boire et manger souvent les gens qui travailloient a cest affaire et par grans proesses sur ce faictes a grant peine leussent voulu faire les dicts Alemans. Apres que lartillerie fut ainsi montee une des Alpes ou montaignes du dict lieu, quant elle estoit au dessus le plus fort estoit a la descendre bas pour de rechief la remonter a lautre montaigne en suyvant. Et de faict il failloit atteller les cheveaulx et grant nombre dhommes par derriere pour retenir lartillerie en devallant contre bas, la quelle chose

fut plus penible et plus dangereuse beaucoup que a monter. Et de faict plusieurs compaignons dicelle artillerie comme canonniers, chargeurs, charretiers, aydes, boutefeux, arbalestriers, gens a pied suy vans la dicte artillerie, pionniers, macons, mareschaulx, serruriers et autres gens de toutes practiques duysans au faict de la dicte artillerie avec les Alemans et leurs cappitaines souffrirent des peines innumerables en cest affaire pour ce quil convenoit le plus souvent rompre et tailler le bout dune roche pour contourner les pieces dartillerie aucune fois eslargir et bien souvent remplir les concavites du chemin ou roches selon quil en estoit besoing en montant et en descendant. Et est a entendre quil y avoit a chascune heure cris et hurlemens merveilleux pour parvenir a la fin de leur entreprinse qui fut lune des grans du monde, car a bien regarder les chroniques et hystoires du temps passe on ne trouve point si grant ne si penible entreprinse estre faicte, toute fois moyenant layde de Dieu et le bon seigneur de la Trimouille et vertueuse diligence des dessus nommes tout passa au prouffit et honneur du roy. Et quant le dict seigneur de la Trimouille vint devers le roy luy faire assavoir comme on y avoit besongne il sembloit estre more, pour la grant chaleur quil avoit soutenu cecy faisant. Oultre est assavoir que pour encouraiger et donner hardyesse aux dessus dicts compaignons tout le long du jour autour et apres eux jouoient des tabourins de Suysses et autres instrumens ce pendant quils tyroient et halloient a la vercolle ainsi que dict est. En ce temps le mareschal de Gye acompaigne de six cens lances et quinze cens Suysses avec leurs cappitaines tant des compagnies

que les dicts Suysses passa devant les dictes Alpes a lavant garde au devant de nos ennemys qui fut bien faict a lhonneur du roy. Pendant icelluy temps que le roy estoit en son dict camp luy vindrent plusieurs nouvelles, tant du seigneur dAubigny que de Gayette et de ceulx de Naples qui le jour du Sainct Sacrement avoient voulu tuer nos gens, ensemble plusieurs autres nouvelles. Pareillement est a presumer que le roy ne vivoit pas si aisement en son camp quil eut faict autre part, mais a layde de ses bons officiers il fut supporte et joyeusement entretenu.

Le vendredy troisiesme de juillet le roy ouyt messe en son camp, et dicelluy partit en moult belle compaignie pour commencer a passer les Alpes et montaignes, dont ce jour il disna a Versay et alla coucher a Casse, par quoy ce jour fut passe sans alarme ne assault combien quil y en eust de mal loges et mal repeus pour les destroits du lieu.

Samedy ive jour de juillet le roy ouyt la messe a Casse et alla disner et soupper a Tharence, et coucha le roy et tout son ost en son camp soubs la seurete du bon guet et de certaines gardes.

Dimanche ve jour de juillet le roy ouyt la messe au dict Tharence, puis alla disner a Fornoue, lavant garde devant lartillerie, apres le roy en bataille et larriere garde derriere, la quelle estoit conduicte par le seigneur de la Trimouille ou il acquist grant honneur. Plusieurs gens darmes, seigneurs et gentils hommes se raffreschirent et firent panser et repaistre leurs cheveaulx mesmement ceulx de lartillerie. Apres disner lavant garde marcha en belle ordre son guet devant elle avec ses aisles et les

Alemans a coste de la greve. Apres marcha lartillerie en ordre requise. Puis vint le roy en bataille luy estant en icelle, et la conduysant en si bonne ordre que homme du monde scauroit faire, bien acoustre, bien arme, bien monte sur son bon destrier Savoye, et delibere autant ou plus que nul de sa compaignie, et plus asseure que nul autre. Apres marcha larriere garde pareillement en moult belle ordre et son guet et ses gardes par derriere elle, ensemble les aisles ung petit a coste. Et ainsi alla le roy et sa bande environ deux milles de pays, lors se leva quelque alarme et escarmouche daucuns avant coureurs mais ce ne fut rien. Et en marchant fut regarde ou le roy mettroit son camp pour le mieulx. Lors fut regarde de le mettre en une belle place toute plaine de saulsoyes, praeries et fontaines. Pour ce soir se trouva assez foing, froment et avoyne, dont le camp fut ordonne comme il appartenoit en ce dict lieu joingnant de moult grans biens, au moyen de quoy des Alemans le pillerent, et puis mirent le feu dedans, de quoy le roy fut moult courrouce, pour ce quil estoit au conte Galeasse. Au bout du camp du coste de nos ennemys estoit lartillerie en ung beau parc et les Alemans aupres de ceulx de lavant garde. Et pres du logis du roy et de la bataille du coste de Fornoue larriere garde, et fut fait bon guet par les escoutes et le guet ordinaire. Toutes fois environ deux heures apres mynuyt il se leva quelque alarme moult fort, mais ce ne fut rien.

CHAPITRE XXXIV.

Comment le roy fut assailly des Lombards a Fornoue, au quel lieu les Francois furent victorieux gaignant la bataille contre les Lombards, Milannois, Venitiens, Estradiots et autres nations.

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E lundy vie jour du moys de juillet lan mil. cccc. XCIV. le roy estant en son camp aupres de Fornoue environ six heures du matin il ouyt messe bien et devotement en ung grant pavillon ou toute la nuyt on avoit fait bon guet, apres la messe il disna, puis environ huyt heures il monta a cheval bien arme et moult richement acoustre. Lors luy estant arrive a lartillerie incontinent

*

Au retour de Naples par la deception de aulcuns le quel estoit le seigneur Ludovic de Milan le roy trouva certain lieu occupe dennemys et principalement le lieu de Fornoue. Au quel lieu si grant multitude de ses ennemys si trouva que le nombre des dicts estoyent de LX.M. hommes, mais le glorieux roy ayant esperance en Dieu le createur, a lexemple de Judas Machabeus estant au milieu de ses gens darmes les quels estoyent de petit nombre, si vaillament ont bataille que grant multitude de leurs ennemys ils ont mis a mort et tue, et les autres mis en fuyte en facon que au dict lieu le bon roy victorieusement demoura. Et pour ce quil congneust qua ycelle et par operation divine luy avoit este donnee, donna gloire a Dieu et envoya de grans dons en plusieurs saints lieux. Et finablement peu de temps apres celle victoyre sen revint en son bon royaulmo de France au quel grant joye fut demenee du peuple pour la venue du (Le Petit Fardelet des fais, folio M.III.)

bon roy.

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