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Il garde même le tréma au passé défini, nous haïmes, vous haïtes, et à la troisième personne du subjonctif imparfait, qu'il haït, au lieu de prendre, comme tous les autres verbes, l'accent circonflexe :

Je ne hais pas les gens que la colère enflamme :

On sait mieux et plus tôt tout ce qu'ils ont dans l'âme. (C. Delavigne.) On n'a jamais ouï dire que les despotes HAISSENT le despotisme. (Montesquieu.) J'ai cru que vous ne HAÏSSIEZ pas ces détails. (Mme de Sévigné.)

On croit quelquefois HAIR la flatterie, mais on ne HAIT que la manière de flatter. (La Rochefoucauld.)

V. Fleurir, dans le sens propre, c'est-à-dire quand il signifie pousser des fleurs, être en fleur, n'éprouve aucune altération :

Un vieillard sur son âne aperçut, en passant,

Un pré plein d'herbe et fleurissant. (La Fontaine.)

Mais lorsqu'il est pris dans le sens figuré et qu'il signifie être dans un état de prospérité, être en crédit, en réputation, il fait à l'imparfait fleurissait ou florissait, et toujours florissant au participe présent :

Les beaux-arts FLEURISSAIENT ou FLORISSAIENT sous François Ier.

Une santé dès lors florissante, éternelle,

Vous ferait recueillir d'une automne nouvelle

Les nombreuses moissons. (J.-B. Rousseau.)

Lorsqu'on parle d'une personne ou d'un peuple, d'une ville, d'une république, on dit le plus souvent florissait, et toujours flo

rissant:

Ronsard FLORISSAIT à la fin du seizième siècle.

Athènes était FLORISSANTE sous Périclès.

L'Europe, l'Asie, l'Afrique, comptent sur leurs communes frontières de vastes et FLORISSANTS empires. (De Salvandy.)

Heureux, dit-on, le peuple florissant

Sur qui ces biens coulent en abondance.

(Racine.)

Refleurir se conjugue aussi sur fleurir; mais, dans le sens figuré, on se sert plus souvent de l'imparfait reflorissait, et du participe présent reflorissant.

VI. Bénir signifie :- 1o Louer, glorifier, appeler sur quelqu'un les bénédictions célestes, combler de faveurs; 2° Consacrer par des prières, par des cérémonies religieuses. — Dans le premier cas, le participe fait béni, bénie, et dans le second bénit, benite.

Beauzée, cherchant à résumer cette règle, dit que béni a un sens moral et de louange, et bénit un sens légal et de consécration :

Des armes qui ont été BÉNITES par l'Église ne sont pas toujours BÉNIES sur le champ de bataille.

Ce règne qui commence à l'ombre des autels

Sera beni des dieux et chéri des mortels. (Voltaire.)

Béni soit Dieu, qui rend mon fils à ma vieillesse. (E. Augier.) Sa mére lui donna force chapelets, scapulaires et médailles BÉNITES.

(Mérimée.)

D'un buis bénit, chaque printemps nouveau,
Pâques-fleuries ombrageait son chapeau. (C. Delavigne.)

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OBSERVATION. Dans les temps composés, le participe béni est le seul usité.

Buvez cette liqueur que nos mains ont bénie. (V. Hugo.)

(Voir VERBES IRRÉGULIERS.)

OBSERVATIONS SUR LA TROISIÈME CONJUGAISON.

Devoir et son composé redevoir prennent l'accent circonflexe au participe passé, mais seulement au masculin singulier, dû et redû; au féminin et au pluriel, ils s'écrivent sans accent, due, dus, redue, redus:

Je leur ai Dù tous les agréments de mon premier voyage en Orient.

A prix d'or j'aurais dû

(Lamartine.)

Me défaire de lui sous le stylet d'un brave. (C. Delavigne.) La gloire n'est DUE qu'à un cœur qui sait souffrir la peine et fouler aux pieds les plaisirs. (Fénelon.)

Pour la dernière fois, perfide, tu m'as vue,
Et tu vas rencontrer la peine qui t'est due.

(Racine.)

le

On a souvent dit que cet accent circonflexe n'avait pas d'autre raison que la nécessité de faire distinguer le participe du de l'article contracté du. C'est une erreur. L'accent circonflexe sert bien par fait à établir cette distinction, mais il doit être attribué à une cause plus grammaticale: primitivement, le principe de devoir était deubt, qui devint deu et enfin dû, prenant le circonflexe pour témoigner des altérations qu'il avait subies.

Si la raison donnée par certaines grammaires était réelle, tu, participe passé de taire, aurait aussi un accent circonflexe pour le distinguer de tu, pronom de la deuxième personne.

OBSERVATIONS SUR LA QUATRIÈME CONJUGAISON.

Les verbes de cette conjugaison se divisent en trois classes: 1o les verbes qui se conjuguent sur rendre; 2o les verbes qui se conjuguent sur craindre; 3° les verbes qui se conjuguent sur conduire.

Première classe, RENDRE.

I. Les verbes terminés par andre, endre, ondre, oudre, erdre et ordre se conjuguent sans changement sur Rendre.

II. Les verbes terminés par ompre, comme rompre, changent le d du radical en t, à la troisième personne de l'indicatif présent : il

rompr.

L'intérêt le plus vil ROMPT tous les liens du sang et de l'amitié. (Massillon.)
L'un gronde entre ses dents, l'autre rit aux éclats;
On crie, on s'interrompt, l'auteur peste tout bas.

(C. Delavigne.)

III. Les verbes terminés par soudre, comme absoudre, changent le d du radical en t, à la troisième personne de l'indicatif présent : il absour.

Dieu ABSOUT, dès qu'il voit la pénitence dans le cœur. (Pascal.)
Pline dit que la lune RÉSOUT et dénoue ce que le soleil assemble.

(Bernardin de Saint-Pierre.)

'IV. Les verbes en aincre, comme vaincre, ne prennent ni d nit à la troisième personne de l'indicatif présent : il vainc, il convainc. Le c du radical se change en qu avant les voyelles a, e, i, o: je vainquais, que tu vainques, vous vainquiez, nous vainquors, etc. (Corneille.)

De l'amour aisément on ne vainc pas les charmes.

Edipe, loin de se douter d'être le meurtrier de Laïus, croit en être le vengeur; il se CONVAINC lui-même, en voulant convaincre Phorbas. (Voltaire.)

Il n'est point d'obstacles qu'ils ne surmontent, point de difficultés qu'ils ne VAINQUENT. (Fléchier.)

Je me CONVAINQUIs qu'il n'y avait pas de remède. (Marivaux.)

Je garde encor pour vous les sentiments d'un père;

Convainquez-moi d'erreur, elle me sera chère. (Rotrou.)

Il fallait rendre dur le son du c avant a, e, i, o; c'est la raison inverse qui a fait adoucir le c de menacer avant a et o : je menaçais, nous menaçons.

V. Les verbes en attre, comme battre, perdent le second t de leur radical à l'indicatif présent : je bats, tu bats, il bat, au lieu de je batts, tu batts, il batt.

Je ne me BATS pas avec le fils d'un marchand; si vous étiez noble ou officier, je ne dis pas. (Scribe.)

Contre l'opinion en vain tu te débats,
Elle va s'exalter jusqu'à la frénésie,
Et t'enterrer vivant sous ton apostasie.

(C. Delavigne.)

Et comptez-vous pour rien Dieu qui combat pour nous ?

Dieu, qui de l'orphelin protége l'innocence,

Et fait dans sa faiblesse éclater sa puissance. (Racine.)

Dans tout le reste de leur conjugaison, les verbes en attre suivent le modèle Rendre.

Deuxième classe, CRAINDRE.

Les verbes en aindre, eindre et oindre, ont été classés à tort parmi les verbes irréguliers. Rien n'est plus régulier, en effet, que la présence du g au participe présent (craignant) et au passé défini (je craignis); car, en suivant la marche ordinaire, on aurait eu de craindre, craindant, je craindis, formes lourdes auxquelles on substitua d'abord crainant, je crainis; feindre, fainant, je feinis; joindre, joinant, je joinis, en supprimant le d du radical et en écrivant la consonne n à la manière des Espagnols dans señor (seigneur), pour allonger la syllabe précédente et compenser ainsi la perte du d; puis le g, que d'abord on prononçait sans l'écrire, a remplacé l'accent circonflexe. La même analogie se retrouve dans le mot montagne, qui d'abord s'écrivait montaigne et vient du latin montanus. Quant au t du participe passé, il a craint, il a feinт, il a été substitué au d du radical.

MODELE D'UN VERBE DE LA DEUXIÈME CLASSE: CRAINDRE.

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Je le craindrais bientôt, s'il ne me craignait pas.

(Racine.)

Pitt et Fox CRAIGNAIENT de rompre cette longue et intime alliance. (Villemain.) Il y a plus de risque à être CRAINT qu'à être méprisé. (Mably.)

Verbes à conjuguer sur Craindre:

Terminaison en AINDRE.

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Deux épouvantables naufrages CONTRAIGnirent les Romains d'abandonner l'empire de la mer aux Carthaginois. (Bossuet.)

Les avares se PLAIGNENT des choses nécessaires. (Destouches.)

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Il s'ASTREINT à toutes les macérations de la vie des cénobites. (Lamartine.)

Le seul acte de la vie de l'homme qui atteigne toujours son but, c'est l'accomplissement de son devoir. (Mme de Staël.)

Je dessinai d'après le Tasse, je dessinai d'après la nature, enfin je PEIGNIS, for! mal d'abord, ensuite moins mal, puis un peu mieux. (P.-L. Courier.)

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On ADJOIGNIT à chacun des consuls cinq légats ayant les pouvoirs proconsulaires. (Mérimée.)

Ma mère, pour prier, joignait nos jeunes mains.
Tu t'en souviens, Luigi?

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Troisième classe,

(C. Delavigne.)

CONDUIRE.

Les verbes terminés en uire forment une classe nombreuse dont les différences tiennent à la présence d'une voyelle, condui, à la fin du radical, tandis que tous les autres verbes auxquels rendre et craindre servent de modèles terminent leur radical par une consonne. Comme l'opposition des terminaisons ant du participe présent et is du passé défini aurait produit conduiant, je conduiis, l'intercalation de l's euphonique entre le radical et la terminaison a dú se faire naturellement (conduisant, je conduisis). Il est même probable que cette s n'est pas seulement euphonique, mais qu'elle remplace I'r de la terminaison, comme on le verra plus tard dans lire, lisant, dans ris (substantif), qui vient de rire. C'est ainsi qu'en latin l'r et l's se substituent continuellement (ero pour eso et honos pour honor).

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