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en l'Université de Paris, fait paraître une Gramère où il reprend la cause de la droicte écriture, ou de l'orthographe de Jacques Dubois et de Louis Meigret. Son ouvrage, plein d'érudition, dans lequel la théorie domine toujours les faits et répudie toutes les traditions, n'est considéré aujourd'hui que comme un monument curieux de philologie.

A ces grammairiens novateurs succédèrent enfin des grammairiens observateurs qui tinrent compte des faits et en firent sortir les règles et les principes, qu'ils coordonnèrent dans un ensemble rationnel et philosophique; nous voulons parler de Regnier Desmarets, le secrétaire perpétuel de l'Académie française, de Vaugelas, et de Patru.

Enfin, les solitaires de Port-Royal publièrent à leur tour une grammaire que Beauzée développa dans sa Grammaire générale, qui aujourd'hui encore fait autorité.

Il est juste de dire en terminant que la véritable grammaire française se trouve tout entière, quoique fractionnée et éparse, dans le premier des monuments de linguistique moderne, le Dictionnaire de l'Académie française.

GÉNÉRALE ET HISTORIQUE

DE LA LANGUE FRANÇAISE

PREMIÈRE PARTIE.

C'est du roman, ou de la langue vulgaire parlée dans la Gaule du septième au onzième siècle, que s'est formée la langue française.

De toutes les langues romanes ou néo-latines, la nôtre est celle qui a le plus emprunté aux idiomes germaniques; la langue grecque elle-même lui a fourni un grand nombre de termes et de constructions; quant aux analogies qu'elle peut avoir avec l'hébreu, elles ne résultent pas d'une transmission directe, mais d'emprunts faits aux dialectes celtiques, qui probablement avaient avec l'hébreu un certain nombre de racines communes.

Le peu de traces que le gaulois a laissées dans notre langue constitue un fait étrange qu'il est cependant facile d'expliquer les druides n'écrivaient pas, et leur enseignement était exclusivement oral; ils ne nous ont donc transmis aucun monument qui ait perpétué leur langue; des noms propres de lieux, de fleuves, de montagnes, et un petit nombre de vocables que les idiomes celtiques se sont appropriés, voilà tout ce qui nous est parvenu de l'ancien gaulois (1).

(1) Tels sont : Solde, soldat, soudOYER, formés de souldoyer, souldart : « Cum sexcentis devotis, quos illi soldurios vocant.» (César.) = BEC : « Cui, Tolosæ nato, cognomen in pueritia Becco fuerat; id valet, gallinacei rostrum. » (Suétone.) = LIEUE: «Non millenis passibus, sed leucis itinera metiuntur.» (Marcellin.)=DUN, montagne, d'où le mot dune, est entré dans un grand nombre de noms latins désignant des villes voisines d'une montagne : Lugdunum, Verodunum, Laudunum, Melodunum; il se retrouve en français dans Châteaudun, Loudun, Verdun, etc.

A la fin du neuvième siècle, on parlait dans la Gaule deux langues tout à fait distinctes: au midi, le provençal, connu sous le nom de langue d'oc; au nord, le français, désigné sous le nom de langue d'oil.

La langue d'oil comprenait alors trois dialectes principaux le normand, le picard et le bourguignon, desquels s'est formée peu à peu la langue commune aujourd'hui à tous les habitants de la France.

DE L'ALPHABET.

L'alphabet français est l'alphabet latin de l'époque impériale; il s'est transmis par suite de l'établissement des Romains dans l'Occident, non-seulement aux peuples de la Gaule, mais à ceux de l'Espagne et de la Bretagne. Altéré et souvent défiguré au moyen âge, il fut ramené à sa première forme vers le milieu du quinzième siècle. De ce que les lettres ont conservé leur forme primitive, il ne s'ensuit pas qu'elles aient gardé la valeur et le son qu'elles avaient du temps des Romains; loin de là: les lettres isolées ou combinées ont subi dans la prononciation des modifications très-sensibles et qui ont varié selon les lieux et les temps.

Des lettres.

Notre alphabet a eu d'abord vingt-trois lettres :

a, b, c, d, e, f, g, h, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, v, x, y, z; il s'augmenta, au seizième siècle, de deux lettres nouvelles par suite de la distinction du j et de l'i, et de celle du v et de l'u.

Aujourd'hui, par l'intrusion du w, emprunté à l'alphabet des peuples du Nord, il comprend vingt-six lettres que l'on range dans l'ordre suivant :

a, b, c, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, u, v, w, x,

Z.

Suivant l'ancienne appellation, on les désigne sous les noms de a, bé, cé, dé, é, effe, gé, ache, i, ji, ka, elle, emme, enne, o, pé, ku, erre, esse, té, u, vé, double vé, ics, i grec, zède.

Suivant l'appellation nouvelle, on les nomme a, be, ce, de, e, fe, ge, he, i, je, ke, le, me, ne, o, po, ke, re, se, te, u, ve, ou, xe, i, ze,

Ces lettres se divisent en voyelles ou voix, et en consonnes ou articulations.

Les voyelles sont a, e, i, o, u, Y.

Les consonnes sont b, c, d, f, g, h, j, k, l, m, n, p, q, r, s, t, v, w, x, z.

Des voyelles ou vɔix.

On a donné aux signes a, e, i, o, u le nom de voyelles, parce qu'ils représentent les sons simples, c'est-à-dire ceux qui peuvent se prononcer seuls et sans le secours d'une autre lettre.

Deux de nos voyelles, a et o, forment souvent un mot distinct et figurent isolément dans la phrase; la première comme verbe ou comme préposition :

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Chaque âge à ses ressorts qui le font mouvoir; mais l'homme est toujours le même ; à dix ans il est mené par les gâteaux, à vingt par une maîtresse, à trente par les plaisirs, à quarante par l'ambition, à cinquante par l'avarice. (J.-J. Rousseau.)

La seconde comme interjection :

O réveil plein d'horreur!
O songe peu durable!
O dangereuse erreur!

(Racine.) (1)

Les voyelles sont longues ou brèves selon le plus ou le moins de temps qu'on met à les prononcer : ainsi a est bref dans bal, nectar, patte, et long dans gras, pas, pâte ; e est bref dans bonté, et long dans accès; i est bref dans lit, et long dans gite; o est bref dans homme, et long dans dôme; u est bref dans butte, et long dans but (2).

En français les voyelles se prononcent même de trois manières : elles sont brèves, graves ou longues.

Elles sont brèves ou graves par nature ou par position, longues par suite d'une contraction.

L'a se présente sous trois formes, a, à, á.

L'e sous quatre, e, é, è, é.

L'i et l'o sous deux seulement, i, i, o, ó.

L'u sous trois, u, ù, û.

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(1) En latin, les quatre premiers sons simples étaient souvent employés comme mots: Stare a mendacio. (Cicéron.) E me ne quid metuas. (Plaute.)- I lictor. (Tite-Live.) O tempora, o mores! (Cicéron.) — O faciem pulchram! (Térence.) (2) En grec et en latin, la quantité d'une voyelle change souvent par position: ainsi la voyelle suivie de deux consonnes est généralement longue; en français, au contraire, on redouble très-souvent la consonne après une voyelle brève : patte, selle, homme, comme, etc.

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